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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
UN MOIS A TRAVERS LA FRANCE OCCUPEE PUIS LIBEREE MON ALLER ET RETOUR « PARIS-ESPAGNE » EN AOUT 1944
 

Par Georges RIBOLLET

A Paris, fin juillet 1944, le futur Général NAVARRE me demanda de me rendre en Espagne pour y récupérer venant d’Alger, une somme importante, et un lot de cartes d’identification destinées aux Officiers de Sécurité Militaire précurseurs, afin de leur permettre à la libération de leur zone territoriale, de se faire reconnaître auprès des Autorités Civiles Françaises, ainsi qu’auprès des Autorités Militaires Alliées. Ces cartes, déjà signées par le Colonel PAILLOLE, devaient être contresignées par lui NAVARRE. Il ajouta qu’un deuxième débarquement Allié sur les côtes méditerranéennes était imminent et que la rapide possession de ces cartes était capitale. Je pris le train en direction de Lyon, halte indispensable pour la récupération d’une bicyclette, précieux véhicule à cette époque. Le voyage Paris Lyon ne fut pas facile. Les voies ferrées coupées en maints endroits, amenaient les voyageurs à effectuer à pied de longs parcours, de « transbordements », sous l’œil narquois des vigiles de la Wehrmacht.  

DANS LES PYRENEES

Je mis deux jours pour me rendre à Lyon où je récupérai une bicyclette que j’embarquai dans le train avec un billet pour TARASCON. Mon intention était de me rendre à PERPIGNAN pour contacter la belle-sœur de Raymond BOTET, Chef de la Brigade de Gendarmerie de SAILLAGOUSSE, qui début janvier 1944, nous avait remarquablement aidé René BOFFY et moi, à franchir les Pyrénées avec un important courrier destiné à la Direction de la Sécurité Militaire à ALGER. Mon voyage se fit par petites étapes entre TARASCON et PERPIGNAN. Dès mon arrivée à PERPIGNAN, je me rendis chez la belle-sœur de BOTET. Grande fut ma déception car le chef de la Brigade de Gendarmerie de SAILLAGOUSSE n’avait pas donné de ses nouvelles depuis déjà longtemps et toutes les liaisons étaient interrompues. Il y avait déjà six jours que j’avais quitté PARIS et je tenais à accomplir ma mission dans les meilleurs délais. C’est alors que je décidais d’utiliser la filière dont le Colonel PAILLOLE m’avait autorisé à me servir dans le cas où toutes les autres possibilités sembleraient vaines. Cette filière était celle de l’enclave espagnole de LLIVIA. La seule personne qui pouvait m’aider à me rendre à LLIVIA était le frère d’Hector RAMONATXO , résidant à LA TOUR de CAROL Me rendre par le train à LA TOUR de CAROL eut été insensé. Les sbires de la police allemande épluchaient chaque voyageur. J’en avais fait l’expérience début janvier 1944 avec René BOFFY. Raymond BOTET avait dû nous cacher sous les valises et les paquets du fourgon à bagages. Je décidai de faire le déplacement par la route et en pédalant. Plus de cent kilomètres, toujours en montées J’avais trente ans !... Parti dans l’après-midi de PERPIGNAN, j’arrivai exténué le lendemain matin à LA TOUR de CAROL. Je fus accueilli avec beaucoup de chaleur par la famille RAMONATXO . Le frère de « TONTON » qui était Agent Général pour la représentation de la Société PHILIPS dans la province du ROUSSILLON, était également propriétaire du barrage hydro-électrique de FORMIGUERES. A cette époque l’électricité appartenait à des entreprises privées.  

EN ESPAGNE, A LLIVIA

RAMONATXO, à qui j’expliquais ce que j’attendais de lui fut remarquable par son action. Il alerta immédiatement le gardien de son barrage de FORMIGUERES pour qu’il se rende auprès de notre poste à BARCELONE chercher les fonds et les cartes d’identification. Puis il m’indiqua la filière pour gagner l’enclave espagnole de LLIVIA où son envoyé devait me remettre de précieux chargement. Il fallait pour cela me rendre à ESTAVAR, village français frontalier de LLIVIA, et demander le maire, M. IMBERT. Douze jours après avoir quitté PARIS j’arrivais, toujours en vélo, en présence de celui-ci. C’était un solide gaillard ayant dépassé la quarantaine. Il me fit entrer chez lui et me déclara « Les Allemands observent les passages avec des jumelles. Ils commencent leur surveillance environ une demi-heure après le lever du jour. Nous partirons demain matin à l’aube, par un itinéraire éloigné de la route. Je porterai votre bagage et une faux sur l’épaule, le fer en l’air. Vous me suivrez à une centaine de mètres. Si je retourne ma faux le fer en bas, planquez-vous et surtout ne bougez plus. » Le soleil brillait quand avec M. IMBERT nous arrivâmes à LLIVIA dans la maison du passeur. Il n’avait pas retourné sa faux. Le passeur était un homme sympathique, entre trente et quarante ans. Il s’exprimait dans un français impeccable. Il me fit entrer dans « la chambre réservée » à ceux qui franchissaient clandestinement la frontière dans un sens ou dans l’autre. Il m’énuméra la liste de ceux, nombreux, qu’il avait hébergé parmi lesquels Monique GIRAUD, Mme DE LATTRE et son fils Bernard. Au bout de trois jours d’un séjour confortable mais durant lesquels je me faisais un grand souci car l’agent de liaison par RAMONATXO à BARCELONE ne rejoignait toujours pas LLIVIA, mon hôte m’annonça rayonnant : « Ça y est, “ ils “ ont débarqué du côté de TOULON. C’était une bonne nouvelle, mais je n’étais toujours pas en possession des objets de ma mission. C’était le 15 août. Dans le courant de l’après-midi le gardien du barrage de FORMIGUERES arriva enfin. Il avait fait le trajet aller et retour jusqu’à BARCELONE à bicyclette : Un exploit. Il portait en sautoir un collier de cheval de trait, qu’il me remit en me disant : « tout est là-dedans ». Il sortit un canif de sa poche et fit sauter les points de couture du collier. Des liasses de petites coupures de billets de banque français s’échappèrent au milieu desquels les cartes de reconnaissance envoyées par ALGER apparurent. Je mis le tout dans un grand sac. Cela formait une masse qui allait augmenter sérieusement le volume de mes bagages déjà à la limite de la surface du porte- bagage de ma bicyclette. J’examinais l’homme il était de taille moyenne, bien charpenté, affichant un grand calme. Je crois bien que c’était le légendaire VAILLOUTE dont j’ai appris plus tard l’aide efficace qu’il apporta à nos Services. Il avait remarqué les préparatifs de départ des douaniers allemands surveillant la frontière. Il nous quitta après que je l’eusse chaleureusement remercié. Le lendemain matin de bonne heure je partis pour ESTAVAR piloté par mon hôte qui me dit après quelques centaines de mètres : « Il n’y a plus d’Allemands, vous pouvez aller tout seul. » J’aurais voulu régler les frais de son hospitalité mais il refusa énergiquement. Je le remerciais pour son accueil et pour sa gentillesse. Je me dirigeais à travers champs comme à l’aller, car je ne tenais pas à me faire contrôler par des policiers ou douaniers espagnols qui n’auraient pas manqué d’être surpris par la somme, considérable pour l’époque dont j’étais possesseur. A ESTAVAR je récupérais ma bicyclette et me dirigeais sur PERPIGNAN. Ce fut la partie la plus gaie de mon long périple. Je roulais en descente et, à partir de VILLEFRANCHE de CONFLENT, je fus dépassé par les convois allemands qui se dirigeaient vers le Nord-Est. Les militaires étaient aux aguets, prêts à répondre à toute attaque des maquisards. Ils ne prêtaient aucune attention au cycliste que j’étais. Sans doute supposaient-ils que moi aussi je fuyais ces lieux... Certains me faisaient des signes de la main...  

DE PERPIGNAN A TOULOUSE

Il faisait nuit lorsque j’arrivai à PERPIGNAN. Il n’y avait plus d’Allemands. Je me dirigeai vers le quartier de la Loge, trouvai un hôtel ouvert et sans difficulté j’obtins une chambre. Le lendemain je déposai ma bicyclette et mes effets personnels à la consigne de la gare, puis je me dirigeai vers la préfecture en emportant les cent mille francs et les cartes de reconnaissance. Je demandai à voir le Préfet en personne, ce qui ne présenta aucune difficulté. Je lui racontai mon histoire et lui demandai de me donner — une voiture et un chauffeur; — une lettre pour le Directeur de la Banque de France l’invitant à changer mes petites coupures contre de plus grosses afin d’en diminuer le volume. Le Préfet m’accorda spontanément ce que je demandais. Il me pria de revenir quelques heures plus tard, le temps de faire rechercher par ses Services une voiture et un chauffeur. A la Banque de France, le caissier me remit cent mille francs en grosses coupures. De retour à la Préfecture, je constatai que le moyen de transport mis à ma disposition était loin d’être parfait. C’était un cabriolet dont la carrosserie apparaissait être en bon état, mais dont le moteur RUBY pétaradait et refusait toute accélération. Le chauffeur mis à ma disposition, d’allure jeune et au visage sympathique, était désespéré. Le mécanicien de la Préfecture l’était également. Il nous demanda de revenir le lendemain matin déclarant qu’il allait passer une partie de la nuit pour remettre le moteur en état. Le lendemain miracle! le moteur RUBY tournait normalement. En remerciement je donnais ma bicyclette au mécanicien tout heureux de cette aubaine et nous partîmes en direction de TOULOUSE. TOULOUSE était une ville morte. Par contre des rafales d’armes automatiques et des tirs de fusils de guerre faisaient un vacarme ininterrompu. La raison en était les miliciens qui occupaient les toits et les F.T.P. qui occupaient les renfoncements des portes cochères, chacun canardant l’autre.

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 137

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