Par le Colonel Paul PAILLOLE

Le 1er juillet 1940 naissaient les premiers réseaux clandestins de renseignements et de sécurité issus des Services Spéciaux de l'EMA (2e Bureau SR-SCR).

Dans la salle des conférences du séminaire catholique de Bon Encontre (près d'Agen) étaient réunis autour de moi les plus compétents et les plus engagés de mes camarades spécialisés dans la lutte contre les Services Spéciaux ennemis et volontaires pour la poursuivre en dépit des risques pour leurs familles et eux-mêmes.

Il y avait là Hugon de Lyon, Guiraud de Marseille, Bonnefous de Bourg-en Bresse, Rigaud de Lille (replié à Limoges), Johanès de Metz (replié à Clermont-Ferrand), Devaux de Toulouse, et Guillaume d'AFN.

L'étendue du désastre de juin ne nous échappait pas. Une population affolée, en désordre sur les routes du Sud, une hiérarchie militaire humiliée, muette, en déroute. Une centrale des Services Spéciaux militaires en fuite, sans boussole, un pouvoir (?) civil prêt à la collaboration en se vautrant dans le prestige militaire de Pétain.

L'appel de Noguès à poursuivre depuis l'AFN le combat perdu en métropole restait sans écho. Résistant à tant de détresses, il ne pouvait être qu'un combat incertain et clandestin.

Les clauses de l'Armistice imposaient le silence de nos armes et l'asservissement aux lois du vainqueur. De Vichy, un pouvoir usurpé, administratif et policier, entendait veiller au respect de ces lois.

Formés aux combats secrets et instruits depuis 1936 des objectifs et méthodes de lutte contre les agissements de l'ennemi, mes camarades saisirent avec moi l'occasion que nous tendait le Ministère de l'Agriculture par la voix de l'Inspecteur Général Préaux, de couvrir notre organisation de combat dans la mouvance devenue à la mode du " retour à la terre ".

Ainsi naquirent sur des bases solides et une expérience déjà confirmée, les " Travaux Ruraux " (TR) premiers réseaux de la France Combattante homologués à ce titre à partir du 1er juillet 1940.

Ils firent face sans défaillance.

Pour réussir il faut des hommes et de l'argent. Des hommes, nous n'en avons jamais manqué et le Mémorial de Ramatuelle honore l'ampleur de leur engagement et de leur sacrifice. De l'argent, nos caisses en débordaient. A 90 %, nos moyens financiers provenaient de nos saisies sur les agents de l'ennemi ou de Vichy. Ainsi Luchaire envoyé de Vichy en Espagne fut intercepté et délesté de plusieurs millions.

Dès lors et jusqu'à la libération du territoire, les réseaux TR sous l'impulsion de la DSM d'Alger, chassèrent impitoyablement la trahison et s'opposèrent aux ambitions des Services Spéciaux ennemis.

Hommage doit leur être rendu ainsi qu'à leur chef en métropole le Colonel Verneuil.