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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
L'EUROPE POST-COMMUNISTE LE TEMPS DES PREMIERS BILANS
 

Conférence prononcée lors du Congrès national de 1997

par M. Henry BOGDAN, historien, professeur agrégé de l'université.  

C'est en tant qu'historien et politologue que je voudrais vous présenter rapidement un premier bilan de l'Europe dite " de l'Est ", de ces " P.E.C.O. " comme disent les économistes, huit ans après l'effondrement des dictatures communistes.  

Deux remarques préliminaires :

Tout d'abord, il faut rappeler qu'en 1945, dans ces pays " libérés " par l'Armée rouge, les communistes se sont très vite rendus maîtres du pouvoir et y ont installé des régimes dits de " démocratie populaire ". C'est-à-dire :

  - Des régimes totalitaires avec le système du Parti unique, le P.C. seul, ou parfois associé à des Partis satellites, s'appuyant sur les syndicats-courroie de transmission, sur une police politique omniprésente formée et encadrée par des hommes du K.G.B. et sur des forces armées aux effectifs bien supérieurs aux besoins réels du pays.

- Un économie planifiée où le Parti fixait les objectifs de production et de consommation, les prix et les salaires, dans le cadre du C.A.E.M. dirigé depuis Moscou et en fonction des intérêts de l'U.R.S.S.

- Une politique extérieure alignée sur celle de Moscou avec l'intégration de ces pays dans le Pacte de Varsovie et la présence de troupes soviétiques dans les pays considérés comme dangereux ou vulnérables (R.D.A., Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie). La Yougoslavie de Tito, bien que pays dit " non aligné ", entretenait des liens très étroits avec l'U.R.S.S. et ne différait guère sur le plan politique des autres démocraties populaires.

- Enfin une société, un système d'éducation et une vie intellectuelle alignés sur les normes " socialistes " et brisant les identités nationales.  

Deuxième remarque :

Contrairement aux dires des officiels et des media occidentaux, les peuples de l'Est n'ont jamais adhéré aux régimes qu'on leur avait imposés. Si beaucoup de gens donnaient l'impression d'accepter le pouvoir en place, c'était par peur, opportunisme et désir de s'élever socialement, et aussi, et surtout, parce qu'ils savaient qu'ils ne pouvaient compter sur aucune aide extérieure.

A plusieurs reprises, ces peuples ont montré leur hostilité au régime. Ainsi, il y a eu des maquis anti-communistes actifs en Pologne, en Ukraine et dans les Pays baltes jusqu'au début des années cinquante. Et puis, il y a eu la révolte de Berlin-Est en juin 1953, les troubles en Pologne en juin-octobre 1956, la révolution hongroise d'octobre-novembre 1956, le " printemps de Prague " en 1968, et enfin l'agitation sociale permanente en Pologne depuis décembre 1970 qui a déstabilisé tout l'Est européen. Le terrain était donc favorable au changement, même si le changement s'est fait longtemps attendre.  

 

Des changements venus de l'intérieur

Date symbolique : le 9 novembre 1989, avec la chute du " mur de Berlin ", symbole de la division de l'Europe. Mais événement qui n'est qu'un maillon dans une chaîne d'événements qui ont ponctué l'année 1989. Tour à tour, la Pologne, la Hongrie, la R.D.A., la Bulgarie, la Tchécoslovaquie se sont débarrassées de leurs dirigeants communistes. La situation fut plus confuse dans les Balkans. La ligue des communistes yougoslaves éclata pour laisser place à des Partis communistes " nationaux " favorables aux réformes, prélude à l'éclatement de la Yougoslavie elle-même. Et en Roumanie, malgré la révolution populaire qui chassa Ceaucescu, ce fut l'un des collaborateurs du dictateur, Ilescu, qui confisqua à son profit le pouvoir. Quant à l'Albanie, sa " démocratisation " est encore loin d'être achevée aujourd'hui. Tous ces changements sont venus de l'intérieur. Les Occidentaux n'ont rien fait pour faciliter ces changements; ils les ont plutôt freinés. Les organisations financières et les gouvernements occidentaux en soutenant à coup de crédits (40 milliards de $ pour la Pologne de Gierek et de Jaruzelski, 18 milliards pour la Hongrie de Kadar, 20 milliards pour la R.D.A. de Honecker) ont donné plus de 15 ans de sursis aux régimes communistes en place.

Les causes du changement sont multiples, même s'il n'est pas exclu qu'au départ tout ait été programmé depuis le Kremlin. Il y a eu conjonction de différents événements : l'agitation ouvrière en Pologne depuis 1970 renforcée par l'élection de Jean-Paul II en 1978 qui appuie ouvertement Solidarnosc et Lech Walesa, l'élection de Reagan en 1980 avec son programme de l'I.D.S. qui met en évidence l'incapacité de l'économie soviétique à relever le défi, l'avènement de Gorbatchev en 1985 qui renonce à la doctrine Brejnev et décolonise l'Est européen pour sauver le régime en U.R.S.S., rendant ainsi aux peuples de l'Est la maîtrise de leur destin.  

Pour dresser le bilan des changements, il faut partir des revendications exprimées en 1989 par les peuples de l'Est et voir dans quelle mesure elles ont été satisfaites. Quatre aspirations dominaient : la liberté et la démocratie, le respect des identités nationales, la prospérité " à l'occidentale ", et leur intégration à l'Europe.  

 

Un bilan " globalement positif "

Sur le plan politique, le bilan serait plutôt " globalement positif ". Dans une large mesure, les principales libertés sont respectées même si dans la Serbie de Milosevic et la Slovaquie de Meciar, les libertés sont plus théoriques que réelles.

Le multipartisme existe partout mais les ex-communistes reconvertis en " socialistes " devenus défenseurs de l'économie de marché, sont encore largement présents dans l'administration et l'armée.

Les lois électorales élaborées avec le concours de juristes occidentaux favorisent les partis les mieux structurés et ont ainsi joué en faveur des ex-communistes lors des secondes élections législatives de 1993-1994 en Lituanie, Pologne, Hongrie et Bulgarie.

L'alternance politique, il est vrai, joue dans les deux sens et en 1996-1997, cela a permis l'éviction des ex-communistes en Lituanie, en Bulgarie et en Pologne ; en Roumanie même, Ilescu a été largement battu par le démocrate chrétien Constantinescu.  

La deuxième revendication était le respect de l'identité nationale. Dans ce domaine, il y a le meilleur et le pire. Le meilleur, c'est la dissolution du Pacte de Varsovie et le départ des troupes soviétiques des pays qu'ils occupaient ; ce départ a été salué unanimement y compris par les ex-communistes. C'est aussi le retour aux traditions nationales (anciennes armoiries, anciens uniformes, etc...). Le pire, ce sont les dérives ultra-nationalistes dont sont d'abord victimes les minorités ethniques (Albanais du Kossovo, Hongrois de Slovaquie et de Voïvodine, Tziganes). C'est aussi l'implosion des États artificiels créés en 1919-1920. S'il y a eu un " divorce de velours " entre les Tchèques et les Slovaques en 1992-1993, en revanche en Yougoslavie les nationaux bolcheviks serbes se sont opposés par la force au désir d'indépendance des Slovènes et des Croates ; en Bosnie-Herzegovine, cela a débouché sur un conflit meurtrier (1992-1995) auquel la communauté internationale a mis fin par les fragiles accords de Dayton.

La troisième revendication formulée en 1989 était le passage à l'économie de marché pour accéder à la prospérité " à l'occidentale ".

Sur ce plan, les résultats sont très mitigés. La vérité des prix, les privatisations, l'ouverture des frontières imposant la modernisation et la restructuration de l'appareil de production, la mise à niveau des infrastructures, ont provoqué des dégâts, hausse des prix, chômage, baisse du niveau de vie pour la majorité de la population, d'une population habituée au plein emploi et à ce que d'autres pensent pour elle.

 

Aujourd'hui, de 25 à 30 % des Hongrois et des Polonais vivent en dessous du seuil de pauvreté, mais ce pourcentage monte à 70-80 % dans les Balkans. Toutefois depuis 1995, les premiers signes d'éclaircie apparaissent : l'inflation recule (en Pologne : 76 % en 1991 et 18 % en 1997, en Hongrie : 35 % en 1991 et 17 % aujourd'hui), certains pays ont retrouvé la croissance ( + 7 % dans les États baltes en 1997, + 5% en Pologne, + 2 % en Hongrie ) et on l'annonce pour 1998 en Bulgarie et en Roumanie, mais tout cela au prix d'une austérité renforcée, difficilement acceptée par la population. Sans parler d'un endettement extérieur considérable, en grande partie héritage des anciens régimes.

Cette austérité, ces efforts, les Pays de l'Est les ont acceptés car c'était le prix à payer pour entrer dans l'Europe. Mais là aussi grande est la déception. Certes, les P.E.C.O. font partie du Conseil de l'Europe et de l'O.S.C.E., certains même sont au F.M.I. et il existe des traités d'association à l'Union Européenne avec promesse d'intégration à l'horizon 2000 pour certains d'entre eux (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovénie). Trois pays viennent d'être admis dans l'O.T.A.N. (Hongrie, Pologne et République tchèque) mais les plus menacés, les États baltes, n'y seront probablement jamais admis en raison du veto russe.

Tel est le premier bilan que l'on peut dresser au bout de huit ans. Les perspectives d'avenir, encore incertaines dans les Balkans, sont nettement meilleures dans les pays de l' "` Europe médiane " (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Pays baltes, Croatie, Slovénie). Partout, les populations attendent encore beaucoup de l'Europe. Le risque serait sans doute de les décevoir car cela risquerait de précipiter les P.E.C.O. les plus fragiles dans des aventures dont nous serions les premiers à subir les conséquences.

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 176

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