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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
LES SERVICES SPÉCIAUX FRANÇAIS DANS LES CONFLITS D'OUTRE-MER 1945-1956 (4)
 

LA FRANCE ET LE CONFLIT FRANCO-VIET MINH

par le Colonel Clément RUAT

Le Colonel DAUGREILH annonçait dans le Bulletin N° 149 son prochain article : LE FILM SOMMAIRE DES OPERATIONS NOS SERVICES EN INDOCHINE En bas de la même page on pouvait lire : " LE COLONEL DAUGREILH N'EST PLUS "

Comme notre Président m'en a manifesté le désir, et en souvenir de mon ancien et fidèle collaborateur, et vieil ami, le Colonel Henri Daugreilh, je vais essayer d'écrire ce qu'il avait annoncé.

 

Bien que datant de plus de trente ans, ces événements ont trop marqué leur époque, pour que l'on puisse entrer dans beaucoup de détails, et encore moins, faire beaucoup de commentaires. Si l'on veut des récits détaillés, il y a lieu de se référer à tous les livres qui ont paru, que Daugreilh avait cités dans le Bulletin n° 146, et à tous ceux qui ont pu paraître depuis.

 

Il est toutefois nécessaire, avant de parler des Services Spéciaux (objet de cette étude) de rappeler certains éléments qui permettront, je pense, de se faire une idée de la situation du pays dans lequel ils étaient appelés à travailler.

 

I. - Nous commencerons par une double liste, celle des Autorités Françaises et celle des Autorités Viet Minh.

II. - Viendra ensuite un relevé rapide des principales activités qui, en Indochine, ont marqué cette époque.

III. - Nous traiterons ensuite des organisations Viet Minh, notre objectif.

IV. - Viendront ensuite nos Services et leur évolution en fonction d'événements et de notre expérience.

V. - Nous essaierons, pour terminer de faire un bilan sommaire.

 

I. - LES HAUTES AUTORITES

CÔTE FRANÇAIS

Autorités civiles

HAUTS COMMISSAIRES

En 1947, M. Bollaert remplace l'Amiral Thierry d'Argenlieu.

En 1948, M. Pignon lui succède.

En décembre 1950 c'est le Général de Lattre de Tassigny qui prend sa place.

En 1952, M. Letourneau est nommé à ce poste.

COMMISSAIRES GENERAUX

En 1953, M. Dejean arrive à Saigon (le nom de la fonction a changé). En 1954, le Général Ely le remplace.

(Il faut citer aussi S.M. Bao Dai, monté sur le trône en 1944 qui fut déclaré déchu en 1955, mais dont l'influence fut des plus restreinte.)

HAUT COMMANDEMENT

Après le Général Leclerc, c'est en 1946, le Général Valluy qui devient Commandant en Chef.

En 1948, le Général Blaizot le remplace. En 1949, le Général Carpentier lui succède.

Fin 1950, le Général de Lattre de Tassigny (déjà cité comme Haut-Commissaire) arrive à son tour, et, avec lui, les Généraux Salan et Cogny.

Il faut rappeler que quelques temps auparavant, le Général de Lattre avait reçu une lettre de son fils Bernard, qui lui disait : " Papa, on a besoin de toi ici. " Le 30 mai 1951, Bernard était tué à Ninh Binh.

En 1952, le Général Salan succède au Général de Lattre.

En 1953, il est à son tour remplacé par le Général Navarre.

En 1954, après Dien Bien Phu, celui-ci part. Il est remplacé par le Général Ely, également Commissaire Général.

 

DU CÔTE VIET MINH QUE SE PASSE-T-IL ?

Dans le Bulletin no 146, Daugreilh nous a dressé une notice biographique de :

- Ho Chi Minh ;

- Pham Von Dong ;

- Vo Nguyen Giap.

Le premier est Président de la République Démocratique du Viet Nam, le deuxième en est le Vice-Président, quant à Giap,il est le Ministre de la Défense Nationale et assure le Commandement suprême de l'armée populaire.

Nous n'ajouterons à cette biographie de ces trois hautes autorités, en place, avant, pendant, et après notre guerre d'Indochine que cette citation d'un texte de Giap de 1950 :

" La puissance française s'accroît peu, cependant que la nôtre augmente chaque jour... Nous allons commencer la troisième phase de notre guerre. Il y a eu d'abord la guérilla spontanée, puis la guérilla organisée. Maintenant nous allons passer de la défensive à l'offensive par la guerre de mou­vement.

 

Dans la contre-offensive par la guerre de mouvement. Dans la contre-offensive imminente, nos troupes auront à encercler l'adversaire et à le réduire à merci, jusque dans ses centres vitaux. Il faut que dans quelques mois soient définitivement liquidées les dernières bases de la résistance colonialiste. "

Mis à part le délai, ce programme sera rigoureusement appliqué.

 

II. - PRINCIPALES ACTIVITES MILITAIRES DE 1947 A 1955

Ce fut d'abord, pour les troupes françaises, une suite de petits échecs : postes attaqués puis rayés de la carte ; ou simplement abandonnés, soit volontairement par nous, soit à la suite de la trahison de quelques membres de la garnison.

 

Mais le plus grave et le plus pénible fut l'évacuation de Cao Bang et la tragédie de la R.C. 4 de mai à octobre 1950, dans laquelle nos pertes en personnel furent énormes et la quasi-totalité de nos stocks abandonnée.

 

En 1951, ce sont les vibrants appels du Général de Lattre, pour la mobilisation des vietnamiens, les jeunes en particulier, et qui eurent un profond retentissement

 

Ninh Binh, où fut tué Bernard, tint, grâce au Général Vanuxem.

 

Après le départ du Général de Lattre, en 1952, on peut citer Sam Noua et la Plaine des Jarres, occupés et évacués en 1953.

 

C'est ensuite Dien Bien Phu, opération déclenchée le 20 novembre 1953 et qui se termina par la chute du camp le 15 mai 1954, après deux mois de violents combats. Il est inutile de rappeler le total des pertes : tués, blessés, prisonniers et disparus, sans compter le matériel et bien entendu les conséquences politiques : les Accords de Genève.

 

Pendant ce temps, Laichau et le pays Thai avaient été évacués.

 

Ce fut ensuite le départ d'Hanoi et le repli sur Haiphong de toutes les troupes et tout le matériel.

 

Troupes et matériels furent ensuite, progressivement évacués vers le Sud-Vietnam, jusqu'à la fin de la " période des 300 jours ".

 

Un dernier régiment et le petit E.M. du Général Cogny, quittèrent Doson en mai 1955.

 

De toutes les questions que l'on peut se poser, je n'en retiendrai qu'une :

 

D'où venaient les forces V.M. qui attaquèrent Dien Bien Phu, et eurent raison de nos troupes, environ 16 000 hommes, tous de régiments d'élite ?

 

 

A la frontière chinoise, sur des centaines de kilomètres, le Viet Minh avait aménagé des routes et des camps, où furent formés, tant sur le plan politique que militaire, une masse d'hommes de tous horizons et de toutes origines, sous l'autorité d'instructeurs militaires, mais encore plus peut-être de commissaires politiques, surveillés et dirigés par les Chinois.

 

Ces troupes, politiquement et rigoureusement éduquées, militairement très bien instruites, physiquement extrêmement entraînées, et sur le plan matériel, fortement équipées, toujours par les Chinois, furent organisées en bataillons et régiments qui composèrent les fameuses divisions telles la 304, la 308, la 320 et autres, qui attaquèrent Dien Bien Phu, sans oublier le fameux bataillon de renseignement et d'action la 468.

 

III. - NOTRE OBJECTF - LES ORGANISATIONS VIET MINH

Pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut, en tout premier lieu, se souvenir qu'en Indochine, il ne s'agissait pas d'une guerre classique, opposant deux armées ennemies, mais d'une guerre révolutionnaire menée, du côté Viet Minh, non seulement par des troupes régulières, mais aussi par

une population, fortement encadrée, et agissant, de gré ou de force, au profit d'une organisation, elle aussi révolutionnaire.

 

Nous aurons donc, à côté d'un S.R. et d'un C.E. classiques, tout un ensemble d'organisations spécifiques que nous allons passer en revue.

Le S.R. Classique, avec deux services distincts :

- le Tinh Bao dépendant de la Présidence du Gouvernement.

- Le Diep Bao relevant du Haut Commandement.

 

Les méthodes de travail de ces services classiques, s'apparente étroitement à celles de nos propres services.

 

Le S.R. de Contact, domaine du Quan Bao ou S.R. militaire. Il dispose d'unités de reconnaissance (Trinh Sat) adaptées à chaque unité et à chaque échelon. Au sommet dépendant du Haut Commandement, le fameux Bataillon 468 déjà mentionné. Ces unités du Trinh Sat sont les fournisseurs principaux du Quan Bao et utilisent, à l'exception de la manipulation d'agents, les moyens classiques : observation, contacts, infiltration, coups de main et interrogatoires.

 

Le S.R. populaire

C'est, suivant l'expression V.M. : " La mobilisation de la masse populaire dans les missions S.R.  Ce S.R. populaire vise non seulement à instruire le peuple, mais aussi à faire comprendre aux spécialistes, qu'on ne peut rien faire sans le peuple. " Ce S.R. populaire s'appuie sur les " groupements populaires " : agriculteurs, jeunes, vieillards, femmes, etc. Si ce S.R. revêt un aspect mineur par le personnel qu'il emploie, il représente un adversaire innombrable, qui absorbera une grande partie de l'activité de nos détachements. (Nous en reparlerons.)

 

Le C.E.

C'est la mission essentielle de la Sécurité Publique ou Cong An, et ses méthodes, classiques, consistent surtout à recruter des agents en place dans les Services adverses. En outre un effort s'est poursuivi pour faire un Cong An populaire, dont l'objectif est de faire de tout citoyen, un agent de C.E. et de protection politique.

Ajoutons qu'au sein de l'armée, existe un organisme de " protection " le Bao Ve, dont la mission s'apparente à celle de notre Sécurité Militaire.

 

Le Dich Van

Placé à tous les échelons, sous la direction du Parti, c'est un service de propagande à l'adresse de l'adversaire. On ne compte pas le nombre de postes tombés par trahison intérieure. Dans la zone d'Haiphong ce n'est que grâce à une lutte permanente de notre Détachement local, qui se montra très efficace, si les élèves du Centre d'Instruction des Forces Armées Vietnamienne ne désertèrent pas en bloc (près de 10 000 hommes).

Le Dich Van travaille avec le Quan Bao (S.R. de contact) et le Cong A (C.E.).

En outre des agents spécialisés exerçaient cette activité Van auprès de populations, amies ou ennemies.

 

LES ORGANISMES POLITICO-ADMINISTRATIFS

Ils comprennent les comités administratifs, ainsi que le front Lien Viet avec des groupements de catégories de tous les habitants. La destruction de ces organismes ou organisations était indispensable pour la sécurité de nos troupes.

Le Dan Lao Dong C'EST LE PARTI

Toutes les directives que nous avons pu connaître, montrant l'emprise totale du Parti sur les différents organismes. La plus importante des unités Trinh Sat, le fameux Bataillon 468, déjà cité, comprenait une proportion de communistes supérieure à toutes les autres unités. A titre d'exemple, la Compagnie 62, sur un effectif global de 68 militaires, comptait 44 membres du Parti. Sans entrer dans plus de détails, rappelons seulement une étude faite par nos Services en 1954, qui citait ce texte Viet Minh : "... pour détruire l'esprit proprement technique, les organismes du Parti doivent prendre entièrement le travail en main ".

C'est ce qui fut effectivement réalisé.

 

IV. - NOS SERVICES ET LEUR EVOLUTION

Dès avant la guerre d'Indochine, tous nos Services étaient représentés. Daugreilh nous en a, dans différents bulletins, donné les détails. Les Organismes dépendant du S.D.E.C.E. furent groupés au sein de la 5ème Section de l'E.M.I.F.T. sous les ordres du Colonel Belleux.

 

Ne disposant d'aucune archive concernant les autres Services, je bornerai, et tout le monde le comprendra, au C.E. et, en particulier à son évolution depuis 1951.

 

En janvier 1951, le Chef du B.C.R. de Saigon adressait au Général Commandant en Chef, une étude dans laquelle il soulignait un certain manque d'efficacité des Services de Renseignements, compte tenu que, les différents Services, malgré de bonnes relations " latérales " travaillaient isolément. On pouvait aussi constater une prolifération de petits organismes, créés à l'initiative de certains commandements locaux, sans hiérarchie technique, sans protection et " d'une efficacité contestable " (Je ne fais que citer).

 

Il concluait que " de même que le Commandement disposait de Renseignements Opérationnels (S.E.H.), il devait pouvoir disposer d'une Organisation de Contre-Espionnage. "

" Cet organisme, écrivait-il doit être unique et centralisé pour être efficace... "

C'est ainsi que le 10 avril 1951, paraissait la décision n° 193/CAB.MIL/ED du Général de Lattre :

 

J'ai décidé de mettre sur pied le Contre-espionnage Opérationnel, dans le cadre des divisions de marche du Tonkin (Texte souligné par nous, compte tenu de l'importance de cette décision.)

Suivaient les caractéristiques :

Mission : le Contre-espionnage, sous ses trois formes : offensif, préventif et répressif.

Commandement : Un officier du C.E. du S.D.C.E.

Composition : Éléments du S.D.E.C.E., des Sécurités Militaires et des Services de Sécurité du Haut Commissariat.

Emploi : Mise à la disposition du Commandement local.

Hiérarchie, Technique pour chacun des services représentés.

 

En application de cette décision, ce fut :

- le 14 avril 1951 la création de la Brigade de la 2ème D.M.T à Haiduong.

- le 12 septembre celle de la brigade de la 1ère D.M.T. à Hanoi.

- le 9 novembre celles de la 4ème à Haiphong et de la 3ème à Nam Dinh.

 

Furent également créées des brigades à Saigon et au Laos.

 

Dès le 14 avril, une note du Cabinet Militaire, signée par le Général Cogny précisait :

- la mission : déceler et neutraliser les agents et l'action des services spéciaux ennemis.

- le mode d'action : Centralisation des renseignements et des documents.

 

- Mise en place d'informateurs.

- Interrogatoire des prisonniers ayant appartenu aux services S.R. Viet Min

- Arrestation et Interrogatoire des agents ennemis détectés.

 

Les différentes notes de service, mettant en place les nouvelles brigades reproduisaient, toutes, les termes de la première, à un détail près, qui s'est avéré d'importance :

 

En effet, dès la création de la brigade de la 1ère D.M.T., un inspecteur de Sûreté Nationale Vietnamienne était ajouté à l'effectif. Grâce à ces fonctionnaires de police, toutes les actions dans les villes ont revêtu un caractère légal. Il faut dire aussi que ces fonctionnaires se sont vite et très bien intégrés dans le nouveau dispositif.

 

1953 vit le rodage des Brigades de C.E., mises sur pied l'année précédent ;  pour elles, identifier leurs objectifs, se constituer des archives, et, pour le Commandement, mieux les connaître, mieux les utiliser. C'est ainsi qu'une doctrine d'emploi s'élaborait pendant que les méthodes de travail s'adaptaient aux conditions spéciales de la guerre au Nord-Vietnam.

 

ABREVIATIONS

B.C.E. : Brigade des Contre-Espionnage.

B.C.R. : Bureau de Centralisation de Renseignements, dépendant du S.D.E.C.E.

C.C.I. : Centre de Coordination Interarmées.

C.E. : Contre-Espionnage.

C.E.O. : Contre-espionnage Opérationnel.

D.M.T. : Division de Marche du Tonkin.

D.O.P. : Détachement Opérationnel de protection.

E.M. : État-major.

E.M.I.F.T. : État-major Interarmées et des Forces Terrestres.

F.A.V.N. : Forces Armées Viet Namiennes. F.T.N.V. : Forces Terrestres du Nord Vietnam.

R.C.4 : Route Coloniale N° 4 (reliant Monkay à Caobang, près de la frontière chinoise).

S.D.E.C.E. : Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage.

S.E.H. : Secteur d'Hanoï du S.R.I.

S.R. : Service de Renseignements.

S.R.L : Service de Renseignement Intercolonial.

V.M. : Viet Minh.

43 N.V.N. : Quarante-trois Nord Vietnam ! Service du S.D.E.C.E. au Nord Vietnam.

 

Dans le prochain B.L. : Épanouissement du C.E. Opérationnel

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 151

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