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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
LES SERVICES SPÉCIAUX FRANÇAIS DANS LES CONFLITS D'OUTRE-MER 1945-1956 (2)
 

L'INDOCHINE, LA GUERRE DU PACIFIQUE ET SES CONSEQUENCES

par le Colonel DAUGREILH 

Dans cette nouvelle avancée de notre publication, nous évoquons les événements qui, en étendant la Guerre au Pacifique et à l'Asie du Sud-Est, ont modifié les données initiales du conflit déclenché en Europe, puis étendu déjà à l'Afrique et au Moyen-Orient, lui donnant ses réelles dimensions de Guerre Mondiale et motivant la présence américaine sur l'ensemble des théâtres d'opérations.

Dans ce tumulte notre Indochine semble apparemment épargnée, mais malgré un calme trompeur elle en subira les conséquences et son destin basculera sans rémission.

En premier lieu, nous ferons une rapide analyse des hostilités dans le " Grand Océan " et les Mers du Sud en nous inspirant des écrits de l'Amiral Decoux qui paraît particulièrement qualifié tant en sa qualité de Marin qu'en raison des fonctions importantes qui ont été siennes : Participant en qualité d'Expert Naval aux entretiens Franco-Britanniques de 1935, Chef de la Section d'Études des Armements Navals à l'Etat-Major Général de la Marine, puis Commandant en Chef des Forces Navales Françaises en Extrême­Orient (Mai 1939-Juillet 1940), et enfin Gouverneur Général de l'Indochine (1940-1945).

En second lieu, nous nous pencherons sur l'évolution de la situation indochinoise tant intérieure qu'extérieure pendant la période 1940-1945 dominée par la montée des périls, puis enfin sur les péripéties de la décennie suivante qui a scellé le destin de ce magnifique territoire et consacré notre éviction.

L'ensemble de ces événements a donné lieu à de nombreux ouvrages qui ont retracé leur cheminement. Nous n'avons pas la prétention de faire ici oeuvre d'Historien ; de plus qualifiés l'ont déjà fait. En outre, le sujet est particulièrement vaste et le traiter sur le fond dépasserait le cadre de ce bulletin.

Nous nous bornerons en conséquence à faire oeuvre de souvenirs et à donner in fine une bibliographie non exhaustive susceptible d'intéresser nos camarades désireux d'aller plus avant dans le détail.

Pour revenir à notre sujet, nous nous limiterons à un simple exposé chronologique permettant de saisir en connaissance de cause les données qui se sont posés à nos services dans cette situation nouvelle et le pourquoi des solutions qui ont été tentées.

 

LE CONFLIT DU PACIFIQUE ET SES MOTIVATIONS

Le Japon, situé entre la Mer du Japon qui le baigne à l'Ouest et l'Océan Pacifique à l'Est, est un chapelet de cinq îles principales et d'îlots qui couvrent ensemble une superficie totale de 370.000 km avec une population de plus de cent millions d'habitants.

Depuis son ouverture au monde moderne, ce pays, si petit par sa taille, se trouve en permanence confronté au double problème d'une poussée démographique longtemps galopante et d'une insuffisante chronique de ses approvisionnements en matières premières qu'il doit rechercher hors de ses frontières.

C'est l'Amérique qui, sous la menace d'une flotte de Guerre, oblige en 1854 l'Empire du Soleil Levant à ouvrir ses ports au commerce et à la civilisation occidentale.

Ce sont les ingénieurs navals français qui l'aident à équiper ses arsenaux et à construire les premiers éléments de sa puissance navale.

En 1894, recherchant des avantages sur le continent asiatique, il déclenche et gagne une guerre contre la Chine qui aboutit en 1895 au Traité de Shimo­noseki, lui donnant l'Île de Formose et lui ouvrant l'entrée dans le cercle des grandes puissances.

En 1902, le Gouvernement du Mikado conclut avec Londres un Traité d'Alliance politico-militaire. En 1904, il s'oppose victorieusement aux Russes et en 1905 il se rend maître du sud de l'Île Sakhaline, ainsi que de la péninsule de Liao-Tung, avec Port-Arthur, aujourd'hui Lu-Shun. En 1910, il annexe la Corée.

De 1914 à 1918, le Japon prend part à la Première Guerre Mondiale aux côtés des Alliés et s'empare des possessions allemandes des mers du Sud Îles Carolines, Îles Mariannes dans leur partie septentrionale, l'Île de Guam étant propriété des U.S.A. depuis 1898, et les Îles Marshall. Il reçoit ensuite mandat de la Société des Nations sur ces trois archipels. Mais la bonne entente entre le Japon et ses alliés occidentaux va être soumise à rude épreuve entre les deux guerres. L'Empire du Soleil Levant dont les ambitions sont de plus en plus évidentes se plie de mauvaise grâce aux décisions de la Conférence réunie à Washington le 12 novembre 1921 qui porte sur les points suivants

- Limitation des armements navals.

- Limitation des armements terrestres.

- Respect du statu quo en Chine, dans le Pacifique et dans les mers du Sud.

En 1931, un premier incident se produit en Chine. Les Japonais occupent la Mandchourie et créent sous le nom de Mandchukuo un État vassal à la tête duquel ils placent l'ex-Empereur de Chine Hsun-Ti, plus connu sous le nom de Pou-Yi, qui, avec le nom de règne de K'ang Te règnera sous leur tutelle jusqu'en 1945.

A la suite de cette affaire, le Japon se retire de la S.D.N. en 1933 et dénonce le traité naval de Washington. Il participe cependant en novembre 1935 à la deuxième conférence navale de Londres qu'il quitte avec éclat en janvier 1936.

En juillet 1937, prenant prétexte d'une fusillade sur le pont Marco Polo à Lou Kou Chiao, les troupes japonaises reprennent l'offensive en direction du moyen Yang Tsé Kiang et sur tout le littoral chinois en s'emparant des villes chinoises principales : Pékin Tsing Tao, Tien Tsin, Nankin, Shanghai, Canton.

Le 5 septembre 1937, le Japon décide la fermeture de tous les ports de la côte chinoise et en 1939 verrouille son dispositif de blocus en occupant l'Île de Hainan qui commande le Golfe du Tonkin.

En 1940, il installe à Nankin un Gouvernement chinois dissident, présidé par Wang Tsing Wei, et entièrement dévoué à sa cause.

Les communistes chinois, sous la conduite de Mao Tsé Tung, se sont retirés après leur " longue marche ", très meurtrière, à Yen An. Tchang Kai Chek après l'agression japonaise se replie d'abord sur Han K'éou, puis se fixe en 1938 à Tchong-K'ing, centre industriel et port fluvial important sur le Yang Tsé Kiang dans le Sud de la province de Sseutch'Ouan.

Une trêve est intervenue entre nationalistes et communistes pour lutter contre l'envahisseur.

Le 27 septembre 1940, le Japon rejoint le " pacte d'acier " qui lie l'Allemagne à l'Italie et qui devient ainsi le " pacte tripartite ". Entre-temps, exploitant la situation créée en Europe, il signe avec le Gouvernement de Vichy le 30 août 1940 un accord dont nous reparlerons plus en détail par la suite. Cet accord politique stipule que :

- Le Gouvernement Japonais reconnaît la souveraineté française sur l'Indochine et s'engage à respecter l'intégralité territoriale de notre possession ;

- La France admet la situation prééminente du Japon en Extrême-Orient et accepte d'accorder certaines facilités militaires aux forces nipponnes au Tonkin pour leur permettre de liquider l'affaire de Chine.

- Une convention militaire sera négociée et conclue à Hanoï entre les commandements français et japonais afin de régler les modalités d'application de cet accord politique.

En fait, les militaires japonais par leurs empiètements successifs réussiront à étendre leur présence à l'ensemble de l'Indochine. En avril 1941, le Gouvernement du Mikado se couvre au Nord en signant avec l'U.R.S.S. un pacte de non agression mutuelle. L'ensemble est complété par une pénétration pacifique au Siam où le Maréchal Luang Pibul Songram a pris le pouvoir à la suite de son coup d'État de 1937, et se trouve Premier Ministre.

Cette politique expansionniste inquiète maintenant sérieusement les État Unis qui durcissent leur position au cours de l'été de 1941, et en juin - juillet prononcent l'embargo sur les exportations, notamment le pétrole, à destination du Japon, ainsi que le gel des avoirs japonais aux U.S.A. Ils appuient ces mesures par une note du 26 novembre exigeant l'évacuation de l'Indochine Française et l'abandon du Gouvernement Wang Tsing Wei en Chine occupée. Au raidissement américain répond un raidissement japonais. Le Gouvernement de ce pays vient de changer le 16 octobre 1941. Le Prince Konoye (Konoé Fumimaro) Président du Conseil depuis 1940, partisan de l'expansion de son pays, en ayant recours à la négociation plus qu'à la force est remplacé par le Général Tojo Hidaki partisan de la lutte à outrance contre les U.S.A. en profitant de leur impréparation alors manifeste.

Le Général Tojo soutenu par un puissant clan militaire restera au pouvoir jusqu'en 1944. Après la défaite japonaise de 1945 il sera condamné à mort par un Tribunal et exécuté en 1948.

De son côté, la France entend marquer sa présence dans le Pacifique :

- le 9 juillet 1941, la France Libre désigne le Capitaine de Vaisseau Thierry d'Argenlieu en qualité de Haut Commissaire dans le Pacifique. Cet officier prendra le 28 novembre 1941 le titre de Commissaire National délégué pour le Pacifique. Il sera promu Contre-Amiral le 9 décembre suivant.

- de son côté, Vichy nomme le 19 décembre 1941 l'Amiral Decoux Haut Commissaire dans le Pacifique, titre qu'il cumule avec ses fonctions de Gouverneur Général de l'Indochine.

 

Mais pendant ces grandes manoeuvres politiques, les événements se sont précipités.

Le 7 décembre 1941, le Gouvernement japonais mettant en oeuvre les plan conçus par l'Amiral Isokuru Yamamoto, Commandant en Chef de sa flotte combinée, mène une attaque surprise contre la très importante base américaine de Pearl-Harbor.

A l'exception de trois porte-avions, la flotte U.S. du Pacifique est mise hors de combat.

Le Comité National de la France Combattante se déclare aussitôt en état de guerre contre le Japon.

Le 11 décembre, l'Allemagne et l'Italie, faisant jouer leur Traité d'Alliance déclarent la guerre aux U.S.A.

Ayant acquis la suprématie aérienne et navale dans cette partie du monde, les forces japonaises vont conduire leur offensive dans deux directions principales :

- Le Pacifique afin de couper les communications américaines entre les Îles Hawaï et les Philippines.

- Les Mers du Sud pour s'approprier les sources de matières premières qui leur sont indispensables.

Dans le Pacifique, l'Île de Guam (Archipel des Mariannes) tombe en leur pouvoir le 13 décembre 1941. Dans le même temps, ils chassent les Américains de l'Île de Wake prise le 24 décembre, puis de l'Archipel des Guilbert.

En direction du Sud, ils encerclent Hong-Kong qui tombe le jour de Noël et effectuent un débarquement réussi dans l'Isthme de Kra afin de s'emparer de la Malaisie Britannique et attaquer ainsi Singapour par voie de terre, les défenses importantes de ce point stratégique étant principalement orientées vers la mer.

Consciente de l'insuffisance de ses moyens en mer de Chine, l'Amirauté Britannique renforce ses forces navales en Extrême-Orient par l'envoi fin 1941 de deux unités comptant parmi les plus belles et les plus modernes de sa flotte. Ces bâtiments récemment arrivés à Singapour, le Repulse et le Prince of Wales, sont coulés le 10 décembre 1941 par l'aviation japonaise au large des côtes de Malaisie.

L'avance Nippone se poursuit implacablement à un rythme soutenu.

Après l'approche de la Birmanie en décembre 1941, c'est l'attaque des Philippines dès janvier 1942 et débarquement en Nouvelle-Guinée.

Singapour capitule le 15 février 1942. Batavia tombe le 6 mars et les forces alliées de Java capitulent le 9 mars. Ce même mois voit la capitulation des forces U.S. qui tiennent la presqu'île de Bataan (70.000 prisonniers) aux Philippines.

A la fin d'avril, le Japon s'est assuré par son action la possession de bases avancées d'où il menace la Malaisie et l'Australie.

En mai 1942, il achève de prendre le contrôle des Philippines en obligeant les Américains à évacuer l'Île de Corregidor qui commande l'entrée de la Baie de Manille.

Cependant, en regroupant leurs moyens disponibles, les Américains au cours de ce même mois de mai 1942 réussissent à stopper l'avance japonaise en direction du Sud en engageant la bataille de la Mer de Corail et en infligeant aux Nippons du 3 au 6 juin 1942 leur première grande défaite navale devant l'Île de Midway dans le Pacifique, leur interdisant ainsi la prise de cette position avancée et les obligeant à se replier vers l'Ouest.

Malgré  l'occupation par leurs adversaires de deux îles de l’archipel des Aléoutiennes de juin 1942 à mai 1943, les U.S.A. reprennent l'initiative des opérations et passent à leur tour à l'offensive avec leurs alliés.

C'est ainsi qu'en août 1942 les Américains entreprennent la lente et laborieuse reconquête des Îles Salomon où ils remportent sur la flotte japonaise la victoire décisive de Guadalcanal, à la mi-novembre 1942, s'assurant ainsi une solide base de départ pour leurs futures offensives.

En juillet 1943, les Alliés créent le Commandement du Sud-Est Asiatique (SAC - SEA) ou South Eastern Asia Command confié à l'Amiral Lord Mount­batten à Kandy (Ceylan). Le SAC-SEA étend son autorité sur l'Inde, la Birmanie, la Malaisie, Singapour, Sumatra, et l'Indochine au sud du 16 ème parallèle.

L'Indochine du Nord reste rattachée au " Théâtre d'Opérations Chine " sous les ordres du Maréchal Tchang Kaï Chek étroitement secondé par un Général Américain, le Général Stilwell auquel succédera le Général Wedemeyer.

En mai et août 1943, les Chefs d'État-major Alliés tiennent deux impor­tantes conférences, la première à Washington, la seconde à Québec au cours desquelles est arrêté le nouveau plan d'opérations en direction des Philippines. C'est seulement après la reprise de ces îles que sera entreprise une marche destinée à une attaque frontale contre le Japon.

Une première offensive conduite par l'Amiral Nimitz progressera à travers le Pacifique Central. La seconde confiée au Général Mac Arthur devra reprendre le contrôle du Pacifique Sud Occidental en longeant la Côte Est de la Nouvelle Guinée.

L'offensive du Pacifique Central débute en novembre 1943 par des débar­quements aux Îles Gilbert, se poursuit en janvier 1944 de la même façon dans l'Archipel des Marshall et permet de neutraliser en février 1944 l'Île de Truk principale base japonaise dans ce secteur.

Le 15 juin, les forces de l'Amiral Nimitz occupent l'Île de Saipan dans les Mariannes, d'où les forteresses volantes pourront entreprendre des bombardements sur les centres nerveux du Japon, obligent, à la suite de la première bataille navale des Philippines, la flotte combinée nippone à se replier vers l'Ouest pour se dégager, reprennent en juillet l'Île de Guam et s'installent en septembre 1944 aux Palau pour permettre la jonction avec les forces amphibies du Général Mac Arthur.

Celles-ci ont poursuivi la reprise des Îles Salomon qui sera effective en novembre 1943 tout en assurant de juin à septembre 1943 le contrôle de la côte Est de la Nouvelle-Guinée.

Elles occupent Hollandie le 23 avril 1944, atteignent la pointe Nord-Ouest de la Nouvelle-Guinée le 30 juillet et débarquent le 15 septembre 1944 dans l'Île de Morotai trouvant ainsi le contact avec l'Amiral Nimitz.

Le 20 octobre 1944, les troupes U.S. débarquent dans l'Île de Leyte et la flotte américaine gagne la seconde bataille navale des Philippines.

Le 9 janvier 1945, nouveau débarquement dans l'Île de Luzon, à Linguayen, et reprise de Manille le 5 février 1945.

L'Île d'Iwoshima est conquise du 19 février au 16 mars, tandis que l'Île d'Okinawa est occupée massivement à partir du 1er avril 1945 par les forces américaines qui menacent dès lors à bonne portée l'archipel même du Japon.

A l'Ouest les Anglais ont repris Rangoon le 3 mai 1945, mais de furieux combats se poursuivent dans la jungle Birmane.

Le 7 août 1945, l'aviation américaine lance une première bombe atomique sur Hiroshima.

Le 8 août, l'U.R.S.S. entre à son tour en guerre contre le Japon.

Le 10 août 1945, une deuxième bombe atomique est lancée sur Nagasaki.

Le 12 août 1945, le Mikado décrète la cessation des hostilités et la capitulation japonaise est rendue officielle le 15 août.

L'Acte de Capitulation est reçu le 2 septembre 1945 sur le Croiseur Missouri en rade de Tokyo par le Général Mac Arthur qui a à ses côtés le Général Leclerc pour la France.

 

Pour la petite histoire, il est intéressant de rappeler que les Américains ayant reçu de leurs services de renseignements, qui avaient percé les codes japonais, des informations précises, ont pu faire intercepter par leur aviation, l'avion de l'Amiral Isokuru Yamamoto qui a été battu le 17 avril 1943 au-dessus de l'Île de Bougainville alors que ce haut responsable militaire nippon effectuait une inspection du théâtre d'opérations des mers du Sud.

La perte de ce grand stratège naval est intervenue au moment même où le sort des armes prenait un tour défavorable pour son pays.

En août 1945, s'écroule le rêve japonais de réaliser les ambitions politiques énoncées dès 1938 par le Prince Konoye visant à instaurer en Asie un ordre nouveau et assurer l'hégémonie de l'Empire du Soleil Levant en Extrême­Orient.

Par contre, subsisteront les ferments de désordre et de discorde nés de ses manoeuvres subversives en Asie du Sud-Est.

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 143

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