« … Après avoir ainsi honoré les morts de la commune qui reçoit les congressistes si cordialement, ces derniers se rendent à la limite de Chamalières et de Royat, à quelques pas de l'hôtel Saint-Mart où doit avoir lieu l'inauguration d'un square devant immortaliser le nom de notre héroïque camarade, Robert HUGUET

La musique du 92em Régiment d'Infanterie est là pour rendre les honneurs.

Après la mise en place des autorités, des congressistes et de nombreux amis de la région, face à la plaque qui sera dévoilée tout a l'heure, notre camarade Roger PRAT, « frère d'armes » du « Colonel Prince », lui aussi officier de la Légion d'honneur, titulaire de nombreuses décorations et agent P. 2 de nos services, prend la parole en s'efforçant de maîtriser son émotion.

Discours de Roger PRAT

1939, 1945, des années de privations, de misère et de larmes. Des années aussi où le courage et les sacrifices des Services Spéciaux de la Défense Nationale ont fait l'admiration de tous. 1939, 1945, des milliers et des milliers de morts dont 316 morts et 600 déportés de nos services, ce qui représente un chiffre record par rapport à nos effectifs et qui de foyers heureux ont fait des foyers vides. Orphelins et veuves, vos pères et vos maris n'auront pas eu dans la paix des tombeaux cette joie suprême de participer à la victoire, et pourtant cette victoire était leur victoire.

Notre estimé camarade Robert Huguet, colonel Prince, agent P. 2 des Services Spéciaux de la Défense Nationale fut dès 1940 d'un concours précieux pour assurer les émissions de la Centrale Radio Kléber avec Londres.

La présence des maquis sous son contrôle apportait un élément de sécurité à ceux qui, comme le colonel Arnaud et ses collaborateurs étaient chargés de transmettre les messages.

Robert apporta un soin jaloux et le meilleur de lui-même à la recherche des renseignements, à leur diffusion dans les régions de Pontgibaud, comme également sur Issoire aux côtés de nos camarades défunts le docteur Roubille et le capitaine de gendarmerie Kerhervé.

A vous tous, morts glorieux des Services Spéciaux de la Défense Nationale et des maquis, toute la population de Chamalières, toute celle de la France, vous apportent en ce jour l'hommage respectueux que tous nous vous devons.

La Résistance et les Services Spéciaux de la Défense Nationale mirent tout en œuvre pour, que notre pays demeure une véritable citadelle de la Liberté. Malheureusement, aujourd'hui le glas de certaines capitales sonne le tocsin de leurs libertés.

Comme dans Victor Hugo, pour les Soldats de l'An II : « Oui, Résistants de France, tous les jours c’était quelques prodiges, chocs, rencontres, combats, et Prince dans la montagne et Gaspard dans la plaine ou ensemble ; ils eussent sans nul doute escaladé les nues si ces audacieux maquisards n'avaient vu derrière eux la grande République et le général de Gaulle montrant du doigt les cieux »... Oui les cieux de la victoire.

Le message que laisse Robert Huguet est celui de la Résistance et des Services Spéciaux de la Défense Nationale pour que tous les français puissent vivre dans un pays de liberté et non de dictature.

Prince avait un réel mépris du danger. Son courage tranquille et exemplaire devait le conduire, au Pont de Menat, à essuyer le feu des allemands où il fut grièvement blessé.

Après plusieurs semaines de soins prodigués par le très brillant et courageux chirurgien de la clinique de Montluçon le docteur Chaumet, sans oublier soeur Marie-Bernard de la Miséricorde, infirmière chef de la clinique qui parvint, par un subterfuge chirurgical, à soustraire Prince aux Allemands; elle fut malgré sa grande discrétion d'un dévouement qui mérite le plus grand et solennel hommage.

Par la suite Prince recevait à Chadeleuf au domicile du préfet Sauvanet l'aptitude naturelle d'un ingénieur agronome M. Juge, pseudonyme sous lequel se cachait le docteur Camille Joubert de Thiers, qui, grâce à la poursuite des soins dont je peux témoigner pour avoir assisté à chacun d'eux, est parvenu à sauver définitivement l'avant-bras gauche et la main de Prince qui n'étaient qu'un lambeau de chairs meurtries. Merci feus les docteurs Chaumet, Joubert, et sœur Marie-Bernard.

Il faudra sans doute beaucoup de temps pour mesurer tout le relief et les résultats obtenus par les Services Spéciaux de la Défense Nationale. Il n'est pas besoin d'attendre aujourd'hui pour reconnaître toute leur noblesse, toute leur grandeur. La mémoire du Juste sera éternelle.

« Il ne craindra pas les mauvais discours des hommes ». Ce verset du psalmiste ne vient-il pas tout de suite à l'esprit de ceux qui connurent et apprécièrent Robert Huguet.

Avec, au début une poignée de camarades, les plus grands noms de la Résistance d'Auvergne, les Gaspard, Monique, Benevol, Laurent, Dumas, Tonio, Luc, Gential, Lenoir, Judex, Tavert, Tarzan, Irma, Buron, Albert, Cristol, etc., il sut, avec eux, conduire le magnifique et dur combat dans la région R6, dont il devint le chef régional des maquis d'Auvergne, aimé et estimé de tous.

Qui que nous soyons, quelles que soient nos idées, nos convictions et même nos rancoeurs, tant il est vrai que rien n'est parfait sur terre, il nous est impossible d'oublier ces années, ces jours, ces nuits passées dans la clandestinité pour ne pas oublier ce jour de la Libération qui incarne l'héroïque époque marquée de tant de joies et de douleurs, de tant d'espoirs et de larmes.

Pour tous ces actes de bravoure Robert Huguet fut honoré par le général de Gaulle des titres au plus haut niveau de Chevalier de la Légion d'honneur et de Compagnon de la Libération, et promu ensuite au grade d'Officier dans l'Ordre National de la Légion d'honneur par le Président Valéry Giscard d'Estaing; distinctions honorifiques qui, à cette époque, étaient une véritable sélection par rapport au nombre strictement imposé.

En ce jour solennel, tous ces titres de gloire, nous nous devons de les remettre à son épouse Mme Huguet, qui eut, en raison des activités de Robert, à subir les dures épreuves d'un internement prolongé au 92.

Que ses enfants, le docteur Huguet, sa fille Suzette Huguet, recueillent aussi les lauriers de l'action magnifique menée par leur père ait service de la France.

Chers amis, l'histoire des hauts faits de la Résistance et des Services Spéciaux de la Défense Nationale, mérite le plus noble hommage. Celles des mentalités devraient aujourd'hui inspirer à beaucoup le sens de l'humilité et de la prudence, au même titre que Bossuet recommandait aux princes de s'instruire en joignant aux exemples des siècles passés les expériences qu'ils font tous les jours.

Robert Huguet a exalté un patriotisme hors du commun et combattu avec une énergie exceptionnelle dont tous ses camarades pouvaient s'inspirer. Il fut avec une poignée d'entre eux, l'un des vrais créateurs de la Résistance d'Auvergne lors des durs combats du Mont Mouchet.

Une fois les louanges dites à sa mort oubliées, il restera dans l'histoire des Services Spéciaux de la Défense Nationale, des M.U.R., F.F.C., Réseaux, F.T.P.F., et maquis d'Auvergne, un créateur, un chef prestigieux, un des Grands parmi les plus Grands de la Résistance d'Auvergne.