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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
LE T.R. JEUNE AU TRAVAIL
 

Notre ami RIBOLLET qui fut l'un des membres actifs du T.R. Jeune veut bien poursuivre sa contribution à notre histoire en contant un nouvel épisode de son action en liaison avec la mission Joie dont le regretté Léon LHEUREUX était le chef.

par Georges RIBOLLET

A Alger en avril 1943 j'avais fait la connaissance de LHEUREUX (1) et de BELLET (2) garçons bien élevés, sympathiques, dynamiques et possédant un excellent esprit de camaraderie.

 

Comme nous connaissions nos futurs points de chute en France, nous avions décidé que le meilleur lieu de rendez-vous équidistant des centres de nos activités serait Paris. L'endroit choisi fut l'appartement de ma mère dont les deux amis s'exercèrent à connaître l'adresse de mémoire. Il est de fait qu'après les arrestations de la « Closerie des Lilas » en avril 1944, je tremblais pour ma famille.

 

Mais les frères HEUSCH qui connaissaient son adresse, ne parlèrent pas.

 

J'étais bien décidé à avancer le plus rapidement possible à LHEUREUX les pistolets-mitrailleurs Sten et unités de feu qui leur étaient destinés.

 

Étant donné les dangers que présentait un tel transport je décidais d'agir seul. La ligne de démarcation bien que supprimée en novembre 1942 existait toujours sur le plan contrôle et la chance de la passer avec deux gendarmes allemands assis sur les caisses d'armement ne se renouvellerait certainement pas.

 

Pour me rendre à Paris il me l'allait la refranchir.

 

Le train fut mon choix. J'avais déjà repéré lors de précédents voyages que le contrôle en gare de Châlon-sur-Saône était passé dans les wagons par un officier allemand, en général du corps des Douanes. Il était suivi dans ses déplacements par une escorte de militaires en armes circulant à l'extérieur sur le quai. Ils recueillaient les suspects désignés par le « contrôleur ». J'avais également repéré que l'officier muni d'une grosse lampe examinait les cartes d'identité, et celles présentant des traces de lavage ou de grattage désignaient un suspect qui était livré à la patrouille.

 

Ma carte d'identité faite à Londres était un magnifique faux ni gratté ni lavé et je ne craignais pas la lampe de l'officier des douanes.

 

Au cours d'un de mes précédents voyages, alors que mon train arrêté en gare de Dijon j'avais baissé la glace de mon compartiment, je me suis trouvé nez à nez avec GIBOULOT- GIBET (3) qui circulait sur le quai. Dès qu'il me vit il s'écria « Tiens RIBOLLET, qu'est-ce que vous faites ici, je vous croyais à Alger ?... » Je mis mon index sur mes lèvres, mais il n'eut cure de mon geste et repartit de plus belle : « Eh oui il y a plus d'un an que vous avez quitté Marseille. Je vous croyais toujours à Alger !... »

 

J'expliquais alors qu'étant venu voir ma famille au début du mois de novembre j'avais été dans l'impossibilité de repartir. GIBOULOT s'apitoya sur ce mauvais sort et ajouta : « vous savez PAILLOLE est parti à Alger ». Je répondis que c'était bien de la chance pour lui et par bonheur mon train démarra... heureusement que cette conversation à voix haute n'avait pas eu lieu en gare de Châlon-sur-Saône...

 

Se rendre de Lyon à Paris et circuler dans la capitale présentait des dangers. Les plus grands étaient les barrages effectués par des policiers allemands en civil aux abords des gares.

 

En raison du poids de l'armement à livrer à LHEUREUX je fis deux voyages en transportant chaque fois deux valises sur Paris.

 

C'était en octobre 1943.

 

Lors du premier voyage je pris un billet en gare de Quincieux-Trévoux pour Paris via Lyon. Je déposais ma bicyclette à la consigne puis j'attendis le train.

 

C'était un convoi archaïque composé de wagons en bois sans couloirs ni soufflets. J'avisai un wagon de 1ère classe et, posant mes lourdes valises sur le sol, me mis en devoir d'ouvrir la porte d'un compartiment en escaladant le double marchepied.

 

Dès la porte ouverte je me trouvais face à face avec un lieutenant-colonel des douanes allemandes qui, avant que je fusse revenu de ma surprise, me fit signe de lui passer les valises. Ce que je fis. Mon obligeant douanier les déposa dans le porte-bagages se rassit et me sourit. Je souris également et le remerciais pour sa gentillesse.

 

Nous étions seuls. Je m'assis devant l'officier qui engagea la conversation sur des banalités : musique, peinture, en évitant d'évoquer tout sujet se rapportant à sa présence en France.

 

Le train s'arrêtait dans toutes les gares. J'avais hâte d'arriver à Lyon et de planter mon trop collant interlocuteur mais je gardais une attitude courtoise, en écoutant attentivement ses propos. Sur son interrogation je lui dis que j'allais à Paris. Lui partait vers le Midi. J'en étais bien aise.

 

Arrivés en gare de Perrache l'aimable douanier m'aida à descendre mes valises. Nous nous saluâmes et nous séparâmes. J'avais eu chaud !

 

Le train pour Paris était formé à Lyon. Il était vide quand j'y montais.

 

Je déposais mes valises dans le filet coin fenêtre et m'installais en diagonale coin couloir.

 

Dès qu'il entra deux voyageurs dans mon compartiment, je le quittais et allais m'asseoir dans celui d'à côté toujours coin couloir, surveillant aussi la porte de celui que je venais de quitter.

 

Le voyage fut sans histoire, le contrôle d'identité de Châlon-sur-Saône se passa facilement et j'arrivais à Paris.

 

De nombreux porteurs n'appartenant pas à la S.N.C.F. proposaient leurs services pour toutes destinations. J'en avisais un à qui je passais par la fenêtre du compartiment regagné mes deux valises en lui disant : « Pour le Métro ». Il me fixa un prix double du tarif. J'acquiesçais. Je le suivis à distance suffisante pour me perdre dans la foule à la moindre alerte.

 

Mon porteur franchit la sortie que je passais à mon tour, très dégagé, en remettant mon billet, au préposé de la S.N.C.F. Sa cabine était entourée de policiers en civil. Ils prenaient un air faussement nonchalant mais étaient repérables à première vue. Ils chassaient surtout les réfractaires du S.T.O. et pour eux tout individu jeune de sexe mâle, mal rasé et aux vêtements froissés, était suspect.

 

Je me rapprochais de mon porteur après qu'il eût descendu les escaliers sur le quai de la direction Porte-Maillot.

 

La station de Métro desservant le domicile de ma mère était Pasteur. Je ne voulais pas effectuer de trajet dans les couloirs de correspondances avec mon dangereux chargement. Ils ne m'inspiraient pas confiance. Je décidais de sortir du métro à la station Champs-Elysées où je savais trouver des moyens de transport divers : fiacres et vélos taxis.

 

Faisant surface, je constatais qu'il n'y avait qu'un fiacre dont le cocher était une femme. Je la voyais pour la première fois mais je la situais immédiatement. C'était Rachel DORANGE dont la presse parisienne d'avant-guerre faisait mention dans la rubrique spectacle (cirque). Lors des journées des Drags, Rachel DORANGE apparaissait sur les écrans des actualités cinématographiques conduisant un attelage de mail-coach.

 

Je demandais à Rachel si elle pouvait me conduire dans le 15em arrondissement près de la station de métro Falguière (que je savais fermée).

 

Peu farouche Rachel DORANGE, me tutoya et me répondit « d'accord monte à côté de moi ». Je posais mes valises dans le fiacre et vins m'asseoir à côté d'elle. Nous partîmes et quelques minutes s'étant écoulées Rachel me demanda « Serais-tu capable de conduire Coco ? » : « Bien sûr »! Ancien du 40em régiment d'artillerie hippomobile, la conduite en grandes guides n'avait pas de secret pour moi et ce n'était pas sa rossinante qui allait m'impressionner. Rachel me passa les guides en me disant « Coco est vieux, ne le fais pas trotter trop vite ».

 

J'observais mon célèbre cocher à la dérobée. Elle avait une certaine allure avec ses cheveux auburn serrés dans une résille touchant bas sur la nuque et coiffés d'un chapeau gris perle. Elle portait un corsage blanc assez élégant, une jupe amazone noire et des bottes fauves.

 

Rachel me dit :« Tu m'intrigues, tu t'y connais mais tu n'as pas des mains à t'occuper des chevaux. Tu n'habites pas la campagne en faisant de la résistance ?». Je répondis que c'était trop dangereux. Elle réplique :« Si tu es dans la résistance et si tu as besoin de te coucher, tu peux venir chez moi, tu ne risqueras rien ».

 

Je remerciais, assez inquiet, me demandant si Rachel n'était pas une provocatrice.

 

J'arrêtais « Coco » devant l'impasse Ronsin, célèbre à la fin du siècle dernier par l'assassinat du peintre STEINEL mari de la « connaissance » du président Félix Faure.

 

L'impasse Ronsin (qui n'existe plus actuellement) était à moins de cent mètres de l'immeuble où habitait ma mère : au n° 2 de la rue Nicolas-Charlet. Je payais Rachel et repris mes valises.

 

Quelques années plus tard la presse relatait le décès de Rachel DORANGE et rappela qui elle était en termes sympathiques. Ce n'était pas une « mouche ».

 

Je confiais les valises à ma mère et regagnais Lyon le lendemain après avoir fait prévenir LHEUREUX du jour et de l'heure du rendez-vous prévu chez ma mère.

 

Le deuxième voyage de pistolets-mitrailleurs et de leurs unités de feu était beaucoup plus conséquent. Je décidais de prendre le train à Villefranche­sur-Saône ville plus proche de Pommiers que Quincieux-Trévoux.

 

Le voyage fut sans histoire. Je fus contrôlé à Châlon-sur-Saône par l'officier des douanes à la lampe.

 

En arrivant à Paris je ne voulais pas renouveler l’expérience Rachel DORANGE et préférais tenter avec un porteur le trajet en métro de la gare de Lyon à Pasteur.

 

Accoudé sur le bord de la vitre baissée de mon compartiment, j'attendais qu'un porteur me propose ses services. Un colosse se présenta. Je lui demandais :« deux valises jusqu'à la station de métro Pasteur, combien ?». Il me répondit :« trente francs ». C'était une somme importante pour l'époque. Je fis mine d'hésiter avant de donner mon accord et je lui passais les valises. Leur contenu, bien calé, ne faisait aucun bruit. Mon porteur déclara : « Mais c'est lourd, ce sont des cailloux que vous transportez ». Je répondis que c'étaient des livres scolaires.

 

Le colosse se dirigea vers la station de métro et le même scénario se renouvela comme lors de la première fois pour la sortie de la gare. J'avais l'air complètement étranger de mon porteur. Tout se passa bien.

 

LHEUREUX et BELLET étaient chez ma mère. Je leur remis les quatre valises en leur recommandant d'éviter les abords des gares et certains couloirs de métro.

 

Nous étions contents de nous revoir et d'échanger nos impressions.

 

Ils restèrent avec nous quelques heures, mangèrent en famille puis disparurent. Je ne les ai jamais revus.

(1) Chef de la mission « Joie » du T.R. Jeune pour la région du Nord et la Belgique.

(2) Radio de la mission « Joie ».

(3) Chef du T.R. Ancien à Lyon.

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 113

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