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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
AU SERVICE DU T.R.
 

Par le Commandant Gilbert GUILLAUME


Il faut que ce récit soit lu et relu par tous nos camarades, et le plus grand nombre de Français. Il est la preuve, combien évidente pour nous, que la technique du C.E. ne s'improvise pas et que le SSM/TR, fidèle à sa mission tutélaire, sût faire face à toutes les situations, pour continuer son oeuvre de salubrité et participer à la Libération de la France.
Au terme de ces études et récits dont le point de départ fût l'AFN et son rôle dans nos combats, nous remercions encore tous ceux qui, comme G., nous ont aidés à situer dans l'Histoire une partie importante du rôle du SSM/TR.
A vous, lecteurs, de faire maintenant votre Devoir en diffusant ces pages et en montrant ainsi le vrai visage de ceux qui furent parmi les meilleurs serviteurs de la France.
A vous de nous aider par vos écrits à poursuivre notre campagne pour la VERITE.

D’ALGER à ALGER
via Ramatuelle, Paris, Marseille et Londres

(Nous sommes en 1943; la Zone dite " libre " est, elle aussi, maintenant occupée et les côtes sont aux mains de l'ennemi.


Pourtant, le " CASABIANCA " de l'héroique Commandant LHERMINIER a réussi le tour de force de débarquer au cap Camarat, près de Ramatuelle, le T.R. GUILLAUME, l’ " As " des transmissions, CAILLOT et l'américain BROWN que nous avait confié les Services Spéciaux de nos Alliés.


Les 3 hommes viennent de toucher terre; ils sont à pied d’oeuvre mais en plein " cirage " .

Nuit du 6 au 7 Février 1943.


Oui, notre mission commençait seulement. Le " CASABIANCA " pour nous n'avait été qu’un moyen de transport, un peu particulier sans doute.


Il y a maintenant plus d'une 1/2 heure que nous sommes allongés sur le sol. Nos yeux commencent à s’habituer à l'obscurité et nous nous concertons à voix basse. A part les feux des caps Lardier et Camarat qui nous encadrent, tout paraît calme.


Précédant mes deux camarades CAILLOT et BROWN, et après avoir arrimé aussi solidement que possible nos bagages, nous commençons l’ascension de la calanque… Il eut été sans doute plus facile de la tourner, mais nous préférons la difficulté et les obstacles naturels aux pistes trop surveillées.


Nous peinons. Des rochers, des arbustes, des buissons épineux s’opposent à notre avance. Il faut surtout progresser en silence avec la souplesse et la sûreté de Sioux sur le sentier de la guerre... Nous suons maintenant à grosses gouttes... Enfin, nous arrivons au sommet et nous nous étendons autant par prudence que pour récupérer. Nous consultons nos boussoles et essayons de déterminer notre position. Ce n’est pas chose facile car non seulement nous n'avons aucune carte de la région, mais celle du bord ne concernait que les fonds sous-marins et ne portait aucune indication sur l'intérieur.


Notre premier souci est de nous éloigner de la mer car toute la zone côtière est surveillée...


En colonne par un, toujours dans le même ordre et en nous tenant à quelques mètres de distance, nous continuons notre marche. La nuit noire, le sol rocailleux, toujours ces arbustes sauvages qui grippent à nos vêtements; des trous nous font trébucher et nous avons du mal à éviter la chute de nos valises.


Maintenant, tout n'est plus aussi calme et une vie, qui parait intense à nos yeux inquiets, se dessine à l'horizon. Lumières qui s’allument et qui s'éteignent, aboiements, bruits de moteur... Nous redoublons de prudence et faisons de temps à autre une pose. Conférence nocturne où l'humour, malgré la gravité de la situation, n'est pas exclu : Nous sommes tous trois d'accord pour éviter les zones découvertes, plates et bien entendu tout ce qui ressemble à un chemin...


Mais voilà le premier Incident. Je disparais tout à coup dans une sorte d'entonnoir profond de deux mètres, après une chute douloureuse, amortie par un fond sablonneux...
Je sens une vive douleur à ma cheville droite. Mes camarades ont beaucoup de mal à contourner cette excavation pour venir me prêter main forte.. Aidé par CAILLOT et BROWN, j'essaie de me relever, mais ma cheville enfle rapidement et m'empêche de me tenir droit. Stupide accident qui risque de compromettre notre mission.,. Enfin, après des massages énergiques, je parviens, soutenu par mes amis, à avancer péniblement.


Nous nous arrêtons souvent. Je souffre beaucoup. A l'aube, après plus de cinq heures d’efforts, nous atteignons une clairière au milieu d'un bois d'oliviers. Nous saurons plus tard que nous avons fait à peine 3 kilomètres. Plus de temps à perdre. Il faut, avant le lever du jour, camoufler tout notre matériel et prendre l'aspect d'aimables citadins à la recherche de provisions.


Nous creusons un trou assez profond sous la broussaille et nous enfouissons nos valises après les avoir délestées de quelques vivres et cigarettes. Nous recouvrons nos précieux bagages de toiles imperméables sur lesquelles nous déversons de la terre, des broussailles et des branches.


Quelques marques discrètes sur des arbres afin de faciliter la récupération du matériel plus tard.


Nous nous éloignons et trouvons un coin touffu où nous pouvons nous étendre …. Nous éprouvons un grand soulagement d'être délivrés de nos bagages compromettants. C'est vraiment le premier moment de détente depuis notre débarquement.., L'immobilité dans cette aube de Février nous glace et nous éprouvons le besoin de nous restaurer. CAILLOT nous passe quelques biscuits et tablettes de chocolat. En prenant les précautions d'usage, nous allons fumer notre première cigarette ... C'est alors un juron ironique de CAILLOT qui nous tend un paquet de cigarettes … Devant notre ébahissement, il se contente de nous faire lire la mention " Provision de bord, débarquement interdit ". Nous goûtons avec lui ce gag savoureux : D'autant plus savoureux que ces cigarettes nous avaient été remises par les officiers du "CASABIANCA" en échange de nos cigarettes américaines jugées compromettantes...

7 Février.


De joyeux "Cocorico" précèdent le lever du jour. Nous distinguons maintenant assez bien, malgré une brume légère, le paysage environnant. Une ferme se détache à quelques centaines de mètres. Nous nous mettons d'accord sur le plan à appliquer.


Laissant CAILLOT et BROWN à l'abri, je me présentai à la ferme sous le prétexte d'acheter des provisions. Une brave femme dont le mari était prisonnier, me céda pain, vin et charcuterie. En bavardant, j'appris que nous étions à une douzaine de kilomètres de St-TROPEZ et à quatre ou cinq kilomètres de RAMATUELLE … pas de contrôle sur cette route si ce n'est un poste italien dans ce dernier village.


De retour auprès de mes camarades et après un substantiel casse-croûte, nous décidâmes de nous rendre à St-TROPEZ. Il était indispensable de nous séparer afin de limiter les dégâts... éventuels ; nous devions nous retrouver un kilomètre environ avant d’atteindre cette ville, à droite sur le bord de la route. Ma cheville enflée ne me permettant pas de marcher rapidement, je partis en tête, suivi une demi-heure après par CAILLOT et BROWN. Il n'était pas prudent, en effet, de laisser BROWN isolé; il parlait français avec un accent effroyable et son allure athlétique, décidée, son visage énergique aux yeux bleus perçants, son habillement, évoquaient plus sûrement un cow-boy du TEXAS qu'un voyageur de commerce de CHATEAUROUX ; et avec cela un esprit de bagarre que l'ami CAILLOT avait beaucoup de mal à réfréner...


Ma première rencontre sur la route fut un soldat italien qui, perché sur une ligne téléphonique, chantait "Santa Lucia" à tue-tête et me gratifia d'un geste amical... "Va bene"... "va bene" : La fatigue de la nuit et ma cheville rendirent mon parcours particulièrement pénible. Au crépuscule, le trio se reconstituait comme prévu.


CAILLOT et BROWN voulaient passer la nuit cachés dans les bois. Personnellement je n'étais pas de cet avis. Ce risque me paraissait inutile. Nous nous trouvions dans une région qui semblait calme, peu de troupes, je jugeai qu'il valait mieux, individuellement, aller coucher tout simplement à l'hôtel... J'avais passé des vacances à " l’Hôtel de Paris " à l'entrée de St-TROPEZ quelques années avant, je connaissais les patrons et j'avais une identité. Nous nous séparâmes en nous fixant un rendez-vous le lendemain vers 9 heures à proximité de " l'Hôtel de Paris ".


Sans révéler ma véritable personnalité, je pris une chambre, aimablement accueilli. En remplissant ma fiche d'hôtel, j'imaginais la tête du préposé à la réception si j'avais inscrit les lignes suivantes:
- Nom et prénom : CLAUDE DE MORANGIS
- Profession : AGENT SECRET
- Vient de : ALGER
- Destination . LONDRES VIA PARIS
- Moyens de transport : SOUS-MARIN + LYSANDER
- But du Voyage : RÉSISTANCE, CONTRE-ESPIONNAGE, SABOTAGE, TERRORISME.


8 Février.


Après une bonne nuit malgré ma cheville endolorie, je quittai l'hôtel non sans qu'une surprise de taille me soit réservée. La patronne, qui me voyait marcher péniblement, me demanda où j'allai ? Lui ayant indiqué : MARSEILLE, elle me proposa tout simplement de monter dans la voiture d'un Amiral allemand qui venait de visiter l'usine de torpilles de St-TROPEZ et qui avait passé la nuit dans la chambre voisine. J'avoue regretter encore que la présence de mes complices ne m'ait pas permis cette cocasse aventure.


A mon grand étonnement, j'appris par CAILLOT et BROWN qu'ils avaient, après réflexion, passé, eux aussi, la nuit dans le même hôtel, près de moi et de l'Amiral.


Nous nous réunissons dans un café et mettons au point la dernière partie de notre voyage.


Toujours séparés, nous prenons le " tortillard " St-Tropez – St-Raphaël où nous arrivons vers midi. Nous avons un train pour MARSEILLE à 15 heures. Sans tickets de pain, nous nous contentons de déguster des quantités considérables de coquillages arrosés d'un bon rosé du pays.


Un petit tour à la gare en promeneur pour s'assurer qu'il n'y a pas de contrôle d'identité...


Nous arrivons enfin à MARSEILLE vers 18 heures et nous nous retrouvons sans incident dans un petit bar du Bd. d'Athènes.
Notre joie est maintenant complète. Nous savourons, sans fausse modestie, la satisfaction du devoir accompli.
Il n'est plus question de chercher des appuis, un hôtel : je suis dans le fief de T.R. 115 presque le mien et où j'ai des amis sûrs.


Notre estomac crie famine et les trois mousquetaires se retrouvent dans un restaurant ne payant pas de mine mais où l'arrière salle recèle des trésors gastronomiques.


Nous faisons honneur à un menu pantagruélique : qu'importe l'addition, « M. PERRIER » (Pseudo du Chef du SSM/TR : P. PAILLOLE) ne nous chicanera pas...


Pendant le repas, je fais un vaste tour d'horizon avant de décider où nous passerons notre première nuit marseillaise... Mon choix s'arrête sur mon vieux camarade de Régiment, l'Inspecteur GROS des Renseignements Généraux qui habitait vers le quartier des Chûtes-Lavie, loin du Centre,.. J'étais absolument sûr de son patriotisme et de son amitié . Nous prenons un taxi pour la rue Jean Dussert... Il est 22 heures passées … Pas de lumière … CAILLOT et BROWN me laissent aller seul prendre contact avec mon ami... Je laisse imaginer la stupeur joyeuse de ce dernier qui savait que j'étais au Maroc : Sa femme partage sa joie. Je le mets rapidement au courant de notre situation. Je suis heureux d'avoir l'occasion de lui rendre ici l'hommage qu'il mérite. Pas une seconde d'hésitation : Cinq minutes après, nous sommes tous installés chez lui, les lits sont dédoublés et nous nous endormons réconfortés et reconnaissants de cet accueil qui, pour moi, ne faisait aucun doute.

9 Février.


Nuit excellente. Ma cheville va mieux. Encore 24 heures de repos et de soins et elle sera rétablie. Réveil dans la bonne humeur générale, copieux petits déjeuners. Bien entendu, nos amis sont avides de renseignements sur la situation en Afrique du Nord et sur notre équipée. Nous comblons leur curiosité si légitime et nous accueillons avec une modestie toute relative leurs félicitations.


GROS se met, bien entendu, à notre entière disposition avec enthousiasme. Ses fonctions d'Inspecteur aux Renseignements Généraux vont nous aider considérablement et aplanir bien des difficultés,
Nous sommes dotés de nouvelles cartes d'alimentation et d'identité que GROS fait signer à son chef. Un recensement des cartes d'alimentation venait d'avoir lieu. Toutes les cartes devaient mentionner ce contrôle et être jointes à la carte d'identité à toute réquisition.

10 Février.


Je dois au plus tôt prendre contact avec le Chef du T.R. 115, mon ancien " patron ", J'ai nommé " GEORGES-HENRY ".


Laissant BROWN dans un café à proximité du Bd. Perrier et accompagné seulement de CAILLOT. Je me dirige vers la " Société d'Entreprise des Travaux Ruraux du Sud " (T.R.).


"GEORGES-HENRY" est soucieux. Depuis le 8 Novembre 1942, certaines mesures ont été prises : les archives transportées en Lozère; le personnel, les agents et les H.C. munis de nouvelles identités, Des éléments de choix, le Capitaine M. et le Lieutenant L. sont venus renforcer le poste; de nouveaux agents et H.C. ont été recrutés, des bureaux clandestins sont utilisés.

Dès l'occupation de la zone Sud, le S.D. à MARSEILLE et l'OVRA dans la région de NICE, ont procédé à de nombreuses arrestations, mais T.R. 115 a pu passer au travers. L'outil est au point et tous les membres du Poste sont impatients de donner leur mesure … Des reconnaissances de points de débarquement ont été effectuées entre St-TROPEZ et CAGNES-SUR-MER.


Les liaisons radio avec LONDRES et ALGER ne sont pas normalement établies. Le Poste ne dispose pas d'appareils radio modernes et peut difficilement transmettre les renseignements qu'il recueille.


Par la fenêtre de son bureau " GEORGES-HENRY " aperçoit les nouveaux locataires de l'immeuble voisin, le 51 Bd. Perrier où la FELDGENDARMERIE vient de s'installer … Ce voisinage compromettant pourra-t-il se prolonger longtemps ?

Un coup de sonnette violent vient interrompre ces méditations ........................................................



Deux messieurs qui n'ont pas voulu indiquer leurs noms demandent à être reçus par " M. GEORGES-HENRY " qui, après avoir hésité, décide de recevoir ses inquiétants visiteurs... Va-t-il se trouver en présence d'agents du S.D. ou de l'OVRA ?


Et c'est " GILBERT " (pseudo de GUILLAUME lorsqu'il travaillait en 1940 au T.R. 115) qui fait son apparition avec " LA CAILLE " (pseudo de CAILLOT).

J'ai un magnifique feutre, une petite moustache fine, un charmant noeud papillon et des lunettes teintées... Mais ma voix est familière aux oreilles de " GEORGES-HENRY " et dans une joie éclatante nous nous donnons l'accolade.


Je présente CAILLOT et après un bref récit de nos aventures, écouté avec avidité, nous rendons compte de notre mission.
" GEORGES-HENRY " accueille avec une joie débordante l'annoncé de ce que nous apportons
- Postes émetteurs
- Codes
- Fonds
- Instructions, etc.
et, ce qui est plus particulièrement précieux, les encouragements du Colonel RIVET et de " M. PERRIER ", ainsi que l'assurance que T.R., désormais directement rattaché au Commandement en chef français, continuera jusqu'à la Victoire.


Des heures durant, " GEORGES-HENRY " ne se lasse pas de nous interroger. CAILLOT avec qui il a sympathisé tout de suite, lui apporte les éléments techniques indispensables au rétablissement immédiat des liaisons radio.


Nous prenons rendez-vous l'après-midi au café Saillard où nous présentons BROWN, troisième passager clandestin du " CASABIANCA ".

11 et 12 Février.


Le problème le plus urgent à résoudre est la récupération des précieuses valises.


L'indispensable GROS nous établit un magnifique ordre de mission à en-tête des Renseignements Généraux prescrivant des recherches sur les menées anti-nationales du sieur Yves MORANDAT, route de Belle- Isnard, et de perquisitionner en tous endroits utiles... Le choix du véhicule est vite arrêté. Avec la complicité de PFISTER, " GEORGES-HENRY " réquisitionne la voiture personnelle de... " PERRIER " qui avait été camouflée dans un garage de MARSEILLE; un magnifique cabriolet Citroën.


" GEORGES-HENRY ", accompagné de BROWN, se charge de l'opération pendant que GROS et moi commençons le recrutement d'amis sûrs pour camoufler les postes, héberger le trio qui doit se dissocier, établir les liaisons, etc.


Le voyage aller s'effectue sans incident : à la sortie de MARSEILLE, sur la route de TOULON, un Feldgendarme bonhomme laisse passer les voyageurs sans les arrêter. Il en sera de même pour la traversée de TOULON.
Fausse alerte après avoir dépassé HYERES, sur la route de St-TROPEZ, à la limite de la zone d'occupation italienne. Un carabinier arrête la voiture. Contrôle des pièces d'identité par le Chef de Poste. Tout parait en règle.


" GEORGES-HENRY " présente son ordre de mission et explique qu'il se rend à St-TROPEZ pour perquisitionner chez des " Gaullistes ". Il prévient qu'il repassera dans le courant de l'après-midi. Il espère, dit-il, qu'il pourra présenter le matériel et les documents saisis.


Par COGOLIN, St-TROPEZ et RAMATUELLE, " GEORGES-HENRY " et BROWN arrivent au Cap CAMARAT. BROWN retrouve assez vite l'endroit où le matériel a été camouflé. Pendant que " GEORGES-HENRY " fait le guet, BROWN récupère les valises qui sont aussitôt stockées dans le coffre de la voiture; le chargement est si important qu'il est impossible de refermer le coffre.


" GEORGES-HENRY " et BROWN, toujours dans la voiture de " PERRIER " - PAILLOLE " reprennent la route de MARSEILLE; ils croisent quelques soldats ennemis sans éveiller leur méfiance et c'est l'arrivée au Poste de Contrôle Italien.

BROWN serait d'avis (toujours l'esprit " commando ") de brûler la politesse aux carabiniers… " GEORGES-HENRY " l'en dissuade et c'est tout joyeux qu'il annonce au Chef de Poste le résultat brillant de la perquisition en désignant d'un coup d'oeil complice le matériel... saisi (?) Félicitations … échange de propos aimables sur l’amitié franco-italienne, cigarettes (pas celles du "Casabianca ") et c'est la dernière étape pour MARSEILLE où, à l'entrée de la ville, GROS, à bord d'une voiture des Renseignements Généraux, assure la Sécurité et fait une escorte d'honneur à la voiture du Chef du C.E. Français.


Le soir même, un poste émetteur est installé au domicile de GROS et après quelques essais, notre technicien CAILLOT établit la première liaison T.R. , 100% française, avec l'Afrique. Ce poste fonctionnera une dizaine de jours encore chez lui, R. ayant succédé à CAILLOT pour les émissions.
Le poste fut ensuite transféré à l'autre bout de la ville, au quartier Vauban, chez P. ami de GROS. Les voitures goniométriques allemandes sillonnaient les environs, et les voisins commençaient à trouver drôle cette activité insolite.


Il n'est pas sans intérêt de connaître comment a fini ce poste … De Vauban, le poste fut transféré à la Place St-Michel, au n° 15, le fils du Pasteur ROUX...
Surpris par une perquisition des Allemands, le fils ROUX n'eut que le temps de " balancer le piano " par la fenêtre du 3ème étage … ROUX pût s'évader, mais son père et sa mère furent déportés, le premier n'est jamais revenu.


BROWN ayant récupéré son poste, je le mis en contact avec des amis, IMBERT, PERPERE, GEORGES, etc.

Par mesure de prudence et pour que chaque service garde son autonomie, nous établîmes des cloisons étanches avec l' O.S.S.

De multiples imprudences de BROWN (liaison avec une fille du milieu, bavardages, coups de revolver en plein restaurant, etc.) justifièrent amplement mes précautions et BROWN dût rentrer précipitamment en A.F.N. par ses propres moyens pour éviter le pire.

13 au 19 Février.


Je me sépare à mon grand regret de CAILLOT qui doit se multiplier pour mettre en service les postes et instruire les radios et chiffreurs. Nous nous retrouverons une première fois sur la côte en Mars, puis à LYON en Avril, et enfin à ALGER en Mai.


Je vais à LANGEAC rendre compte de ma mission à VERNEUIL (Adjoint de " PERRIER " et Chef du T.R. en France). J'ai le plaisir de retrouver avec lui des connaissances du vieux service : CHALLAN-BELVAL et Mlle MOREL, les collaborateurs fidèles de " PERRIER ". Je lui communique les instructions du "PATRON ".


J'ai un contact très important à prendre à PARIS et avant de regagner MARSEILLE, je passe dire un rapide bonjour à mon ex-complice du 2 bis et de T.R. 115, COLLARD, réfugié à CASTRES. Il ignore encore tout, et mon arrivée est saluée avec joie.


MISSION A PARIS


Du 20 au 25 Février.


Pour aller à PARIS, il me faut un ausweis. Pas question de faire un faux, nous ne sommes pas encore organisés pour cela et il n'est pas bon que je serve de cobaye... Moyennant 14.000 Frs, j'obtiens un superbe ausweis au nom de Claude de MORANGIS. Expert (?), qui va parfaitement bien avec ma carte d'identité et ma carte d'alimentation...
Voyage sans histoire.
Tout de même j'ai le coeur serré en arrivant à la Gare de Lyon … C'est mon premier contact avec la capitale depuis l'Armistice et la vue de la croix gammée sur nos édifices me fait crisper les poings. Je conserve l'image du drapeau tricolore et celui de nos alliés flottant sur l'Afrique du Nord et je sens que l'humiliation sera de courte durée.
Cette crise sentimentale est fugitive et comme le taureau, le rouge du disque germanique me stimule. Je fonce …


Quelques lignes sont nécessaires pour situer le personnage que d'ordre de " M. PERRIER ", je vais " contacter " : FREDERKING, alias "YOUNG", était un yougoslave recruté en 1938 par le S.R. allemand par la voie des petites annonces commerciales de PARIS-SOIR.

Le texte de l'annonce n'ayant pas échappé à " l’équipe PASQUALI " (autre pseudo du Chef du SSM/TR : P. PAILLOLE) du C.E. de l'Avenue de Tourville;

toute la correspondance relative à cette affaire était systématiquement cueillie et remise au C.E.
Et … après photocopie, les plis étaient acheminés sur leur destinataire.


Suivait un échange de deux ou trois lettres puis, le S.R. allemand (camouflé sous l'étiquette commerciale d'une firme suisse) convoquait le candidat dans une ville neutre, lui payait le voyage, le traitait princièrement et pour tâter le terrain lui confiait une enquête sur l’établissement commercial. Le doigt était ainsi pris dans l'engrenage… Parfois le candidat flairait le boche, alors, " il laissait tomber " ou, plus rarement, il rendait compte aux autorités françaises. Quelques uns attirés par l'appât du gain donnaient suite à ces premiers contact et devenaient des agents du S.R. allemand : traîtres, espions.


Grâce aux dispositions prises par le C.E. ce système de recrutement fut rapidement neutralisé, des arrestations opérées et, résultat plus substantiel, des agents de pénétration introduits au sein du S.R. allemand.


C'est ainsi que " YOUNG ", sous le contrôle de " PASQUALI ", commença une étonnante carrière. Il n'est pas exagéré de dire qu'il fut l'un de nos meilleurs agents. Décapité à la hache, il a hélas, en fin de compte, payé de sa vie son amour pour la France et la Liberté.

" Croix de Fer " et ... Agent T.R.
Bien avant la guerre, il avait été muni d’un des premiers poste émetteurs allemands dont l'indicatif variait suivant la première lettre des pages d'un roman à la mode.


Après l'armistice de 1940, ses employeurs allemands, satisfait de ses services, lui octroyèrent une prime importante et la Croix de Fer !


Dès Octobre 1940, j'avais repris le contact avec lui par carte interzones et il était ainsi resté l'un des informateurs du T.R. et c'est sans aucune appréhension que je lui téléphonai dès mon arrivée à PARIS.


Notre rencontre fut d'une chaleureuse cordialité. A la vérité, il était un peu effrayé de mon audace, et pourtant il croyait que je venais tout simplement de MARSEILLE …


Au cours d'un repas excellent à son domicile personnel rue de Verdun, il me précisa la position importante qui était maintenant la sienne : il occupait plusieurs bureaux à l'Hôtel LUTETIA (P.C. de l'ABWEHR en France), avait trois voitures avec des numéros minéralogiques interchangeables et un fil direct avec son Chef le Colonel KLEIN à WIESBADEN … Je fis une ample moisson de renseignements, de documents qu'il n'y a pas lieu d'énumérer ici .


Nous mîmes au point un plan qui nous permettrait de nous retrouver à MADRID au cours de l'année… Pour doubler les boîtes-aux-lettres toujours aléatoires, nous convînmes d'échanger des messages personnels par " Radio-Alger ", la " B.B.C. " et.., " Radio-Paris " … C'est ainsi que notre rencontre de MADRID en Décembre 1943 fut convenue par le message suivant : " Le Prado est en fleurs ".


La partie la plus importante de ma documentation était l'organisation d'un réseau de postes-émetteurs allemands maniés par des agents de nationalité française que le S.R. allemand avait l'intention de laisser derrière les lignes alliées en cas de débarquement …

Je possédais les noms de sept villes déjà pourvues d'Agents contrôlés par nous et dont certains n'étaient autres que nos propres Agents de pénétration dans le dispositif ennemi.

Je peux dévoiler aujourd'hui le nom de la première agente qui se présenta ainsi aux lignes américaines, les tous premiers jours du débarquement : Madame BERNARD, membre de l'Amicale... C'est grâce à elle, transportée d'urgence par voie aérienne à LONDRES, que je fus un des premiers Officiers T.R. à être débarqué en Normandie par vedette rapide

.
Mais il fallait songer à regagner la zone Sud, le " CASABiANCA " devant venir nous rechercher entre le 3 et le 5 Mars … Catastrophe : la ligne de démarcation ayant été supprimée, les agences de voyages et gares avaient été envahies … Je n'avais pas de place pour MARSEILLE avant trois semaines. Sur ma demande " YOUNG " après quelques hésitations - bien compréhensives - me rédigea un Ordre de Mission et m'accompagna à la Gare de Lyon... Il s'adressa à un Officier allemand, Commissaire Militaire, qui nous fit escorter par un Feldgendarme.


Les wagons réservés à la Wermacht étaient tous occupés. Le Feldgendarme s'adressa à une s souris grise s qui occupait un compartiment de 1ère classe avec 4 Officiers et une autre souris grise …


A ma grande stupéfaction, cette dernière, tout en maugréant, me céda sa place après avoir enlevé sa valise et quitta le wagon … Le Feldgendarme me salua militairement pendant que " YOUNG ", pas très rassuré, prenait congé de moi …


Je plaçais ma valise dans le filet et pris place dans le compartiment …


Je ne voudrais pas paraître fanfaron rétrospectivement, mais j'avoue très sincèrement que, de cette situation, je ne sentais que le côté cocasse, sportif. Aucune crainte, et si mon coeur battait un peu plus vite, c'est d'un orgueil un peu puéril à la pensée de la bonne histoire à raconter aux copains … ce que je fais aujourd'hui...


L'AFAT allemande, qui me fait face, m'adresse quelques mots en allemand … il fallait bien s'y attendre et je ne suis pas pris au dépourvu... Je ne peux que lui répondre « Franzoze » et quelque chose d'inintelligible qui signifie pour moi " je ne comprends pas l'allemand "; Les Officiers allemands, jusque-là assez indifférents, tendent l'oreille.


Mais mon interlocutrice parle un français très approximatif et je peux lui expliquer ma présence dans ce compartiment : je prends la personnalité de mon brave " YOUNG " qui, comme façade de son activité secrète, vendait du champagne et des liqueurs, et approvisionnait les cercles et cabarets réservés aux Officiers du REICH.


Mes explications ont l'air d'être satisfaisantes. Je sens nettement chez les deux Officiers allemands, qui me font face, une sorte de mépris pour ce Français trafiquant et collaborateur. Qu'importe : je ne suis pas vexé et me plonge dans la lecture de tous les journaux collaborateurs dont j'ai fait ample provision.


Vers minuit, ces messieurs sortent de leurs sacs un appétissant assortiment : pain blanc, charcuterie, fromage …Il m'est difficile de rester impassible, ma dignité me fait refouler la salive qui monte à ma gorge … Mais la collaboration n'est pas un vain mot et quelques minutes après, je suis muni d'un kolossal sandwich que je dévore sans remords … Une politesse en vaut une autre; je mets ma valise sur mes genoux, j'en extrais une bouteille de champagne, - échantillon non sans valeur - et j'offre une tournée générale … Sous les autres échantillons de mes produits et les paperasses publicitaires, le " courrier d'Alger " n'a jamais été autant en sécurité et je savoure pleinement ces moments délicieux …


A l'ancienne ligne de démarcation, arrêt. Notre compartiment n'est pas contrôlé... Malgré tout, je ne dors pas et mes yeux ne quittent pas ma précieuse cargaison ...
A TARASCON, les Officiers allemands changent de train pour la direction de MONTPELLIER ou NIMES, après m'avoir serré cordialement la main.



RETOUR en ZONE SUD

Enfin MARSEILLE : La valise est mise en lieu sûr, après avoir rendu compte à " GEORGES-HENRY " de mon séjour à PARIS.

Du 20 au 28 Février.


Je revois " GEORGES-HENRY " qui est particulièrement satisfait : grâce à CAILLOT, tous les postes marchent parfaitement bien et le recrutement de techniciens, de chiffreurs et d'agents de liaison s'est
accentué; GROS ne se contente pas d'apporter les ressources de sa situation officielle aux Renseignements Généraux, il " débauche " encore des inspecteurs dont l'un, GAUDE, rendra des services éminents.

Madame GROS est mise à contribution et s'acquittera de ses fonctions un peu spéciales avec un sang-froid et un courage bien tardivement récompensés … C'est encore GROS qui recrutera l'ami GRAVA que j'ai eu le grand plaisir de revoir le 2 Juillet 1955 dans la cour de la ferme d'OTTOU, devant une bouillabaisse dont la renommée a déjà franchi les limites de la Provence.


Citons encore PERPERE, chemisier rue de Rome, dont la cave abrita nos postes émetteurs, M. et Mme IMBERT, qui se dévouèrent sans restriction, combien d'autres, tels le petit GEORGES, jeune titi marseillais à la bonne humeur communicative, infatigable agent de liaison et providentiel porteur de bagages pour les passagers du " tube "( Ndlr : le sous-marin ). Sa modestie et son désintéressement font que, plus de dix ans après ses aventures, sa boutonnière demeure toujours vierge du moindre ruban...

Fin Février. Il faut songer au départ.

CAILLOT, après ses pérégrinations à travers la France, a rejoint, lui aussi, MARSEILLE.

" GEORGES-HENRY " nous met au courant des messages échangés avec ALGER. C'est maintenant officiel : le " CASABIANCA " doit venir nous prendre le 3 Mars à 22 heures à l'emplacement même où nous avons débarqué.


Des reconnaissances ont eu lieu à plusieurs reprises pour s'assurer que cette zone était toujours praticable … Le Capitaine B., pêcheur assidu, sinon habile, s'est multiplié entre le Cap LARDIER et le Cap CAMARAT, avec St-TROPEZ comme P.C.



1er et 2 Mars.


Activité intense au P.C. de T.R. 115. Le courrier émanant des autres postes et glané par les soins de " VERNEUIL ", est arrivé classé, trié, emballé. Celui de " GEORGES-HENRY " est prêt. L'ensemble est réparti entre plusieurs valises ou sacs tyroliens. Quelques documents, particulièrement secrets, sont camouflés dans des tubes dentifrices ou crème à raser, dans de banales trousses de toilette, à l'intérieur de semelles de souliers, etc...
 


3 Mars.


Veillée d'armes :
Les passagers seront, en dehors de CAILLOT et de moi-même :
- le Colonel BONOTEAU, ancien collaborateur du Colonel d'ALES et délégué du Général FRERE, commandant l’ORA.
- Le Capitaine B. du T.R., - réclamé par " PERRIER - PAILLOLE ".

Le "Docteur" (qui n'est autre que le Général ARLABOSSE) devait faire partie du voyage, mais, retardé, ne pourra être rendu à temps au rendez-vous.


Nous serons accompagnés sur les lieux d'embarquement par PIROULAS, le dévouement personnifié, Jacques IMBERT, dont l'audace frise la témérité, et notre ange gardien, le petit GEORGES.


Isolément, par le train, nous nous rendons à St-TROPEZ d'abord, puis nous nous rassemblons avec nos bagages à 3 kilomètres du lieu d'embarquement … dans un endroit convenu, couvert, où la nuit nous assure sa complicité.
Il est 20 heures environ. Un groupe de deux hommes armés part en avant-garde … L'un d'eux doit revenir sur ses pas après reconnaissance favorable.


DANS L' ATTENTE DU " CASABIANCA "

Tout va bien, mais le temps jusqu'ici incertain s'aggrave et un fort vent commence à souffler … Nous sommes anxieux de découvrir l'état de la mer.


Par deux (un passager et un homme d'escorte) nous rejoignons le détachement précurseur et nous organisons la sécurité : un guetteur armé à droite et à gauche de notre emplacement. Le reste du groupe se camoufle dans les rochers et les arbustes à quelques dizaines de mètres seulement du bord de la mer, avec comme point de repère, la roche Escudelier dont la masse sombre, frangée de blanc est à peine visible.

Il fait très noir et les nuages assombrissent encore le ciel … le vent redouble de violence et la mer est maintenant très mauvaise … Nous commençons à avoir des doutes sur la possibilité de l'opération, … L'un de nous se détache à 22 heures, face à la mer et en profitant de l'abri précaire d'un rocher, commence avec sa lampe électrique les signaux prévus dans les messages d'ALGER ... Il faut masquer, autant que faire se peut, ces signaux latéralement, car il ne faut pas oublier que nous sommes encadrés par les Caps LARDIER et CAMARAT occupés par l`ennemi qui patrouille entre ses deux bases...

La Mer reste déserte


Nos yeux sont grands ouverts sur le large cherchant anxieusement le kiosque du sous-marin. Les minutes passent … Nous guettons le signal lumineux, cette petite étoile filante surgie des profondeurs de la mer … Rien, toujours rien … Des vagues de plus en plus violentes viennent fouetter les pieds des signaleurs … Il est près de 24 heures … Plus d'espoir pour ce soir… Un dernier signal, il faut abandonner.


Déçus, mais nullement démoralisés, nous nous organisons pour passer la nuit à la belle étoile (si l'on peut dire). Nous rejoignons notre emplacement de départ à l'abri protecteur d'un bois. Nous nous camouflons en assurant à tour de rôle la garde de notre repos.

4 Mars .


Nuit sans incident. Au lever du jour, nous centralisons les vivres, boissons, cigarettes, afin d’en faire une répartition équitable. Un rationnement s’avère indispensable si notre situation doit se prolonger... L'inventaire de nos ressources est plutôt décevant.


Le dispositif de sécurité de jour est mis en place : il ne reste plus qu'à attendre avec philosophie et silence la nuit prochaine ... Nous pensons que notre sous-marin croise au large, l`état de la mer l'ayant empêché de s'approcher de la côte...


Avec le grand jour, nous distinguons des marins allemands et des soldats italiens se déplaçant autour du phare du Cap CAMARAT, cependant rien ne vient troubler notre quiétude. Nous sommeillons et prenons des forces pour la nuit.


A 22 heures, le dispositif est en place dans les mêmes conditions que la veille. Le temps est meilleur, sans qu'il soit pour cela très satisfaisant. Une assez forte houle frange les rochers. L'espoir nous habite; IL VIENDRA...


Pendant une heure, toutes les cinq minutes, les signaux lumineux sont répétés inlassablement,.. Pas de réponse …

Fausse joie :


Soudain, vers 23 heures, un cri de joie vite réprimé... Une masse sombre vient de surgir brusquement à moins de 300 mètres de la côte … pas de doute, c'est lui ... Un des guetteurs accourt, il a aperçu un signal lumineux … Branle-bas, rassemblement des bagages et adieux aux deux guetteurs qui assurent la sécurité … Nous rendons nos vivres qui seront bientôt avantageusement remplacés, pensons-nous, au carré des Officiers ...


Les quatre partants sont au bord de l'eau, nous voyons maintenant nettement le youyou se diriger vers nous.

Une émotion joyeuse nous étreints …. J'embrasse PIROULAS … et ... en quelques secondes tous nos espoirs s'envolent. Avec une soudaineté inconcevable, un grain se déchaîne …Eclairs, tonnerre, pluie diluvienne nous enveloppent; le vent souffle en bourrasque et CAILLOT manque presque d'être emporté par une lame …. Il faut l'aider à reprendre pied … Nos bagages sont mouillés, nous reculons pour nous mettre à l'abri combien précaire des rochers et arbustes pendant que l'un de nous, resté sur le bord, cherche à distinguer le youyou qui a disparu...

Quelques minutes après, la rage et l'angoisse au coeur, nous voyons disparaître la silhouette du " CASABIANCA ".


Trempés, transis de froid, déçus et à vrai dire démoralisés, nous nous regroupons et pour nous préserver si peu soit-il de la pluie, nous nous serrons les uns contre les autres comme des moutons sous l'orage. Nous restons longtemps silencieux. Nos premiers échanges sont moroses, mais après cette défaillance, nous reprenons notre sérénité et c'est calmement que nous envisageons la situation.


Il n'est pas question de rester plusieurs jours ici en attendant le retour problématique du "tube"... Mais il est nécessaire que le groupe se disperse prêt à répondre au premier signal. Nous enverrons un agent de liaison à MARSEILLE prendre contact avec " GEORGES-HENRY " qui doit être informé par la radio de la D.S.M. d'ALGER, elle-même en liaison avec le « CASABIANCA », des possibilités dans un avenir relativement court.


En attendant, il faut laisser passer l'orage et avant l'aube quitter ces lieux malsains.

5 et 6 Mars.


La caravane, scindée en plusieurs tronçons, s'éloigne de la côte. Avec précautions, un détachement d'avant-garde se présente à une ferme, discrètement. Accueil sympathique, café. Après, une conversation à bâtons rompus avec le maître des lieux, M. Achille OTTOU, la glace est rompue.

Le fermier, jeune, sympathique, patriote ardent, connaît le pays comme sa poche. Il se met à notre entière disposition. Bientôt les autres camarades arrivent et les sept hommes sont camouflés après s'être restaurés.


Cette ferme servira désormais de " gare maritime " pour les passagers du SSM/TR, et la tentative avortée d'embarquement du 26 Novembre 1943 où notre camarade ALSFASSER trouva une mort glorieuse, n'a pas troublé la quiétude apparente de l'héroïque maison du " Père tranquille ".


Aujourd'hui, une plaque commémorant ce Haut-Lieu de la Résistance, est en dépôt dans ce petit coin de Provence. Elle attend sa pose prochaine à son emplacement définitif, sur la roche Escudelier.


Qu'il soit permis ici, à ceux qui ont inauguré la " Ligne " de rendre un hommage particulier à M. OTTOU et à sa famille, pour leur accueil chaleureux et surtout pour la part immense qu'ils ont prise au succès des opérations suivantes.


Dans le but de limiter les risques, je décidai de nous dédoubler.


Tandis que nos camarades restaient sur place, avec PIROULAS et le petit GEORGES, je gagnais St-TROPEZ.

J'établis mon P.C. dans une villa dominant la baie mise à ma disposition par R. FOREST, compagnon du C.E. à PARIS en 1939-1940. Cet emplacement avait l'avantage d'être discret et de servir de relais entre MARSEILLE et la ferme d’ACHILLE. Le petit GEORGES établit la liaison avec " GEORGES-HENRY " et nous apprîmes ainsi que le " CASABIANCA " à la suite de sa tentative avortée du 4 Mars, était parti en CORSE déposer des passagers pour revenir nous prendre deux ou trois jours après.


FOREST nous mit en rapport avec un Directeur d'Agence Immobilière -motorisé- de St-TROPEZ, qui nous rendit de grands services.


Pour accélérer les liaisons avec MARSEILLE, Madame IMBERT, avec sa Simca, se mit à notre disposition.
FOREST lui-même se multiplie, il connaît bien le pays et assure notre ravitaillement. Nous l'en récompensons en faisant largement honneur à sa cave …

7 Mars.


R.A.S. ... Nous attendons dans l'ennui.
Enfin, Jacques IMBERT arrive de MARSEILLE avec un message de " GEORGES-HENRY " : le " CASABIANCA ", si le temps le permet, croisera au large de la roche Escudelier, le 8 Mars et éventuellement le lendemain. Se tenir prêt à partir de 22 heures dans les conditions prévues.


Je fais prévenir CAILLOT par le petit GEORGES. Nous rejoindrons nous-mêmes la ferme d'ACHILLE le  8 Mars vers 20 heures 30.

Nouvelle tentative, second échec


Dès le réveil, nous scrutons le ciel … Temps maussade, le vent n'est pas trop fort. La chance nous sourirait-elle enfin ?


Pour passer le contrôle italien de RAMATUELLE, nous avons décidé de profiter du camion de J. IMBERT, un véhicule de la Brasserie des « Bières de France », sa maison marseillaise.


Il a disposé ingénieusement de lourds fûts de bière tout autour de la plate-forme du camion bâché, laissant au centre un espace suffisant pour que nous puissions nous accroupir.


Vers 20 heures, nous faisons nos adieux à l'ami FOREST et le remercions de sa cordiale hospitalité … Nous nous camouflons comme prévu. La cachette se révèle excellente, bien qu'un peu inconfortable, J. IMBERT est au volant.


Au contrôle de RAMATUELLE, les Italiens doivent être à table car aucune autorité ne se manifeste. Mais J. IMBERT, qui aurait pu facilement brûler ce passage, arrête calmement son camion à hauteur du poste, descend et hurle : " Il n'y a personne là-dedans ? "… Tapis dans notre " Cheval de Troie ", nous n'apprécions pas du tout cette plaisanterie et nous maudissons cette initiative qui met nos nerfs à rude épreuve...


Un Italien sort du poste, IMBERT, avec une faconde bien marseillaise, entame une conversation très amicale avec l'Italien à qui il offre une cigarette …. Les minutes nous paraissent des heures et c'est avec soulagement que nous entendons démarrer notre lourd véhicule.


Dés la descente de RAMATUELLE terminée, par la petite lucarne qui correspond à la cabine avant, j'adresse à voix sourde des reproches véhéments à IMBERT … imperturbable. Il chantonne un air d'opéra italien … Il m'explique que c'était la seule façon d'inspirer confiance, car si nous avions brûlé le poste, nous risquions d'avoir un motocycliste aux trousses qui, rendu méfiant, n'aurait pas manqué d'inspecter sérieusement le chargement ... Rétrospectivement, je pense qu'il a eu raison, mais nous nous souviendrons longtemps de ces quelques minutes, sensation intolérable d'impuissance du gibier traqué …


Nous atteignons la ferme d'ACHILLE. Le camion est bien camouflé. Nous descendons et retrouvons avec joie nos camarades. Grâce à ACHILLE, le déplacement vers la côte s'effectue beaucoup mieux car il connaît la région à fond et nous fait passer par des pistes hors de la vue des postes de guet ennemis.


Nous commençons à être " rodés " maintenant, et chacun prend son poste comme à la parade, sans bruit, calmement …. Le temps, sans être aussi mauvais qu'au cours de notre dernière tentative, est bouché. Le vent s'est levé et la mer est agitée.


A partir de 22 heures, nous fixons intensément la mer : plusieurs fois, nous croyons voir émerger le kiosque du sous-marin, mais ce n'est que la roche Escudelier.
Nous faisons quelques signaux lumineux, en vain ...
Peu après minuit, nous regagnons avec tristesse notre " cantonnement ".

9 Mars.


Journée à la ferme. Nous prenons l'air à tour de rôle. Discussions animées sur les chances de succès … Il y a le parti optimiste et le parti pessimiste... A défaut de Pythonisse, la belote tranche nos différends :
Même scénario que la veille, le temps ne s'est guère amélioré. Nous sommes maussades …
A minuit, retour désenchanté, la période favorable est maintenant passée, plus d'espoir pour ce mois-ci.
La dispersion est décidée pour le lendemain avec les précautions d'usage.

10 Mars.


De retour à MARSEILLE, CAILLOT et moi prenons contact avec " GEORGES-HENRY ". Nous apprendrons plus tard par message d'ALGER que le sous-marin est bien revenu croiser à son retour de Corse, mais que l'état de la mer ne lui a pas permis de tenter le débarquement du youyou. LHERMINIER est allé à l’extréme limite de ses possibilités et a dû rentrer, la mort dans l'âme.


Au service du T.R. 115. , avec IMBERT et PERPERE, nous prospectons des propriétés amies en Haute-Provence, pouvant servir à des parachutages de personnel et de matériel, accessoirement d'emplacements de postes émetteurs et de refuges pour des camarades traqués.


J'effectue quelques déplacements dans les Alpes-Maritimes, notamment à NICE où M. JANNING, propriétaire du " Château de l'Anglais " au Mont Boron, nous apporte son précieux concours et un refuge idéal, sa vaste propriété étant truffée de souterrains qui serviront maintes fois... A TOULON, je vois le Commissaire HACQ.


D’autres missions m'amènent en Haute-Garonne. A Toulouse, je suis heureux d’apporter à Madame PAILLOLE, la maman de " PERRlER ", le réconfort d'un message filial.
CAILLOT est parti à LYON, installer d’autres postes-radio.



LA ROUTE DU " TUBE " EST COUPEE

A MARSEILLE, l'activité bat son plein. On espère que le " CASABIANCA " pourra venir faire sa tournée mensuelle au début d'Avril, mais un message d’ALGER nous enlève toute illusion.


Si la route du " tube " est momentanément coupée, il reste le vaste domaine de l'Air ... J'apprends avec joie que " PERRIER "- PAILLOLE "  a décidé d'organiser avec les Anglais, l'envoi d'un avion d'Angleterre pour nous enlever avec le courrier. Un " Lysander " viendra nous chercher, le Colonel BONOTEAU et moi, à la lune d`Avril dans le Puy-de Dôme. I1 est nécessaire que je gagne CLERMONT-FERRAND où T.R. 115 assurera cette opération, en liaison avec le poste SSM/TR de LONDRES que dirige BONNEFOUS.

Du 6 au 7 Avril.


Adieux à " GEORGES-HENRY " et à ses collaborateurs sans oublier GROS. Je réunis mes amis pour un dernier repas.., sans tickets, " GEORGES-HENRY " me confie le courrier. GROS m'établit un congé de convalescence d'un mois pour VICHY et CLERMONT-FERRAND ainsi qu'une attestation d’identité.


Je me rends à LYON où je rencontre l'ami CAILLOT. Nous passons une journée agréable de travail, d'information et nous nous séparons.

8 et 9 Avril.


Séjour à CLERMONT. Rapports extrêmement sympathiques avec le Capitaine JOHANNES, Chef de T.R. 113. Je fais connaissance de Michel THORAVAL qui a déjà été parachuté deux fois pour le T.R. Il assure la liaison avec la R.A.F. par l'intermédiaire d'un poste radio de T.R,113, manié par L' Adjudant SIMONIN qui trouvera une mort légendaire, surpris en pleine émission. Je revois avec joie HERRMANN, robuste protecteur, dont la mine défie le rationnement.




A DEFAUT DE SOUS-MARIN : L'AVION


Le « Lysander » doit venir à la prochaine lune, à partir du 15 Avril. La B.B.C. fixera le jour " J " par les messages suivants : " Les voyages forment la jeunesse, a dit Mme de Sévigné " , et " Les bains de mer sont agréables en été " (cette dernière déclaration est d'un humour certain quand on sait que le " channel " doit être survolé et que nous venons de patauger à la roche Escudelier).


Le lieu choisi après homologation par la R.A.F. est situé aux environs du hameau de PARDINES.


Je laisse le courrier au Capitaine JOHANNES et, d'accord avec lui, je m'installe à l'Hôtel Molière à VICHY, pour commencer ma... Convalescence... Je ne rejoindrai CLERMONT que 24 heures avant le début de la nouvelle lune.

10 au 15 Avril.


Séjour à VICHY très discret. Seul incident, j'évite de justesse de me trouver nez à nez avec le Commandant B..., ex-officier du S.R. " Tourville " qui a " mal tourné " et préside aux Contrôles Techniques.

16 Avril.


Dans la matinée, je reçois le coup de téléphone attendu. HERRMANN vient me prendre en voiture et nous filons pour CLERMONT-FERRAND où le Capitaine JOHANNES me donne une charmante hospitalité dans son pavillon. Le Colonel BONOTEAU est sur place, tout est paré. Les messages de la B.B.C, ont été entendus. " L'opération PARDIES " est prévue pour le 17 Avril à partir de minuit.


17 Avril.


Toute la journée est consacrée à la préparation du courrier d'ALGER, via LONDRES, et à l'organisation de l' " opération PARDINES ". Le Capitaine MERCIER de T.R. 113 accompagnera les passagers, secondé par MICHEL, SIMONIN et HERRMANN.


A l'heure prévue, la B.B.C, confirme l'opération.

Nous disposons de deux voitures pour nous rendre au terrain. Dans la première. HERRMANN dans sa tenue de gendarme assure notre sécurité.


Nous arrivons vers 11 heures sans encombre. Le paysage est sauvage, dénudé, pas la moindre ferme à l'horizon ; Si l’endroit est propice au point de vue sécurité, il ne semble pas présenter un terrain idéal pour atterrir en pleine nuit. Le sol est inégal, caillouteux, plein de trous et la surface utilisable est limitée par un ravin.

Le Colonel BONOTEAU et moi-même, avec nos précieux bagages, sommes à l'abri d'un couvert en bordure du plateau. MICHEL, SIMONIN et HERRMANN mettent en place le dispositif de balisage prévu : 4 lumières blanches en ligne et une lumière rouge à l'extrémité de la piste. MICHEL se tient prêt à émettre la lettre convenue avec la R.A.F.


Le " Lysander " doit être là à partir de minuit. Le temps est couvert et la lune, bien pâle, ne se montre que par intermittence … Nous sommes tous à l'écoute du bruit du moteur et allongés sur l'herbe sur le dos, nos yeux fixent le ciel pour essayer d'y trouver l'étoile filante gage de notre évasion.

Une demi-heure … Une heure … Une heure et demie … Toujours rien ... Nous sommes à la limite des possibilités car l'avion devra regagner la Grande-Bretagne avant le lever du jour.


Il est un peu moins de deux heures quand un ronronnement se fait entendre, léger d'abord et très rapidement assourdissant. L'avion vient de frôler nos camarades et au moment où nous le voyons immanquablement rouler dans le précipice, le pilote réussit acrobatiquement à reprendre de la hauteur.


HERRMANN, porteur de la lampe rouge, a failli être scalpé par le train d'atterrissage.


MERCIER prend l'heureuse initiative de faire déplacer rapidement les lampes de quelques dizaines de mètres. Quelques minutes plus tard, le " Lysander " au mépris de toute prudence, atterrit tous phares allumés et le Colonel BONOTEAU n'a que le temps de se déplacer rapidement pour éviter l’accrochage… l'avion freine à fond et s'immobilise quelques secondes avant de rouler pour gagner l'extrémité du terrain, prêt au décollage.

Un coup de feu Inquiétant.


Nous nous précipitons en même temps qu'un coup de feu nous fait sursauter … Nous nous écrasons au sol, l'arme à la main, quand le pilote anglais, flegmatique, une cigarette dans une main, un revolver dans l'autre, nous montre le pneu de son avion qu'il vient de crever. MICHEL faisant l'interprète nous indique qu'un silex a crevé un pneu en prenant contact avec le sol et que l'avion déséquilibré risquant de capoter au décollage , le pilote n'avait pas d'autre solution pour rétablir l'équilibre... Le départ sera acrobatique...


Les valises sont rapidement chargées et nous prenons place, le Colonel BONOTEAU et moi, dans un étroit habitacle. Nous faisons glisser sur nos têtes une sorte de toiture en plexiglas.

 


VERS ALGER... AVEC ESCALE A LONDRES


Le temps n'est pas aux effusions et il faut repartir. Le moteur n'a pas arrêté de tourner. Dans un vacarme Infernal, il donne son plein régime et nous avançons. Nous sommes secoués comme dans une machine à laver et nous sentons le moindre caillou du terrain .. Nous éprouvons la sensation pénible que nous n'arriverons jamais à décoller …. Enfin, après une secousse que nous percevons avec acuité, nous ressentons soudain l'ivresse de voler presque silencieusement … Nous prenons de la hauteur, pas suffisamment à notre gré, car il nous paraît d'une folle témérité de survoler un territoire occupé à une altitude qui ne dépassera jamais 800 mètres, sauf à l'approche de la Manche …

Nous sommes reliés avec le pilote par une sorte de petit téléphone … Nous devons lui communiquer toutes nos observations : avion ennemi, tirs de D.C.A... Il nous indique que nous avons des bouteilles thermos à bord, contenant thé et café … La deuxième boisson a notre préférence, nous aurons toujours le temps à LONDRES de la sacrifier au breuvage national.


Nous arrivons, le Colonel BONOTEAU et moi, à échanger quelques paroles, mais il faut crier … Nous sommes en pleine euphorie, sans pour cela oublier nos camarades qui ont assuré notre départ et qui, à l'heure où nous volons vers la Liberté, sont au danger … Le bruit des détonations (moteur et coup de feu) a peut-être alerté l'ennemi ?


Notre vol se poursuit... La terre de France se déroule sous nos yeux; nous distinguons très bien des hameaux, des rivières, des forêts. L'itinéraire minutieusement choisi évite les grands centres et nous survolons presque constamment la campagne; quelquefois à très basse altitude.


Vers 5 heures, après avoir pris de l'altitude, nous survolons la MANCHE. Pendant quelques instants, la lune perce les nuages et l'eau scintillante nous offre un spectacle de toute beauté.


Encore une demi-heure et nous apercevons le rivage de la GRANDE-BRETAGNE . Nous perdons de l'altitude et tout à coup nous avons la surprise de survoler quelques secondes un magnifique terrain illuminé par des projecteurs…

Nous saurons plus tard que le pilote avait averti Portsmouth que ses deux pneus étaient crevés, ce qui avait motivé cet éclairage proscrit en temps de guerre … Une ambulance et les pompiers étaient prêts à intervenir … Fort heureusement, le pilote, très habile, pose son engin au sol sans autre dommage que de brutales secousses.


Nous aurions eu autrement peur si nous avions su que notre train d'atterrissage était entouré de plus de trois mètres de fil à haute tension que nous avions arrachés au départ …


Et c'est dans un hangar de la R.A.F. qu'un whisky à la main, nous remercions notre pilote.


Quarante-huit heures plus tard, restaurés, habillés, nous arrivions à ALGER. , heureux de notre réussite. Nous remettions au Cdt. PAILLOLE, l'abondant et précieux courrier du T.R. de France : " Mission remplie, mon Commandant ".

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 8

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