Article paru dans le Bulletin N° 108
Cette année nous
commémorons le 33° anniversaire de l'assassinat à Jérusalem de notre ami
et camarade, le colonel André SEROT.
Il était médiateur de
l'O.N.U. aux côtés du comte Folke BERNADOTTE.
Nous devons à
l'obligeance de notre camarade lyonnais RÉAUX un émouvant récit de cet
attentat. Nous l'avons extrait de son journal de marche, en même temps que
quelques passages édifiants sur le climat qui régnait en Israël.
Mais est-ce bien
différent aujourd'hui ?
par Mr. REAUX
... Dans la nuit du 17 au 18 août 1948, des
détachements des trois armées se glissent vers le Government House, les
Juifs avec des camions blindés, les Arabes à pied.
Rencontre sérieuse,
combat de nuit, échange de mortiers et d'obus. La bataille fait rage
jusqu'au jour.
Du côté juif : 50 tués
ou blessés.
Le commandement juif
prétend qu'averti de l'intention des Arabes de s'emparer de l'hôpital, il a
voulu les devancer afin d'évacuer des malades juifs qui s'y trouvaient.
Mais les Arabes ont
réagi, et le 17 au matin, ils occupent le Government House, tandis que les
Juifs se sont installés dans l'université arabe et l'école d'agriculture
juive.
Arabes, Égyptiens et
Juifs sont au contact et chacun s'organise sur le terrain conquis.
Dans la journée, les
observateurs de l'O.N.U. essaient en vain d'obtenir le retrait des troupes
de part et d'autre.
Le 18 seulement, on
obtiendra une trêve permettant de relever les cadavres et blessés restés
entre adversaires. Malheureusement, malgré les engagements les Arabes
tirent sur les brancardiers juifs et 3 cadavres restent sur le terrain, d'où
ils ne seront relevés qu'en septembre. Les cadavres juifs ramenés sont
atrocement mutilés, selon la vieille coutume arabe !...
Vers 10 heures, je
descends en jeep avec deux camarades jusqu'à l'American School, P.C. du
colonel SÉROT, commandant le secteur arabe de Jérusalem.
Je retrouve avec joie ce
dernier, avec qui j'ai passé deux ans au S.R. de Belfort, en 37-38, et à qui
j'ai toujours été très cordialement attaché.
Depuis quelques jours,
violente campagne dans les journaux contre l'O.N.U., et surtout contre
BERNADOTTE.
31 août 1948.
Un radio américain et un
ouvrier juif sont grièvement blessés au carrefour du consulat américain.
Cela fait les 4e et 5e victimes. On pense (enfin
!)... à rechercher un itinéraire moins dangereux.
A 21 heures, je suis à
Lifta avec tous mes officiers. La nuit est magnifique.. Sous le ciel bleu
parsemé d'étoiles, à 40 m. des mitrailleurs au créneau, derrière la maison
du P.C., une vaste cour entourée d'oliviers et de figuiers ; des chaises et
des bancs sur toutes les faces. Au centre, un énorme projecteur qui inonde
de lumière les dalles roses de la cour.
Cinq cents personnes au
moins, civiles et militaires, s'y entassent. On nous a réservé des places à
la table d'honneur, aux côtés du colonel venu pour l'occasion. Dans un coin,
un orchestre à cordes sur une estrade.
La nuit est calme,
fraîche. A l'arrivée du colonel, un commandement bref retentit, tout le
monde est au garde-à-vous... L'hymne national retentit, chanté avec une
ardeur sauvage, presque mystique...
18 septembre 1948.
Le comte Folke
BERNADOTTE et le colonel SEROT sont assassinés par le groupe STERN (groupe
choc de l'AGANA dont le chef était M. BEGIN).
On a beaucoup écrit,
beaucoup épilogué sur ce meurtre. Voici exactement comment les faits se sont
passés.
Dans la voiture de tête,
l'officier de liaison juif, le secrétaire et l'aide de camp de BERNADOTTE.
Dans la deuxième
voiture, devant : le commander Mox et, comme chauffeur, Mr. BUGLEY, chef de
la sûreté de l'O.N.U. ; derrière, de gauche à droite, le général LANDSTROËM,
le colonel SEROT au centre, le comte BERNADOTTE à droite.
Brusquement, une jeep
barre la route au convoi, deux Juifs en descendent, mitraillette au poing,
inspectent la première voiture, puis arrivent à la deuxième. Celui de
gauche passe le canon de son arme par la portière de gauche et descend à
bout portant le colonel SEROT qui se penchait vers lui, couvrant BERNADOTTE,
puis le comte, qui s'effondre frappé à mort. Le comte meurt pendant son
transfert à l'hôpital.
Mr. BUGLEY, non armé,
n'a pu intervenir. Les deux Juifs se sont replié en tirant, crevant même le
pneu avant droit de la voiture de tête, et la jeep a disparu.
L'officier de liaison
juif (le capitaine HILLMANN) n'a « naturellement » rien vu ! On ne
retrouvera jamais les agresseurs.
Dans l'après-midi, les
corps sont déposés sur des brancards, dans une salle du YMCA transformée en
chapelle ardente, et nous veillons toute la nuit les corps de ces martyrs de
la Paix » dont la toilette funèbre a été faite par des religieuses
françaises.
20 septembre 1948.
Les corps de BERNADOTTE
et de SEROT sont transférés à Haïfa. Long cortège d'une vingtaine de
voitures. Autorités juives et consulaires. A Latrum, l'Arab Legion, alignée
le long de la route, rend les honneurs.
Parti à 9 heures, le
cortège arrive vers 13 heures, en pleine chaleur. Les corps sont
immédiatement embaumés.
Nuit d'une chaleur
étouffante.
A 6 heures du matin, les
corps de nos infortunés camarades sont partis en avion pour la France.
Nous leur adressons du
terrain d'Haïfa un dernier adieu. Pauvre Mme SÉROT !...
A 8 heures, je prends
l'avion à mon tour.
A 9 h 30 je suis à
Colundia et à 17 heures je réintège le YMCA, sans incident, mais « vanné » !
Triste corvée enfin
terminée !
La nuit est agitée, mais
le sommeil l'emporte.
Les Juifs s'attendent à
une réaction en Europe, et à l'application des sanctions.
22 septembre 1948.
Police, patrouilles,
contrôles... le grand jeu ! Mais on a l'impression que c'est du bluff et que
les coupables sont déjà à l'abri. Il faut bien calmer l'opinion mondiale ;
A 10 heures, service
religieux, chez les Pères de Ratisbonne, pour le repos de l'âme du colonel
SÉROT. Autorités juives et étrangères y sont représentées.
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