Le titre est excessif mais Pierre Servent en a gros sur le coeur. Grand déçu de la presse et de la politique, il a beaucoup à dire et à déverser dans ce livre accusatoire.
Ancien journaliste à La Croix - où il est toujours chroniqueur - et ancien du Monde, il a aussi connu le monde politique de l'intérieur, comme responsable de la communication du ministre de la défense Charles Millon. Pierre Servent constate que « la réputation des journalistes est aujourd'hui ruinée». Il essaie, dans ce livre précis et utile, d'expliquer pourquoi et d'analyser les conséquences du désamour des Français à l'égard des journalistes.
Il dénonce d'abord un « régime médiatique sans contrôle solide», ce qui est dangereux, écrit-il, car « la liberté absolutisée de la presse peut virer à une sorte de totalitarisme mental qui marginalise les autres pouvoirs». Il regrette que la presse n'aide plus le citoyen à se former. Elle «crétinise les hommes politiques qui commettent l'erreur de l'écouter et ne savent plus quelle idée inventer pour se faire voir et bien voir du peuple ».
Les médias alimentent la machine à déprime en ne traitant que la partie la plus noire de l'actualité, dit-il. Plus grave encore: les journalistes qui simplifient tout à outrance auraient tendance à présenter toute personne en marge comme une victime de la société (ou de l'Amérique) et à excuser sa violence. C'est très dangereux car le discours victimaire et la médiatisation sont deux armes majeures de combat de la nébuleuse Al-Qaida ».
Pierre Servent s'insurge contre les journalistes qui se prennent pour des procureurs. Il dénonce le «médiatiquement correct», mais trouve toute de même, notamment en lisant La Croix, des raisons de ne pas désespérer. « Il existe dans la presse des zones de résistance. » Ouf! Et il donne au moins un conseil: «La recherche du sens doit s'aiguiser comme une arme contre la fausse évidence de l'émotion. » Tout est dit. DOMINIQUE GERBAUD