Dans sa préface au désormais fameux « Rapport de la CIA » (édition française, publiée en 2005), le politologue français Alexandre Adler regrettait vivement que « cette cartographie du futur n’ait pas d’équivalent aujourd’hui en Europe ». Mais c’est désormais chose faite grâce à la parution de ce nouvel ouvrage de prospective récemment publié : « Le Monde en 2025 », un document rédigé par un ’’think-tank’’ de l’UE, ouvrage préfacé par l’ancien commissaire européen Pascal Lamy.
" Le monde en 2025 ": un ouvrage qui est là une grande première en Europe : une grande première à saluer comme il se doit car la seule création d’un tel outil est une preuve de grande sagesse politique. Car refuser de penser l’avenir et d’anticiper ses turbulences et éventuelles crises, c’est se condamner à être le spectateur impuissant d’évolutions sur lesquelles l’action publique n’aurait alors finalement aucune prise. Et se condamner à les subir.
En résumé, une étude prospective de grande envergure qui décrit l'ère post-occidentale : émergence de nouveaux acteurs, fin de l'hégémonie occidentale, nouvelle répartition des ressources et des influences, catastrophes possibles,.., sans pour autant jouer à prédire l'avenir.
En tout cas, voilà des analyses convergentes qui tendent toutes à témoigner qu’une phase de l’histoire aujourd’hui vieille d’au moins trois siècles s’achève sous nos yeux : celle de la domination de l’Occident et de l’unipolarité américaine, et l’entrée prochaine de notre monde dans une ère ’’post-occidentale’’.
Quelle place pour l’Europe dans le monde de demain ? Dans le monde tourmenté de demain, l’Europe ne pourra donc plus se contenter de se construire autour de seules problématiques domestiques internes liées à son intégration économique. Elle devra donc plus se penser comme un seul îlot introverti de prospérité et de paix et oser ’’sortir le bout du nez de son nid douillet’’.
En effet, pour elle, le vrai défi sera de façonner le changement du monde, d’organiser le changement plutôt que d’avoir à le subir. Apporter une valeur ajoutée au débat international par la promotion d’une nouvelle ’’syntaxe’’ des relations internationales sera sa marque de fabrique et sa plus belle contribution à la mise en place d’un nouvel ordre mondial plus juste et pacifique.
Devenue un acteur international potentiellement majeur, l’UE devra donc alors se montrer prête à endosser des responsabilités mondiales et à promouvoir sa vision du monde.
L’action extérieure devra désormais devenir une préoccupation commune à tous les responsables européens. D’où la nécessité - et, en ce sens, la prévision n’est certes pas un luxe - de faire émerger un modèle multilatéral de gouvernance mondiale à l’échelle globale et fondé sur le Droit. Ce à quoi l’Europe peut positivement contribuer en exposant, comme ici, son ambition de maîtriser et de canaliser l’actuelle mondialisation, et sa vision de l’avenir…
Quelle Europe pour demain ? Aujourd’hui le futur de l’Union est incertain : combien d’Etats auront rejoints ses rangs en 2025 ? Où en seront la coopération et l’intégration européennes ? Dans quels domaines s’exerceront-elles ? Aura-t-elle une Constitution ?
Mais les réponses à ces questions sont pourtant d’importance si l’Europe veut être en mesure de relever les défis qui l’attendent dans de nombreux domaines… Tout au plus se doute-t-on que l’Europe a de fortes chances de rester une puissance économique de premier plan au niveau de vie élevé. Mais ni l’état futur du monde, ni la place que l’Union y prendra ne semblent être irrémédiablement déterminés.
Tout dépendant de la volonté politique des dirigeants européens et de leur capacité à jouer favorablement avec les atoûts que possède l’Union.
D’où l’intérêt d’un tel travail d’analyse des événements mondiaux contemporains présents et à venir, pour permettre l’émergence de diagnostics européens partagés et rendre plus facile la formulation d’intérêts communs, afin de mieux définir les priorités stratégiques (et les projets de réformes) pour cette Union européenne aujourd’hui en devenir.
En d’autres termes, le débat sur la réforme de l’Union devrait aller de pair avec une réflexion stratégique sur les valeurs, les intérêts et les objectifs de l’UE dans les affaires internationales, car c’est ainsi, en envisageant avec méthode son propre avenir et sa position dans le monde, que l’UE sera mieux armée pour se réformer elle-même et aider à forger un monde meilleur et plus sûr pour tous
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