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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
MA MISSION « T.R. JEUNE » (3)
 

par Georges GASQUET

Nous reprenons le récit « dicté » de notre camarade dont nous avons publié les trois premiers chapitres dans les B.L. 123, 124 et 125.

Après un débarquement manqué à bord de " La Perle ", le 27 juin 1943, sur la Côte varoise notre camarade a été parachuté le 22 octobre 1943 près de Carcassonne et de là gagne Toulouse.

PREMIERS CONTACTS

Me voici à Toulouse. Mon premier souci a été de me loger. Fort heureusement, avant de partir d'Alger, Espardeilla qui devait nous rejoindre par la suite, m'avait donné l'adresse de son père. Il m'avait chargé de lui donner des nouvelles de son fils et suggéré de prendre contact avec lui car il pouvait m'aider. Le père d'Espardeilla était un ancien officier d'active. Il avait été embauché par la Société Nouvelle de Roulements à billes et avait à ce titre un dépôt avenue Carnot à Toulouse. Derrière ce dépôt, il y avait un petit bureau où il m'a proposé, très gentiment de m'héberger. Il appartenait déjà à un réseau de résistance et n'a pas voulu se mettre à mon entière disposition. Par contre, il m'a toujours rendu tous les services possibles et imaginables et notamment m'a permis d'acheminer mes premiers courriers sur Alger.

Ainsi installé, il me fallait prendre contact avec de Bonneval (1) .   Je n'avais pas ses coordonnées. On m'avait dit : « Vous vous débrouillerez pour le trouver ». J'avais pour ce faire la référence de Lherme, Inspecteur à la D.S.T. de Toulouse et celle du Commissaire Arsaguet. Le Colonel Paillole avait eu la bonne inspiration de me remettre une lettre pour sa mère qui habitait, place Saint-Georges à Toulouse. J'aurais dû la poster, mais j'ai préféré la porter moi-même en prenant toutes précautions et en me gardant bien d'aller voir cette dame. Je l'ai glissée dans sa boîte aux lettres. Bien m'en a pris car cela a été pour moi un excellent alibi par la suite.

D'Hoffelize (2) m'avait chargé de prendre contact avec un de ses amis qui était avoué à Toulouse, que nous appellerons en nom de code Lemaître. Je vais donc voir ce Monsieur. J'attends patiemment que les clients aient évacué l'étude, que les secrétaires soient parties et je suis enfin reçu. Ce personnage est suffisamment extraordinaire pour que je lui consacre plus tard tout un chapitre. Pour le moment, je me présente de la part du Rouquin (3) , lui sert les phrases qui devaient me servir d'introduction et je me heurte à un mur. Le gars sur la défensive, prend un air le plus bête et me fait marcher pendant une bonne demi-heure. Je ne me sentais pas très rassuré. A force d'insister, en lui donnant les références de Lherme, en lui disant que je recherchais le contact avec de Bonneval . Il me demanda de revenir le voir deux jours plus tard. Plutôt déçu, je revins au rendez-vous fixé. Je me trouve en tête à tête, non seulement avec Lemaître, mais avec Lherme. On recommence à me cuisiner très sérieusement. Si je n'avais pas eu la lettre pour Madame Paillole Mère, je l'ai su par la suite, Lherme m'aurait pris pour un provocateur et était bien décidé à m'embarquer.

L'épisode de la lettre les ayant ébranlés, Lherme me fixe rendez-vous pour le lendemain soir. Entre-temps, il est allé voir Mme Paillole qui lui a confirmé, qu'effectivement elle avait trouvé une lettre de son fils dans sa boîte à lettres, lettre récente, puisqu'elle datait d'à peine quelques jours. Cela a rassuré ce brave Lherme et nous sommes devenus les meilleurs amis du monde.

 

RENCONTRE AVEC BONNEVAL

Il accepte de me mettre en contact avec de Bonneval, me fixe rendez-vous sur je ne sais plus quelle Nationale, au Km N et là je fais connaissance avec de Bonneval. Je lui remets son courrier, son poste radio et les fonds qu'il attendait avec impatience. De Bonneval, me demande d'avoir le moins de contacts possibles avec lui, mais en cas de nécessité, de reprendre contact par l'intermédiaire de Lherme.

Première partie de ma mission accomplie.

Étant blanchi, je retourne voir Lemaître pour lui demander de me trouver un vélo et surtout une chambre dans un logement où il serait possible d'installer une antenne. J'étais reçu beaucoup plus amicalement que les fois précédentes. Lemaître me dit qu'il était disposé à m'aider, mais que j'étais un imbécile car ce n'était pas mon action qui allait faire finir la guerre un jour plus tôt : « Laissez faire la guerre aux Anglais et aux Américains et préoccupez-vous donc de ce qui va se passer à la Libération. »

J'étais un peu surpris. Bref, il me procure un vélo et finit par me trouver une chambre où il était effectivement possible d'installer une antenne. Il me tardait de prendre contact radio avec CASA. J'installe mon attirail et j'ai à peine le temps d'entendre l'indicatif me concernant que mon poste tombe en panne. Catastrophe ! je savais manipuler, mais j'étais bien incapable de dépanner un poste radio à part une panne tout à fait élémentaire. J'en fais part à Lemaître qui me dit : « Bon, je verrai avec Lherme. » Celui-ci m'informe que le poste de Bonneval est également en panne. Coïncidence curieuse ! Faut-il l'attribuer au parachutage un peu brutal ? Par la suite, de Bonneval me fait dire qu'il a trouvé un radio capable de dépanner un poste émetteur, ce qui ne courait pas les rues. Il me donne ses coordonnées et lui annonce ma visite. C'était, rue d'Alsace. Au magasin Radio indiqué, je demande le Monsieur en question.

 

EN MARGE DE LA MISSION

Les souvenirs de Gasquet ont ravivé ceux de son vieux complice du T.R. Jeunes, notre ami Sévère. Nous ne résistons pas au plaisir de publier sa lettre si spirituelle et émouvante aussi.

 

par Mr. SEVERE

« Je viens de lire avec très grand intérêt la suite de tes mémoires dans le Bulletin de l'amicale, le troisième avec cette plongée en eaux profondes, sans être à la recherche de corail, de mérous ou de toutes sortes de poissons rares. J'ai quelques oublis quant à certains détails secondaires :

« Et l'ombre qui sur toute ombre jette une ombre plus épaisse » Victor Hugo a dû écrire quelque chose dans ce genre.

Je crois cependant que ton récit a été sérieusement tronqué parce qu'il y avait de quoi écrire un vrai bouquin.

Arrivés à Alger pâles comme des cadavres et tenant à peine debout, nous avons passé la première nuit en gare d'Alger, dans un wagon-lit. La nuit suivante - et peut-être la deuxième, nous l'avons passée à l'Hôtel d'Angleterre. Je me souviens même d'un petit épisode : le matin, alors que nous étions encore au lit en train de récupérer, tu t'es levé en slip pour accueillir un visiteur, un officier supérieur, en civil bien entendu, que je ne connaissais pas. Tu avais l'air vraiment martial avec une partie de tes attributs qui sortait de l'entrejambes de ton slip. Après cet entretien qui a duré « un certain temps », je t'ai signalé le fait. Tu m'as répondu : « Espèce de con, tu n'aurais pas pu me faire signe ! ». Et comment te faire signe ?...

Un soir, pour ne pas rencontrer de collègues, suivant la consigne, nous sommes allés dîner dans un restaurant situé dans une petite rue adjacente et perpendiculaire à la rue d'Isly, au premier étage réservé aux gens « biens ». Nous en étions au dessert lorsque surviennent Doudot et Jacquot. Doudot qui voulait tout connaître de notre périple et aventure nous a demandé de les attendre pour aller boire une fine chez lui. Il nous a emmenés à son appartement. Après la « fine » notre hôte s'est mis à son piano et de sa voix de stentor (que je ne connaissais pas) nous a chanté tous les hymnes nazis de son répertoire... T'en souviens-tu ?

Et puis nous avons été logés dans une villa de Guyotville, proche du « Club des pins ». Il me semble que c'est avec toi que j'ai vu d'autres « collègues » sauter en parachute sur les dunes.

Tu m'as lâché au bout d'une semaine à peine pour aller vers ton destin, et j’aurais bien aimé t'accompagner... Tu as été remplacé par trois autres copains échelonnés... de Séghier, Pierrat et un aspirant de nos âges dont je n’ai pas retenu le nom... Tout ce monde est parti avant moi et je me demandais si j'allais rester moisir indéfiniment dans ce coin pourtant très agréable, proche de la plage de La Madrague.

Finalement, fin août, j'ai repris le sous-marin, l'" Aréthuse ", du même gabarit que " La Perle ", sans la moindre appréhension malgré l'incident de " La Perle " que  tu as magistralement raconté. Je peux te dire que le Pacha, Enseigne Vaisseau de 1ère Classe, était très bien, bien mieux que celui de La Perle, d'un sang-froid moins que débonnaire qui nous aurait fait débarquer  presque à pieds secs...

Voilà ce que je voulais te raconter... Par la suite, sur le sol métropolitain, je crois que nous nous sommes rencontrés une fois : nous avons dégusté une douzaines d'huîtres avec une bonne bouteille de Muscadet à la terrasse d’un estaminet du Vieux Port de Marseille. Je ne saurais te préciser la date, n’ayant pas tenu de carnet de marche. Je parle bien sûr de la période clandestine...

Par la suite nous nous sommes malheureusement peu rencontrés : à un congrès à Ramatuelle à l'occasion de l'inauguration de notre monument ; à une réunion exceptionnelle à Paris au sujet des évènements d'Algérie ; à un autre congrès à Paris en 1963, et puis, récemment, à Chamalières... C'est à peu  près tout. ...

 

(1) Ex-BMA de Châteauroux devenu Chef de Poste T.R. à Toulouse depuis le début de 1943.

(2) Chef de Poste T.R. à Toulouse jusqu'en octobre 1942, puis Chef de Poste à Barcelone.

(3) Pseudo de D'HOFFELIZE

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 127

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