logofb

 

 
 
line decor
Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
line decor
 

 


 
 
 

 
 
PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
LA MISSION BADEN-SAVOIE T.R. JEUNE (6)
 

par Elly ROUS

Après un séjour dans la région de Bordeaux, Elly ROUS alias SERRA poursuit sa mission avec, comme première étape, Marmande où il doit récupérer un poste émetteur polonais.

 

EN ROUTE POUR MARMANDE

En quittant GARIBALDI je me rendis, ce soir-là, rue de Bègles en vue d'effectuer mes derniers préparatifs de départ. Après avoir pris deux grands bols d'un bouillon campagnard de ma fabrication, je me couchai de bonne heure car je savais que la journée qui allait suivre serait particulièrement chargée.

 

Le lendemain, en effet, quand six heures sonnèrent, je me trouvais déjà en selle depuis près de vingt-cinq minutes et j'étais parvenu à l'extrémité des avenues Thiers et Jean-Jaurès à la Bastide. J'avais franchi divers passages à niveau et après avoir tourné au bas de Cenon, je longeai la rive de la Garonne en direction de la Tresne, Camblanes, Cadillac. Les quais Deschamps et de la Souys m'avaient paru plus dangereux, car on y rencontrait plus fréquemment des groupes d'uniformes vert-de-gris et notamment des éléments appartenant au Génie. J'avais évité également l'itinéraire normal par Talence, Gradignan, Labrède, Podensac et Langon, car c'était la voie généralement empruntée par les camions de l'armée ennemie. Finalement, tous mes calculs et la chance aussi il faut le dire semblaient me donner raison puisque je venais, à présent, de sortir de Bordeaux sans la moindre complication. Chemin faisant, je pensais à l'épreuve qui m'attendait - une longue et rude épreuve - qui cependant ne m'effrayait pas car dans mon esprit de sportif, elle constituait une sorte d'étape du Tour de France qu'il me fallait gagner à tout prix. Certes, j'avais à effectuer plus de deux cents kilomètres dans un temps infiniment moins honorifique, mais n'avais-je pas le handicap d'un vieux vélo routier, du poids de ma valise et plus encore d'une certaine catégorie de risques beaucoup plus graves que ceux qu'affrontent les champions cyclistes au cours de leur carrière.

 

Toutes mes idées et ces comparaisons me faisaient sourire...

 

Peu à peu cependant, j'en arrivais à entrer dans des considérations qui  intéressaient plus directement mon activité... BASTRADE, auprès de qui je devais récupérer le petit " piano " polonais que je lui avais laissé à l'aller avait fixé notre rendez-vous non à la Réole, chez lui, mais à Marmande plus précisément à quelques centaines de mètres avant la bifurcation de la route qui venant de Meilhan coupe celle de Casteljaloux peu après le grand pont suspendu qui enjambe la Garonne au sud de cette ville. Sans doute craignait-il d'être surveillé, car ses allées et venues commençaient, paraît-il, à devenir suspectes aux yeux de certaines personnes de son entourage, notamment d'un commerçant nouvellement installé dans la cité dont il avait de nombreuses raisons de se méfier. A l'origine, il devait venir avec son ami " l'Aigle Noir " qui devait l'aider dans cette tâche spéciale et périlleuse qui consiste à transporter un poste émetteur d'un lieu à un autre, mais ce dernier qui devenait de plus en plus pessimiste et qui vraisemblablement avait influencé son ami pour qu'il me rencontre hors de chez eux, lui avait fait savoir qu'ayant des papiers d'identité à procurer à des maquisards du secteur, il ne pourrait l'accompagner ce jour-là.

 

Compte tenu de ces modifications de dernière heure, j'avais élaboré un itinéraire assez compliqué qui, de Cadillac passait par Verdelais, traversait la Nationale, atteignait successivement Saint-Pierre, Gastet, Pondaurat et par , des petits chemins de campagne parvenait à Meilhan pour rejoindre enfin la route de Marmande au-dessous de la Garonne au lieu fixé pour notre rendez-vous.

 

Toujours aux aguets, mais en même temps l'esprit envahi par une foule de préoccupations assez disparates, je pédalais sans hâte mais régulièrement stimulé par une pluie fine persistante qui ruisselait sur mon visage et aurait pu faire croire que je pleurais à chaudes larmes. La grande habitude des longues randonnées me permettait à présent de doser convenablement et presque automatiquement mes efforts car je n'ignorais pas que j'aurais besoin de toutes mes forces pour parvenir aux multiples buts que je me proposais d'atteindre, notamment celui d'arriver dans la soirée dans une petite

localité au sud de Condom dans le Gers où je pourrais mettre mon poste en sécurité et me reposer un peu avant de repartir sur Maubourguet, Vic et les Pyrénées.

 

J'avais sur mon porte-bagages ma valise brune qui ne contenait rien de compromettant. Sans être absolument impeccables, mes faux-papiers ressemblaient assez à de vrais. J'avais appris par coeur les raisons de mon déplacement en vue d'un interrogatoire éventuel et seule une visite minutieuse de l'intérieur du cadre de ma bicyclette, à condition d'en avoir ôté la selle au préalable aurait pu m'attirer de très sérieux ennuis, car c'est à cet endroit précis en effet que se trouvait transcrite en lettres minuscules sur des petites feuilles de papier fin une grande partie de mes listes d'agents ennemis, de suspects et la documentation recueillie ces derniers jours à Bordeaux, l'autre partie ayant été transportée dans les mêmes conditions par mon ami JEAN.

 

Le temps s'était un peu amélioré quand j'arrivai à l'endroit fixé pour notre rencontre. J'avais parcouru une centaine de kilomètres, ne m'arrêtant que quelques courts instants du côté de Verdelais pour me désaltérer à une fontaine. Après Meilhan, j'avais suivi un moment un étroit sentier agréable qui longeait le canal. J'étais à présent assis dans un fourré, le vélo bien dissimulé à terre et je pouvais apercevoir, sans être vu, ce qui se passait sur la route.

 

LES RÉSISTANTS TROUVENT LE TEMPS LONG

Je me reposais depuis une dizaine de minutes à peine quand j'aperçus, juché sur une bicyclette vétuste et sans couleur mon ami BASTRADE qui avançait en regardant prudemment autour de lui et semblait inquiet de ne pas m'apercevoir. Je sortis aussitôt du taillis pour m'avancer à sa rencontre. Je dus apparaître si brusquement qu'il ne put s'empêcher de s'écrier: " Vous m'avez fait peur SERRA... " puis, plus calmement : " Y a-t-il longtemps que vous m'attendez ? "   Un quart d'heure à peine, comment ça va à la Réole ? " lui dis-je en lui tendant la main... " Assez mal... les arrestations se multiplient, les Allemands deviennent de plus en plus nerveux, irascibles ; des miliciens s'infiltrent dans des groupes de résistance qui sont immédiatement décimés... la vie des maquisards devient chaque jour plus compliquée ; les maquis sérieux, bien commandés manquent d'armes, ceux qui se planquent, qui jouent aux petits soldats ou commettent de dangereuses blagues en ont beaucoup trop et provoquent de terribles prises d'otages... ".

 

A ce moment, je fis une constatation qui tout à coup me consterna... " Mais vous n'avez pas apporté mon « piano " ?... Il ne me laissa pas achever et sourit : " Rassurez-vous, votre mallette est depuis hier soir en lieu sûr, chez un ami sur votre chemin, c'est-à-dire sur l'itinéraire que nous allons prendre et pas bien loin d'ici... il y a également les rapports et les renseignements que vous m'aviez demandés, nous allons aller les récupérer ensemble.

 

Je soupirai et le félicitai. Il rougit légèrement, sensible à mes compliment, puis enchaîna " J'ai pensé qu'il était plus intéressant de venir vous trouver sans rien de compromettant sur moi "... " D'accord, c'est bien, je vois que vous n'avez pas oublié que je dois me trouver ce soir aux environs de Condom "... " A présent, si vous le voulez bien, nous allons nous remettre tout de suite en route et nous pourrons d'ailleurs de temps en temps poursuivre notre conversation "...

 

Nous reprîmes la direction de Marmande. Peu après, nous arrivâmes à l'entrée du Pont de la Garonne. Deux hommes s'affairaient auprès d'un gros " gazobois " en panne ; ils ne prêtèrent aucune attention à notre passage. Sur les gros pavés de pierre qui remplacent le macadam à cet endroit et qui rendaient notre progression plus pénible, le vélo de BASTRADE faisait entendre un petit grincement métallique qui ressemblait un peu au cri d'un oiseau de nuit.

 

Après avoir traversé le carrefour de la nationale de Bordeaux, nous passâmes devant la gare où plusieurs camions allemands déchargeaient de lourdes caisses. BASTRADE me jeta un regard inquisiteur comme pour me dire " que faisons-nous ? Faut-il retourner ? "... je le regardai en souriant et lui glissai " nous n'avons rien à craindre "; rassuré, il se mit à pédaler de plus belle. Je ne pus m'empêcher de penser " heureusement qu'il ignore le contenu de mon cadre "...

 

Passé l'embranchement de Bergerac, nous étions bientôt sur l'avenue bordée de platanes qui précède le virage vers la route de Tonneins et quelques minutes après définitivement engagés dans cette direction. Nous étions à nouveau seuls. BASTRADE qui était venu à ma hauteur s'approcha de moi :

" Vraiment, SERRA, pensez-vous que les Alliés vont tenter un débarquement ? S'ils ne se hâtent pas, nous serons tous morts car l'étau se resserre de plus en plus... ". " Hélas, je ne suis pas dans le secret des Dieux et vous savez que ce genre d'information est particulièrement bien gardé... cepen­dant, tout me dit, surtout mon intuition, que cela ne saurait tarder... d'ailleurs, si les Fritz sont tellement nerveux, comme vous l'avez constaté, c'est bien parce qu'ils sentent que la partie est perdue pour eux... " Sans le convaincre totalement, ce raisonnement sembla l'apaiser. Il se tut un long moment comme pour méditer les paroles qu'il venait d'entendre.

 

ÇA VA MAL SUR LE " PLATEAU "

Nous passions à ce moment-là à la hauteur de Pardoux. Je roulais en tête. Une deuxième fois il revint près de moi et enchaîna " Vous avez sans doute raison, mais vous savez que j'étais à Lannemezan la semaine dernière chez nos camarades ; ça va mal, très mal sur le Plateau. MAZIC a été arrêté par la Milice avec quelques résistants et envoyé pour le moment à la prison Saint-Michel de Toulouse ; à cette heure-ci peut-être est-il mort ou déporté... on est sans nouvelles... le Docteur (il voulait parler de mon ami le Maire BARATGIN) poursuit la lutte avec quelques fidèles, REULET, BIARNAIS, MARCELIN... mais leur tour va venir... ils vous envoient leurs amitiés et voudraient bien vous voir.. "

 

J'écoutais sans mot dire ; j'avais déjà eu des renseignements qui recoupaient exactement ce que je venais d'apprendre. J'étais très peiné de l'arrestation de MAZIC particulièrement intrépide mais qui manquait quelquefois un peu de prudence comme je n'avais pas manqué de le lui dire à maintes reprises notamment au sujet de parachutes déployés dans sa cuisine quelques heures après une opération nocturne dans le secteur.

 

" Ils ont entendu votre message passé sur les ondes de la B.B.C. " SERRA a toujours raison " et ils ont constaté avec plaisir que leur communication est bien parvenue à Londres par vos soins et ils vous remercient ". Nous étions arrivés à présent à l'intersection d'un chemin qui plongeait vers le sud. C'est par ici me dit BASTRADE tandis que je lisais sur une borne Longueville 0,200 km. Nous avions bientôt dépassé cette localité et nous roulions maintenant vers Taillebourg à travers une voie étroite en assez mauvais état qui serpentait à travers des terres labourées. La campagne était déserte. A mon tour, me tournant vers BASTRADE " Je suis navré de tout ce que vous m'apprenez concernant mes amis de Lannemezan et je vais m'y rendre le plus rapidement possible ". Mon ami poursuivit: " Avec l'Aigle Noir et quelques amis nous avons dressé les listes que vous m'aviez demandées concer­nant certains services allemands et des suspects... nous avons pu repérer deux voitures gonio bâchées qui venaient d'Agen, relever leurs caractéristiques et leurs immatriculations ". Je le complimentai à nouveau et le remerciai " Vous avez fait du bon travail BASTRADE "... Il feignit de ne pas avoir entendu ces derniers mots. Je le sentis tout à coup plus inquiet ; sans doute pensait-il à ce qu'il venait de m'apprendre au sujet de nos amis communs des Pyrénées.

 

Nous venions de dépasser Taillebourg et de tourner à gauche après un petit cimetière. Pour ne pas le laisser sombrer dans de tristes pensées, je poursuivais à mon tour " on voit bien que vous avez un vélo du tonnerre "... cette fois, il ne put s'empêcher de rire franchement " ne vous fichez pas de cette bécane qui a été une des plus belles et des plus solides de son temps lança-t-il... il s'agit d'une Hirondelle de Saint-Etienne... ". " Espérons que contrairement au dicton celle-ci fera bientôt le printemps dis-je en souriant "...

 

UNE HALTE BIENFAISANTE

Devançant alors ma pensée, mon ami me fit signe de la main de ralentir " nous allons arriver reprit-il, ne vous impatientez pas, vous pensez que si j'ai choisi ces petits chemins de campagne, c'est que j'avais mes raisons. Ces jours-ci, on a demandé les papiers d'identité dans de nombreuses localités de la région et en particulier à l'entrée de Fauguerolles, alors il valait mieux éviter ce coin-là... d'ailleurs, vous pouvez déjà apercevoir là-bas à gauche la maison où nous nous rendons "... En effet, une maison basse apparaissait en retrait dans les taillis. A quelques mètres d'elle s'élevait une de ces grandes baraques brunes reconnaissable à ses côtés flanqués de lamelles de bois où les cultivateurs entreposent les feuilles de tabac pour les faire sécher. " Je vais passer devant me dit alors BASTRADE ; quand je reparaîtrai sur le pas de la porte cela signifiera que vous pouvez vous approcher sans crainte ». " D'accord répondis-je ".

 

Je le laissai me dépasser et tandis que je mettais pied à terre je le vis entrer dans la petite allée qui menait à la maison. Mon attente ne fut pas longue. Deux minutes après, il était sur le pas de la porte près d'une autre personne et me faisait signe de le rejoindre.

 

BASTRADE me présenta un petit homme mince d'une cinquantaine d'années le visage anguleux, la tête surmontée d'un immense béret landais qui le faisait un peu ressembler à une grande " couloumelle ". " Heureux de vous connaître... je vais aller vous chercher vos colis, mais auparavant vous prendrez bien un petit Armagnac... Entrez... " et il ajouta: " Rien de meilleur pour vous tenir en forme... ". Je n'étais pas tout à fait de cet avis, mais connaissant la susceptibilité des paysans, surtout quand il s'agit de déguster leur armagnac, j'acceptai sans trop hésiter son aimable invitation.

 

Nous entrâmes dans une vaste pièce simple et rustique. Dans la cheminée une marmite pendue à la crémaillère ronronnait sur un feu de bois. Affalé sur le carrelage, un épagneul dormait tout près d'un banc ; perché sur un vieux bahut, un chat nous regardait attentivement.

 

Pendant que je contemplais cette sympathique scène campagnarde, notre hôte s'était absenté un court instant et revenait à présent porteur d'un grand sac de jute qu'il remit à BASTRADE. Je compris que tout ce qui m'intéressait était enfoui dans ce sac. Je ne m'étais pas trompé. BASTRADE sortait avec de multiples précautions ma mallette entourée de chiffons et une boîte métallique semblable à ces boîtes de biscuits d'autrefois dans laquelle il avait dissimulé ses renseignements. Son ami qui nous avait priés de prendre place auprès d'une longue et étroite table de chêne était allé prendre une vieille bouteille plate dans une bonnetière à pointes de diamant au fond de la pièce ; dès qu'il l'ouvrit, un parfum caractéristique se répandit autour de nous. Lentement, il versa dans nos verres une bonne rasade d'un liquide brun et doré qui sentait la prune... " Vous m'en direz des nouvelles " dit-il en clignant de l'oeil et il poursuivit " Vous avez bien fait d'éviter Fouguerolles et la nationale de Tonneins car on y rencontre souvent ces salopards de chemises bleues (c'est ainsi qu'il désignait la Milice). On m'a dit que vous alliez vers Condom; dans ce cas, je vous déconseille aussi Nérac ". " Je pourrai bifurquer à Lavardac et après Barbaste aller sur Mézin pour arriver à Condom par Fouries et Larroque, mais ce sera un peu plus long ".

 

UN " PIANO " DANS LA VALISE

BASTRADE qui ne quittait pas le poste des yeux avança " La semaine dernière ça n'allait pas très fort par ici m'a-t-on dit à la Réole "... son ami reprit " c'est exact, d'ailleurs assurez-vous avant d'arriver au Pont du Mas d'Agenais s'il n'y a pas une sentinelle. Plusieurs fois ces derniers temps, non pas la Milice mais les Allemands ont surveillé ce passage, mais cette surveillance ne s'effectue pas régulièrement. Vous pourrez d'ailleurs vous en assurer de loin car dès que vous aurez tourné sur votre droite, vous pouvez voir assez loin devant vous... Je vous conseille de ne pas passer par Senestis que vous allez laisser non loin d'ici, continuez à droite, vous déboucherez à une cinquan­taine de mètres du pont. Si jamais vous décidiez de ne pas passer, revenez par ici me trouver, je vous accompagnerai par Caumont ".

 

Je le remerciai très chaleureusement de ses renseignements et de son offre. J'aurais voulu pouvoir goûter plus longtemps le charme qui se dégageait de cette ambiance rustique, mais le tic-tac régulier du balancier de cuivre qui scandait les secondes non loin de nous semblait me rappeler tout à coup que le temps qui m'était imparti était terminé et qu'il me fallait me remettre en selle.

 

Je rangeai le poste dans ma valise sous mon linge ainsi que la boîte de fer. Je serrai les courroies de cuir qui retenaient mon précieux chargement sur le porte-bagages. Nous sortîmes tous les trois. Le chemin était désert. " Vous ne rencontrerez pas grand monde par ici dit notre hôte en nous quittant... Bonne chance "...

 

BASTRADE me regarda en esquissant un sourire et me glissa à l'oreille " je sais que vous n'aimez pas entendre ces mots ". " C'est exact » lui dis-je... Le fermier nous fit de loin un grand geste d'adieu.

Une minute encore je discutai avec mon ami, je lui indiquai que, sauf un coup dur imprévisible, je serais de retour dans un mois environ. Je lui promis de le faire prévenir à l'avance si je le pouvais par l'un de nos agents. Je lui recommandai la plus grande prudence, bien que ces recommandations soient pour lui un peu superflues. De son côté, il pourrait laisser à Lannemezan ou à Vic-de-Bigorre, en lieu sûr, une commission pour moi en cas d'urgence. " Courage, nous approchons de la fin " lui dis-je enfin pour le réconforter. Il me serra longuement la main, sourit un peu mélancolique et reprit le chemin en sens inverse vers Taillebourg et Marmande où il devait prendre le train de la Réole. " A bientôt, SERRA, je l'espère "... murmura-t-il visiblement ému. Je le vis se retourner plusieurs fois pour me faire un signe amical de la main. Tout était calme, un vent léger passait sur la campagne comme un grand frisson...

 

Je ne sais si c'était l'effet du petit verre d'Armagnac, mais je pédalais à présent vigoureusement. Autour de moi des champs de maïs et des peupleraies s'étendaient à perte de vue. Plusieurs perdreaux passèrent au ras du sol devant mois. J'évitai Senestis comme me l'avait conseillé le fermier et quelques instants après j'aperçus la grande route rectiligne de Fauguerolles vers le Mas d'Agenais. Je tournai avec précaution et constatai avec plaisir que droit devant moi le grand ouvrage métallique avec ses trois grandes arches de pierre et ses câbles suspendus était absolument libre. Personne à l'horizon. Heureux de cette constatation, je me dressai un peu sur ma selle pour mieux appuyer sur les pédales et gravir le petit raidillon qui précède l'entrée du pont.

 

 

 

 
Début / Suite / Haut de page
 

 

Article paru dans le Bulletin N° 92

Dépot légal - Copyright

Enregistrer pour lecture hors connexion.

Toute exploitation, de toute nature, sans accords préalables, pourra faire l'objet de poursuites.

Lire l'Article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle. - Code non exclusif des autres Droits et dispositions légales....