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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
HUBERT VORAGE : PRÊTRE ET SOLDAT (5)
 

Un sauvetage " in extremis "

Les nécessités de la mise en page nous ayant conduits à interrompre (page 20 du n° 31), cet émouvant récit, nous en donnons aujourd'hui la fin.

ET HENRI ÉTAIT LA... VIVANT !

Ils s'éloignent. " NORBERT " n'a pas le courage de les suivre. C'est fini. Il est désespéré. Il ne reverra pas HENRI. Le médecin belge avait raison : Lasciate ogni speranza.

C'est alors que se produit le miracle ! Au fond de la cour, un fantôme qui passait s'est retourné pour regarder le groupe ranimé par l'Aumônier. Il a vu celui-ci. De toutes ses forces, il se hâte vers lui. " NORBERT " le regarde venir. Son coeur bat à se rompre. Dans ce corps misérable, dans cette figure décharnée où les yeux mêmes semblent ne plus vivre, il a reconnu HENRI.

- Ah ! Monsieur le Curé, s'écrie le garçon, je savais bien que vous alliez venir ! Je l'ai déjà dit aux copains. Je n'ai plus que les os et la peau. Mais le coeur bat toujours.

A peine a-t-il parlé qu'il s'écroule, évanoui. " NORBERT " l'embrasse. Le jeune homme ouvre les yeux. Quelle peine pour le remettre debout ! Il faut le laisser immobile un instant avant de le traîner vers une baraque où une chaise et un petit banc peuvent recevoir le père et l'enfant adoptif. Pendant de longues minutes, ils se regardent assis en face l'un de l'autre, sans dire un mot. L'Abbé " NORBERT "  parle le premier

- Tu vois, je suis venu te chercher. Je vais t'emmener en voiture, tout de suite. On va te soigner. Toutes tes misères sont finies.

- Merci, répond HENRI dans un souffle. Mais je ne sais pas si je pourrai survivre à tout cela.

Cependant, il faut partir. Mais comment ? Par la fenêtre du local, l'Abbé voit passer le médecin belge. Un stratagème est bientôt trouvé.

- Je suis chargé, dit le docteur, d'évacuer ceux qui n'ont aucune chance de survivre. Je vais donner un billet qui vous permettra de sortir avec votre protégé. Mais auparavant, je serais heureux que vous disiez quelques mots aux  1.284 déportés français, belges et luxembourgeois du bloc 86.

L'Aumônier court haranguer ces fantômes. Il est accueilli par des vivats et hissé sur une table

" Chers camarades, pas de discours, nous avons la Victoire et je vous apporte le salut de la France. Je ne vous donne qu'un mot d'ordre : du courage, plus que jamais, puisque vos misères touchent à leur fin. Et puis deux consignes. D'abord, au nom de tout ce qui vous est cher, ne cherchez pas à vous évader d'ici. Les secours sont là. En même temps que moi, est arrivée la Croix-Rouge de Genève. Dans quelques jours, vous serez rapatriés. Vous allez m'écrire sur n'importe quel bout de papier, votre nom et l'adresse de vos proches. Je rassemblerai tous ces bouts de papier et les transmettrai au service d'information qui fonctionne à l'Hôtel Lutétia, à Paris. Toutes vos familles seront averties par radio. "

Parmi les déportés qui l'écoutent, se trouve un chef communiste, MARTIN, député de Reims, qui enjambe la table à son tour pour remercier l'aumônier. Mais " NORBERT " n'a plus qu'une pensée : évacuer HENRI !

Il l'emporte dans ses bras, tout en tenant à la main le billet qui doit lui permettre de franchir la porte du camp, d'abord, et puis celle du Revier, où les moribonds peuvent agoniser tout à leur aise.

Naturellement, dès qu'il a passé la première, il laisse, à droite, la porte d'où l'on ne revient pas et se rue, à gauche, vers l'escalier qui le ramène à la jeep.

Dans un vacarme joyeux, dans un terrible nuage de poussière, la voiture démarre. Au bout d'un kilomètre, il faut s'arrêter. Le rescapé ne peut supporter les trépidations, il s'affaisse. L'Abbé trempe son mouchoir dans l'essence du réservoir et en frotte les tempes d'HENRI. Au prochain village, il fait arrêter. C'est là qu'on passera la nuit. Voici l'église, le presbytère. Portant HENRI dans ses bras, il fait irruption chez le curé. C'est un vieillard à cheveux blancs, grand, obèse.

-- Heraus ! lui crie " NORBERT " de sa voix de tonnerre.

Le curé s'enfuit au fond du jardin. Sa soeur, moins peureuse, s'arrête à la cuisine. Déposant HENRI dans un fauteuil, " NORBERT " la rejoint. Il lui fait chauffer de grandes bassines d'eau. Avec son aide et celle de son chauffeur, il entreprend de laver HENRI. Il est couvert d'une vermine invisible et maligne. La ficelle qui maintenait sa guenille a laissé sur son ventre un sillon noirâtre. Et les soigneurs sont bientôt envahis à leur tour par les répugnants insectes.

Il faut aussi alimenter le rescapé. L'Abbé court au jardin, y déterre quelques légumes pour composer un potage. Couché dans un lit aux draps frais, HENRI avale deux tasses de potage.

 " NORBERT " y ajoute un bout de chocolat, une tranche de cake. C'est trop pour un estomac qui a perdu l'habitude de la nourriture.

Au milieu de la nuit, l'infortuné est pris de douleurs épouvantables. L'Abbé, qui le veille, lui voit rouler des yeux horribles, comme s'il allait trépasser. Il court chez un médecin, loin de la maison.

 C'est un vieil homme. Il invoque son âge et ses rhumatismes pour refuser de venir. Mais il compose un onguent qui, dit-il, fera merveille. L'Abbé l'emporte, furieux. Mais le vieux toubib n'a pas menti. L'onguent apaise les douleurs d'HENRI, qui peut se rendormir.

Au matin, on repart. Nourri d'eau sucrée, habillé de neuf, HENRI a meilleure allure. Les routes sont toujours aussi encombrées, on ne roule qu'à petite allure et il faut faire étape près de Passau.

Il y aura deux jours de voyage encore, avec une étape à Nuremberg et une autre à Cassel. Ici comme là, les soins d'un médecin américain assurent un nouveau progrès dans le rétablissement d'HENRI.

Et enfin, c'est le retour à Dingen. L'aumônier et son pupille y reçoivent une manière de triomphe. Tout le camp est en émoi. Officiers, pilotes, mécaniciens adoptent le nouveau venu, lui endossent l'uniforme de la R.A.F., lui font mille gâteries.

Lorsqu'en septembre, l'Abbé " NORBERT "  le ramènera avec lui à Beaurières, HENRI sera redevenu complètement lui-même.

Épilogue

Quelques années plus tard, au presbytère de Beaurières, un déjeuner de 84 couverts réunissait un groupe d'anciens de la 145 Wing. Il y avait là plusieurs hôtes de distinction, notamment l'Attaché de l'Air britannique auprès de l'Ambassade d'Angleterre et le Général Valin, Inspecteur Général de l'Armée de l'Air.

A l'heure des toasts, l'Abbé " NORBERT " prit la parole :

- Grâce à vous, messieurs, il y a ici un homme et une femme qui forment un ménage heureux, et les cinq cents habitants de Beaurières peuvent chaque matin manger du pain frais.

Alors un petit garçon s'avança, les bras chargés de fleurs. C'était le premier fils d'HENRI.

FIN

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 32

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