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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
LA SÛRETÉ AUX ARMÉES A L'OEUVRE EN NORMANDIE
 

Normand d'origine, natif du Havre, marié à Caen en 1937 et condamné à mort par contumace dans cette même ville en 1940 pour le meurtre d'une sentinelle au cours de son évasion de l'Oflag VII A de Stuttgart, J.-M. LECACHEUR nous livre ici le récit anecdotique de l'arrestation par la Sûreté aux Armées du premier agent radio laissé par les Allemands, dans la zone du débarquement.

CHERBOURG JUIN 1944

Commissaire de Police (par accident!), je suis à Londres avec une petite équipe de policiers, un commissaire et six inspecteurs OPJ sous les ordres du Capitaine Cann qui commande le BSM en liaison avec la Première Armée Américaine.

Ces unités créées à la demande du Commandant Paillole, Directeur de la Sûreté Militaire sont sous les ordres du Colonel Jean Haye et ont pour mission d'assurer la sécurité dans la zone des combats en arrêtant les " dormants " laissés sur place par les Allemands, de surveiller l'épuration faite par les CIC Américains qui ont créé des " cages d'armée " où ils internent tout ce qui leur paraît suspect et surtout suivent les nombreuses dénonciations qu'ils reçoivent. (Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet), et enfin de mettre en place les premiers embryons de la Surveillance du Territoire.

 

Quand les Alliés ont attaqué Cherbourg, comme j'avais fait mes six mois d'EOR dans cette ville, le Capitaine Cann m'y a envoyé en mission.

Je me suis donc retrouvé dans une cité meurtrie avec les premiers éléments qui terminaient la prise de la ville.

Il me fallait créer d'urgence une " Brigade de Surveillance du Territoire " avec un commissaire et des éléments sûrs.

J'ai commencé par réquisitionner un bureau près de la Préfecture et nommé mes éléments avec l'accord de Londres, via le BSM, et des RG Locaux.

Le premier jour, je recrute une secrétaire. Française d'origine espagnole, elle se nomme Isabelle Martinez. J'ai toutes garanties à son sujet.

 

On s'installe et je reçois la visite du Colonel Rémy qui recherche les éléments de son ancien réseau ; nous faisons le point et échangeons nos informations, Puis la visite de mon vieil ami, Gilbert Guillaume, TR dans la zone, avec un Américain Bob Michaelis de l'OSS (ancien patron du Vel d'Hiv à Paris).

Gilbert me dit qu'il a un " tuyau " qu'il faudrait exploiter d'urgence, mais qu'il ne peut m'aider parce qu'il est sur une autre affaire.

Les Allemands auraient laissé sur place un agent avec poste émetteur chargé d'envoyer des renseignements sur le port. Son nom : Gonzalès, son pseudo sans doute Frutos.

 

Consonances de noms espagnols : je demande à Isabelle si cela ne lui dit rien.

Si, me dit-elle, son père connaît bien un Gonzalès qui a vécu sous l'occupation à Cherbourg, fait de nombreux voyages sur Paris et semble avoir des moyens... Il travaille maintenant à l'Arsenal dans les bureaux.

J'emmène Isabelle dans ma traction avant, et nous allons à l'Arsenal.

Six heures : sortie des bureaux. Isabelle me désigne de loin " mon " Gonzalès, petit bonhomme anonyme qui part seul dans la rue.

Je descends, le suis, puis le frôle et lui dis en lui appuyant mon colt sur le côté « Frutos ? » L'homme est interloqué.

" Marche devant, je te suis, nous allons à la Citroën qui est là-bas... Il monte et je m'installe à côté de lui toujours le colt discrètement à la main.

Je conduis d'une main. Au bureau, je commence l'interrogatoire.

Cela va assez vite. Il commence par nier tout et ne rien comprendre. Je le menace d'appeler du renfort et de faire prendre un tour moins amical à notre discussion.

Il se décide à avouer. C'est vrai il a eu des relations avec les Allemands, mais n'avait plus l'intention d'obéir, au contraire, il voulait rapidement tout raconter à la police française. Mais de poste émetteur pas question.

Je tombe la veste et accentue un peu la pression en commençant par les menottes dans le dos.

Je lui propose ce qui se fait toujours en pareilles circonstances : les aveux contre la promesse d'une grande indulgence.

 

Nous partons chez lui où j'ai appris qu'il vit seul, et commence ma perquisition je ne trouve rien dans ses papiers. Je visite la cave, le grenier... toujours rien, et pas d'aveux, mais un petit air triomphant qui me déplaît souverainement

Je me fâche et très vite devant mon mètre quatre-vingt, il reconnaît qu'il a suivi des cours et qu'il y a effectivement un poste émetteur (dont il n'avait évidemment pas l'intention de se servir). Il est caché dans le grenier du voisin. Une fausse clé sous une poutre, et nous trouvons la valise avec le poste, le quartz et le code. D'ailleurs, dit-il, il ne sait pas encore s'en servir. Il n'était qu'un élève... pour plus tard...

Ouf ! nous pouvons maintenant être amis... s'il me raconte tout, ce qu'il fait gentiment. Il sait en effet manipuler... C'est fou ce que la mémoire peut revenir dans certains cas !

 

Vers six heures du matin arrive Gilbert Guillaume qui affine l'interrogatoire et nous prévenons Londres qui nous enverra vers neuf heures un jeune Colonel de l'I.S. qui prend livraison de l'ensemble avec toujours la plus extrême discrétion.

L'affaire Frutos est bouclée et je viens d'arrêter mon premier agent sérieux avec poste émetteur dans la zone du débarquement.

 

Je saurai par la suite que Frutos était de retour chez lui le soir même et qu'il émettait vers son mandant Allemand sous le contrôle de nos services.

J'ai entendu dire qu'il avait attiré un sous-marin allemand devant Cherbourg, naturellement attendu et envoyé par le fond... mais je ne le garantis pas.

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 194

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