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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
INAUGURATION DE LA PLAQUE COMMEMORATIVE SUR l'IMMEUBLE OCCUPE PAR LE S.R.O. (en septembre 1944)
 

Allocution prononcée en 1988 à Besançon

Par  le colonel Paul PAILLOLE

Honorons leurs mémoires Il y a déjà trois ans, deux des nôtres, parmi les plus grands, nous quittaient: le Colonel Léon Simoneau, notre Secrétaire général et le Colonel Michel Garder, Secrétaire général adjoint chargé de notre bulletin.

En hommage au rôle et à la place qui furent les leurs, voici pour le Colonel Simoneau le récit, par le Colonel Paillole, de son action à la tête du S.R.O. de la première Armée du Général de Lattre, et pour le Colonel Garder, sur un tout autre registre, un rappel de son talent d’analyste géopolitique des pays de l’Est et de sa vision prémonitoire de l’évolution du monde soviétique dont, dès 1965, il prévoyait déjà la fin.., bien avant tout le monde.

 

Nous sommes à la mi-septembre 1944. 700 Km de course échevelée. 4 semaines de combats victorieux mais éprouvants : Toulon, Marseille, Autun, Dijon. La première Armée française doit reprendre son souffle, assurer sa maintenance, achever l’amalgame avec les F.F.I. C’est d’ici que son commandant en chef, le Général de Lattre décide de rassembler ses forces et de préparer la phase finale de la libération de notre pays.

L’affaire sera rude. Elle doit être décisive. Churchill et de Gaulle qui en ont conscience, viennent à Besançon à la veille du terrible hiver 1944-45, apporter à nos soldats le réconfort de leur confiance. Condition première du succès des opérations à venir: la connaissance de l’ennemi.

Un ennemi désormais regroupé, renforcé, galvanisé par les consignes sans appel d’un Führer aux abois. C’est donc d’ici que de Lattre lance chez cet ennemi arc-bouté sur ses ultimes défenses vosgiennes et alsaciennes, cet éclaireur de fond qu’est le S.R.

Oui, mais pas n’importe quel S.R. Le S.R.O. dont il dispose depuis Alger, est une création originale, sans précédent, dans notre histoire contemporaine. Sa conception résulte autant des besoins d’une guerre de mouvement que des circonstances imposées par l’occupation de notre territoire.

A ses ressources propres, rassemblées en A.F.N., le S.R.O. doit ajouter, au fur et à mesure de son avance, les ressources de la résistance métropolitaine et tout particulièrement celles des S.R. clandestins issus de l’Armée qui depuis bien avant la guerre, n’ont jamais cessé d’être aux trousses de l’ennemi et d’en dénoncer les intentions et les actes.

L’amalgame des sources et moyens de renseignements, tel fut l’un des secrets de la réussite du S.R.O.

Réussite totale que concrétise la lettre de félicitations adressée le 17 octobre 1944 par le Haut Etat-major allié au chef du S.R.O., le Commandant Simoneau, publiée dans un précédent bulletin.

C’est bien ce que cette plaque symbolise à l’emplacement même où le S.R.O. en possession de tous ses moyens se lance vers cette étape décisive pour l’avenir de nos Armées et de la France. Elle est aussi, cette plaque, un hommage discret mais combien nécessaire à une équipe ardente trop souvent ignorée lorsque se sont comptabilisés les facteurs de victoire. C’est enfin le rappel de tout ce que l’on doit à ce chef exceptionnel, expérimenté, rigoureux et humain, que fut le Colonel Simoneau.  

 

Le Colonel Simoneau et le S.R. Opérationnel de la première Armée française

Léon Simoneau est décédé le 7avril 1993. Jusqu’au dernier souffle il a gardé sa lucidité et son exceptionnelle mémoire. L’épopée de la première Armée française y avait sa meilleure place. Saint-Cyrien comme moi (promotion 1925-1927), nous nous étions retrouvés capitaines dans les services spéciaux de l’Etat-major de l’Armée. C’était en 1938. Lui à Metz, moi déjà en fonction à Paris depuis 1935.

L’effroyable débâcle de 1940 allait forcer notre destin et le rendre plus intime. Le 26juin 1940, avec notre patron, le Général Louis Rivet, devant le monument aux morts de Bon-Encontre (près d’Agen), nous jurions de poursuivre clandestinement notre lutte contre l’Axe.

Lui, de Vichy, va lancer en juillet 1940 nos premiers agents de recherche en France occupée tandis qu’il renoue progressivement les fils de nos réseaux de renseignements au-delà des frontières. Il organise nos liaisons avec les Alliés.

L’occupation totale de la métropole, en novembre 1942, va le contraindre à poursuivre sa mission sous la menace de plus en plus pressante d’un ennemi toujours plus dangereux. Début 1943, il est réclamé à Alger par le Général Rivet et son adjoint le Colonel du Crest de Villeneuve.

Nos services de renseignements et de contre-espionnage se reconstituent officiellement. Il faut à leur tête des techniciens hautement confirmés. Après la trahison de Bousquet dénonçant à Oberg la Source K, Simoneau se sent de plus en plus menacé il reçoit l’ordre de se mettre à l’abri; la plupart de ses camarades sont d’ailleurs arrêtés et déportés. II réussit à s’évader par l’Espagne et à rejoindre ses patrons rue Charras à Alger.  

 

La préparation du débarquement Une phase nouvelle de l’activité du S.R. s’ouvre à lui. La perspective de la libération de la France devient sa préoccupation majeure. Il faut donner aux commandements français et alliés les moyens de préparer au mieux leurs opérations militaires: il faut renseigner, renseigner à tout prix, avec objectivité, précision, méthode.

Dès lors, il assure et multiplie les contacts avec la métropole occupée, lance d’audacieuses missions de recherche, par sous-marins, par avions, par l’Espagne.

L’héroïque travail de nos réseaux clandestins est exploité. Des échanges fructueux sont établis avec les services spéciaux alliés, conquis par la compétence, la franchise, le charme agrémenté d’humour de Simoneau. L’heure de la délivrance approche.

Le Général de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire de la République et chef des Armées a, désormais, seul, en mains les destinées de la France. Il a conscience de l’importance du renseignement et de la sécurité. Il entend aussi imposer le respect de la souveraineté française dans les territoires libérés et sait, à ce titre, tout le prix que représente chez nos alliés le prestige des services spéciaux traditionnels de l’Armée et la qualité de leur professionnalisme.

Il va s’appuyer sur eux. Le 24 avril 1944, il me confirme officiellement dans mes fonctions de chef du contre-espionnage et de directeur de la sécurité militaire en toutes zones. Il me donne mandat de négocier avec le Haut Etat-major allié (Général Eisenhower) les conditions d’action des services spéciaux français et alliés dans les territoires libérés.

Le 3 mai 1944, de Gaulle convoque à son tour Léon Simoneau et lui confie la charge du " Service de Renseignement Opérationnel " (S.R.O.). C’est une institution nouvelle, sans archives, ni traditions; il faut tout créer en quelques semaines. Le S.R.O. dans la préparation et l’exécution du débarquement.

Depuis son arrivée à Alger, Simoneau vivait dans cette perspective, sans cependant imaginer, ses patrons Rivet et de Villeneuve évincés, qu’il lui incomberait l’écrasante responsabilité de structurer un tel organisme, de le faire vivre pour répondre au mieux aux exigences des commandements en opérations. Certes, il disposait désormais des moyens de recherche en territoire occupé : ceux de nos réseaux clandestins (Kléber, S.R. Air et Marine), ceux du B.C.R.A., des Forces Françaises Combattantes, etc... mais il lui fallait prévoir une organisation spécifique, à base d’antennes de recherche incorporées dans toutes les grandes unités françaises engagées, disposant de moyens matériels et surtout de transmission adaptés à leurs missions.

Si, dans la préparation et l’exécution du plan Overlord (débarquement en Normandie), le S.R.O. apporta une importante contribution, ce fut en Italie et surtout en France que le S.R.O. de Simoneau eut un rôle capital.

Mis à la disposition du Général de Lattre pour les opérations en France, il lança dès juin 1944 des recherches approfondies sur le sud-est de la France. Une documentation générale sur cette zone fin rassemblée, tandis que l’ordre de bataille de l’ennemi était établi et suivi avec une étonnante précision. Ainsi fut permis avec un maximum d’efficacité le débarquement de Provence du 15 août 1944, les contacts avec les informateurs des réseaux clandestins furent pris dès la bataille de Toulon, puis de Marseille.

La jonction S.R.O. - S.R. Kléber se fit à Mâcon, tandis que peu à peu nos agents de renseignements clandestins venaient s’incorporer et enrichir le S.R.O. de leurs connaissances et de leurs expériences.

 

Le S.R.O. en action en France et en Allemagne La première Armée française est à l’entrée de la Haute-Alsace et de la trouée de Belfort à la mi-septembre 1944. Elle a une avance considérable sur son programme. Son ravitaillement en souffre, tandis que s’établit la délicate fusion (amalgame) avec les Forces Françaises de l’Intérieur.

Il faut marquer une pause. Léon Simoneau en profite pour baser son P.C. à Besançon et rajuster ses moyens. Outre l’incorporation des agents de réseaux, le S.R.O. établit des liaisons avec le poste S.R. de Berne (Bruno) dont quelques officiers renforcent ses antennes en Haute-Alsace et en Allemagne du Sud.

Plusieurs opérations de parachutage et d’infiltrations sur les arrières profonds de l’ennemi sont développées par Simoneau pour compléter le travail de ses antennes de contact. Ainsi les missions “Carolles” de J.-M. Bressand (région de Belfort et Haute-Alsace), “Panzer” de Roquemaurel et Le Bailly dans le Wurtemberg, complètent les informations indispensables au commandement de la première Armée française.

 

En février 1945, après la victoire de Colmar, Simoneau établit son P.C. à Rosheim près de Strasbourg. Il lance ses antennes dans les zones d’opérations en Allemagne incombant à de Lattre, tandis qu’il anime près de lui une section d’exploitation, une section d’instruction et une section scientifique qui s’efforcera de faire le point sur les connaissances allemandes en physique nucléaire et en chimie bactériologique.

La moisson est riche spécialement après la découverte à Tübingen de documents et matériels relatifs à l’énergie nucléaire que Joliot-Curie lui-même vint étudier aux côtés de Simoneau.

 

La capitulation de la Wehrmacht marqua la fin du S.R.O. Une partie du personnel fut démobilisé et une centrale S.R.O. réduite s’installa à Gernsbach dans le cadre du partage de l’Allemagne en zones d’occupation par les Alliés.

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 169

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