| Par J-C F.  Deux anniversaires marquent cette année, soulignant deux événements dont   	nous payons encore les conséquences. Il y a quatre-vingts ans la première   	guerre mondiale embrasait la planète.  Il y a cinquante ans avec le   	débarquement et la Libération de notre pays, la fin de la seconde guerre   	mondiale s’engageait. Les temps que nous vivons, les drames qui   	ensanglantent notre continent tirent leur origine des suites immédiates de   	ces deux guerres.   	   	Les traités que secréta l’issue du premier conflit, tel celui de Saint-Germain, qui, brisant l’empire austro-hongrois, crée la Tchécoslovaquie et   	la Yougoslavie, réveillèrent le vieux démon des nationalités.  Un temps sous   	la chape de plomb de l’emprise soviétique, le voici soudain à l’air libre,   	asphyxié par l’économie de marché, stimulé par l’instantanéité des moyens de   	communication, encouragé par l’effondrement des valeurs morales et rongé par   	l’accumulation des vieilles haines.   	Stupéfaites, empêtrées dans leurs contradictions et vautrées dans un confort   	facile, les « grandes puissances se voulant conscience ou gendarme du Monde   	», trébuchent, atermoient et finalement baissent les bras. Leur accoutumance   	au « partage du monde » les a rendu myopes au point d’ignorer insolemment   	les enseignements du passé.  Au motif que l’histoire ne saurait se   	renouveler, elles découvrent, abasourdies et choquées une situation   	inimaginable et insoupçonnée, néanmoins prévisible.   	   	 De Sarajevo à Sarajevo, le XXe siècle s’est « mis entre parenthèses » au   	prix de centaines de millions d’êtres humains massacrés, torturés, déportés   	ou réduits à l’esclavage.   	   	 A ce jour, statu quo ante, retour à la « case 1900 », retour aux crises et   	problèmes éternels. Pour n’avoir retenu de l’histoire que le fameux « sens »   	qui faisait les choux gras d’apprentis agitateurs, notre époque constate, un   	peu tard, qu’au banquet de la vie, si l’Histoire ne repasse pas les plats,   	le menu reste quasi immuable tant l’avidité des commensaux procède   	d’instincts invétérés.  Ni l’apparat des lieux, ni l’élégance du service, ni   	la richesse du vocabulaire de la carte ne sauraient modifier les appétits   	fondamentaux.   	   	Seul le politique l’aurait ignoré?   	   	Imagine-t-on un seul instant qu’en matière de prévision, le météorologue se   	dispense, au gré de modes ou d’idéologies, de se référer à l’archivage   	d’observations séculaires?   	   	Imagine-t-on un seul instant qu’en matière budgétaire, le gestionnaire   	s’abstienne, au gré de modes ou d’idéologies, de s’appuyer sur la   	statistique des recettes et dépenses antérieures ?   	   	Nul ne les prendrait au sérieux!  Et pourtant il s’avère de bon ton de   	professer qu’en matière de géopolitique, au motif souvent avancé des sacro   	saintes et irréversibles évolutions de mœurs, de mentalités, de la   	technologie ou de la science, la leçon du passé ne saurait être retenue.   	   	 En cette année d’anniversaire sait-on que pour le seul millésime 94, le monde   	a connu : en 1094, la prise de Valence par le Cid qui y défait les « Maures   	»; en 1594, l’insurrection irlandaise se déclenche contre la suprématie   	anglaise; en 1794, la Russie écrasait la révolte polonaise tandis qu’on   	abolit l’esclavage à Saint-Domingue; en 1894, les Kurdes, à l’instigation du   	sultan ottoman Abdul Hamid massacrent les Arméniens, et « l’Europe ne réagit   	pas ». Plus près de nous, en 1914, dès avant le déclenchement de la grande   	Guerre, une alliance secrète se scelle entre l’Allemagne et l’empire   	ottoman; en 1924, les Etats-Unis légifèrent sur les « quotas d’immigration   	»; en 1934, outre l’affaire Stavisky, notre pays est le théâtre de   	l’assassinat du roi Alexandre 1er de Yougoslavie et du ministre Lucien   	Barthou; en 1954, débute l’insurrection algérienne alors que Nasser vient de   	prendre le pouvoir en Egypte; en 1964, l’O.N.U. installe à Chypre une force   	internationale, toujours en place; en 1974, la guerre civile reprend à   	Chypre, l’O.L.P. se déclare seul représentant légitime du peuple palestinien   	et l’O.P.E.P. tient sa première réunion à Genève.  Point n’est besoin   	d’exégèse approfondie pour constater que tous les « ingrédients »   	bouillonnant dans les chaudrons de l’actualité figuraient aux menus des   	siècles et décennies précédents.   	   	Encore fallait-il y croire?   	   	Au moment où le doute s’installe face aux besoins de défense, au moment où   	d’incorrigibles naïfs récusent risques et périls, il convient de rappeler   	que l’évaluation de la menace ne peut s’exercer au mépris des enseignements   	du passé.   	   	 Mais tirer les leçons de l’Histoire ne saurait suffire tant que les   	objectifs à protéger et les valeurs à défendre ne seront précisés, définis,   	connus et admis de tous.   	   	C’est l’affaire de nos Services de Renseignement et de Sécurité.   	   	Mais au fait, ne serait-ce pas là ce que naguère on appelait PATRIE?       |