logofb

 

 
 
line decor
Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
line decor
 

 


 
 
 

 
 
PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
UN ASPECT DE LA RESISTANCE EN AFRIQUE DU NORD EN 1941 - L’AFFAIRE BOSELLI
 

Introduction par le Colonel Paul Paillole

Récit par le Général Henri Navarre               

J’avais demandé, il y a plusieurs années, à notre Président d’Honneur le Général Henri Navarre de nous donner quelques souvenirs de son passage au 2e Bureau du Général Weygand, commandant en chef en Afrique du Nord en 1941.

A plusieurs reprises nos Bulletins ont publié quelques extraits de ces souvenirs y compris celui où le chef de notre poste T.R. à Alger, le Capitaine Bertrand, fut chargé par moi, en accord avec le Commandant Navarre, de s’opposer aux tentatives des Italiens des commissions d’armistice de s’infiltrer dans les milieux musulmans.

En mars dernier, au cours du colloque international d’Histoire de Wiesbaden, le Professeur Krautrame à l’Université de Freibourg, fit un remarquable exposé sur les activités en Afrique du Nord des commissions d’armistice allemandes et italiennes en 1941 et 1942. Il souligna les piteux résultats des Italiens et fit allusion à l’action neutralisante de nos services spéciaux, notamment à Alger où ils bénéficiaient de la « protection » du Général Weygand.

J’eus la chance de pouvoir compléter cet exposé et de narrer en détail le rôle de Navarre et de nos Services dans l’affaire Boselli.

Voici donc le récit in extenso que Navarre me fit en son temps de cette « amusante » affaire.

 

AFFAIRE BOSELLI

L’une des missions que le Général Weygand m’avait confiées était la lutte par moyens clandestins contre les empiètements des commissions d’armistice allemandes et italiennes.

Or, si les Allemands s’abstenaient à peu près de politique, il n’en était pas de même des Italiens qui, comptant bien nous succéder en Tunisie et dans l’Etat algérien, cherchaient à prendre, à notre insu, des contacts dans la population.

Il s’agissait d’empêcher ces contacts. L’un des meilleurs moyens était de les rendre dangereux pour les Italiens chargés de les prendre et que nous avions repérés.

Je demandais donc au Général Weygand de m’autoriser à organiser contre eux des attentats : « D’accord, me dit-il, mais n’en tuez pas. » J’en chargeais le commandant du Contre-espionnage, Capitaine Bertrand.

Un certain nombre de « conduites de Grenoble » furent d’abord faites à certains Italiens à l’occasion de visites rendues par eux à des " correspondants " habitant dans de petites localités : une « manifestation spontanée » de la population musulmane éclatait à l’arrivée de la voiture italienne. Le rendez-vous était donc pris.

Des contacts plus sérieux étaient, nous le savions pris à Alger même avec des notables musulmans. Ils étaient pris surtout de nuit par un officier supérieur italien dont j’ai oublié le nom.

Le Capitaine Bertrand vint me demander un jour l’autorisation de lui monter, la nuit suivante, une agression qui devait être perpétuée par un groupe d’officiers de réseau très sûrs. Je donnais mon accord en rappelant les consignes du Général Weygand.

Le lendemain matin, arrivant à mon bureau, je trouvais Bertrand qui m’attendait assez piteux.

Il m’explique que l’agression prévue n’avait pu avoir lieu, l’officier italien, victime désignée, n’étant pas sorti de chez lui ce soir-là, mais que les « agresseurs » n’avaient pas voulu rentrer chez eux bredouilles. Ils s’étaient donc rendus dans les parages de l’hôtel Aletti, bien décidés à « casser la figure au premier Italien rencontré ».

L’occasion s’était offerte en la personne du Chef de la Commission d’Armistice, l’Amiral Boselli et de son adjoint qui prenaient le frais avant d’aller se coucher, sous les arcades du  « Front de Mer ». Attaqués à coups de matraques, les deux officiers furent laissés sur le carreau assez endommagé. Circonstance aggravante deux gardes mobiles chargés de surveiller les abords de l’Aletti, et qui se trouvaient à quelques mètres du lieu de l’agression, trop heureux de voir des Italiens « bastonnés » avaient fait semblant de ne s’apercevoir de rien. Les deux Italiens étaient rentrés à l’hôtel sanglants, en traversant le hall encore plein de monde. Le scandale était complet.

J’allais immédiatement rendre compte au Général Weygand. Il fut certainement ennuyé mais n’en montra rien. Quelques instants après il recevait une véhémente protestation italienne suivie de l’ordre de Vichy de découvrir et de châtier les coupables. Responsable de l’enquête à l’échelon du Général Weygand, je la confiais au Commissaire Achiary de la D.S.T. qui, je le savais par Bertrand, avait trempé dans l’attentat; j’étais donc assez rassuré sur le résultat.

Celui-ci fut nul, bien entendu. On parvint à la conclusion que l’agression était l’œuvre d’officiers de réserve sortant un peu éméchés d’une réunion et passant par hasard près de l’Aletti. Toute préméditation était exclue et les coupables non identifiés.

Après moult échanges de téléphone avec Vichy, ce roman fut admis, et le Général Weygand invité, pour clore l’incident, à présenter des excuses.

Tout se terminait donc bien mais nous avions été assez inquiets. Notre inquiétude s’était même un moment accrue du fait de l’attitude du 2e Bureau Marine-Alger qui, prétextant du fait que l’attentat avait été commis sur le «  Front de Mer » avait ouvert une enquête parallèle. Celle-ci avait rapidement abouti à des conclusions très proches de la réalité que le Chef du 2° Bureau Marine prétendait soumettre directement à l’Amiral Darlan. Il fut très difficile (il fallut même, si je me souviens bien, l’intervention personnelle du Général Weygand) de le décider à n’en rien faire (du moins officiellement).

Quoiqu’il en soit, l’affaire fut classée. Il fallait maintenant faire les excuses prescrites par Vichy. Le Général Weygand m’en chargea et ce fut sa seule « vengeance » pour les ennuis que je lui avais causés.

Il me remit une lettre destinée à l’Amiral Boselli et lui disant que « d’ordre de son Gouvernement, il lui exprimait ses respects ». Il me dit, sans sourire, que j’étais particulièrement qualifié pour porter cette lettre et pour dire à son destinataire que tous les efforts seraient faits pour retrouver les coupables.

C’est avec le plus grand sérieux que je m’acquittais de cette mission. L’Amiral Boselli la lit, tuméfié et entouré de bandages, me remercia vivement.

L’affaire Boselli eut pour nous un très grand avantage. Elle me permit de faire signer au Général Weygand une note de service prescrivant un renforcement de la « protection » des membres de la commission d’armistice italienne. Dorénavant, cette « protection » devait être assurée de jour et de nuit. Désormais, les Italiens ne pourraient plus se déplacer sans « anges gardiens ». Ils protestèrent, bien entendu, mais il lui fut répondu que, responsables de leur sécurité, nous devions l’assurer même malgré eux. Bon gré mal gré, ils durent accepter cette protection surveillance et mettre un terme à leurs tentatives de contacts avec les milieux nationalistes musulmans.

 

 

 

 
Haut de page
 

 

Article paru dans le Bulletin N° 139

Dépot légal - Copyright

Enregistrer pour lecture hors connexion.

Toute exploitation, de toute nature, sans accords préalables, pourra faire l'objet de poursuites.

Lire l'Article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle. - Code non exclusif des autres Droits et dispositions légales....