logofb

 

 
 
line decor
Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
line decor
 

 


 
 
 

 
 
PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
HOMMAGE AU GENERAL GIRAUD
 

 ( au cours de l’Assemblée générale de 1983 )

…. Le Colonel Paillole présente ensuite le Capitaine de Corvette H. Giraud et poursuit en ces termes :

« Dans le programme qui vous a été diffusé figure succinctement ce qui nous a déterminés à inviter le Capitaine de Corvette H. Giraud à nous parler de son Grand-Père.

par le Colonel Paul PAILLOLE

Il arrive un moment où la déformation de la vérité devient insupportable : c'est lorsqu'elle met perfidement en cause la loyauté et l'honneur d'un grand soldat. C'est alors le crédit moral de l'Armée qui est atteint. De telles entorses à l'histoire sont d'autant plus pénibles lorsqu'elles sont le fait de personnalités dont la notoriété et l'audience exigent rigueur dans les connaissances et mesure dans l'expression. Il est grand temps que cesse cette désinformation systématique des Français.

 

Je ne doute pas, Commandant, pour vous avoir entendu à la radio , que les traits et l'action de votre illustre ancêtre seront mis par vous en évidence et de façon saisissante. Il faut que votre pieuse et courageuse initiative ait de multiples et efficaces échos. Vous pouvez compter sur nous pour qu'il en soit ainsi et je voudrais dire pourquoi :

 

Pour nous, en effet, au delà de la prestigieuse carrière de Giraud, au delà de sa retentissante évasion à laquelle certains des nôtres ont modestement participé, au delà de son rôle capital en A.F.N., de la libération de la Tunisie à celle de la Corse, pour nous, dis-je, il y a sa contribution déterminante à l'oeuvre des Services Spéciaux traditionnels au moment le plus critique et le plus nécessaire de leur existence. Elle nous inspire une reconnaissance et un respect que ni le temps, ni la malveillance ne sauraient entretenir.

 

Novembre 1942..., débarquement allié en A.F.N., occupation par la Wehrmacht de toute la Métropole et de la Tunisie. Nos SR et CE, déjà accablés par l'ennemi et traqués par Vichy, se trouvent désormais muselés, privés de contacts entre eux et avec l'extérieur. Pourtant il faut faire face à des tâches urgentes de recherches et de sécurité. Elles conditionnent dans une large mesure le succès des opérations militaires et la reconnaissance de la souveraineté française.

 

Dans ces pires heures de notre détresse, Giraud sut nous rendre l'espoir, nous donner les moyens de reconstituer et renforcer nos services, de nos liaisons et d'assurer nos missions, y compris les plus audacieuses - ce qui n'était pas pour lui déplaire.

 

Je pourrais m'arrêter là ; ce serait passer sous silence ce qui nous a singulièrement rapprochés du Général et créé ces liens affectifs qui nous attachent à sa mémoire.

 

De Mai 1942 à Avril 1944, nous avons vécu avec lui, j'oserais dire dans son intimité, les événements exaltants mais aussi les plus douloureux :

 

- sa tête mise à prix par Hitler. Dès lors, nous nous sommes efforcés de protéger sa vie. En France, ce fut la mission du Capitaine Vellaud ; en A.F.N., celle de Viret et du Commissaire Blément ;

- sa famille arrêtée, à l'exception de sa plus jeune fille que nous réussirons à lui amener saine et sauve à Alger, au moment où Madame Granger - son autre fille, agonise en Allemagne ;

- dans le même temps, à Alger, c'est l'incessante lutte pour préserver nos services des intrusions politiques et des ambitions partisanes. Lutte impie, décevante, qui ne fut pas sans conséquences sur le sort réservé, le 4 Avril 1944, au Commandant en Chef par le G.P.R.F.

 

Jusqu'à l'extrême limite de son pouvoir, la porte du Général nous fut toujours ouverte. Dans la lumière de son immense bureau du Palais d'Été, sa haute et fière stature nous apparaissait impressionnante de calme et de sérénité. Son accueil confiant demeurait amical, paternel. Ceux de nos camarades qui partaient en mission ou revenaient des zones occupées entendaient les mots qui encouragent et réconfortent.

Après tant de services rendus à la France et de pages de gloire écrites au prix de tant de sacrifices, il nous donnait une grande leçon de courage et d'abnégation. Nous ne l'avons jamais oubliée.

 

L'intervention du Capitaine de Corvette  Hervé GIRAUD

Grand, élégant, étonnamment jeune, Hervé Giraud va littéralement captiver son auditoire pendant une heure et 12 minutes. C'est le récit, d'une voix qui résonne clair, de l'existence de son Grand-père, de son rôle - spécialement de 1942 à 1944.

Ardent, passionné, l'orateur évoque successivement l'action militaire et l'action politique de l'ancien Commandant en Chef en A.F.N., en s'efforçant de répondre avec précision aux deux grandes interrogations suivantes :

- à la place exceptionnelle où le destin l'avait installé, le Général Giraud fit-il preuve, oui ou non, de réelles capacités politiques ?

- quelles furent la véritable nature et les conséquences pour la France de sa rivalité avec le Général de Gaulle ?

 

Réagissant contre ce qu'il appelle « l'étrange unanimité des historiens » en ce qui concerne l'absence de capacités politiques de Giraud, l'orateur rappelle que ce dernier avait commencé par réaliser un acte politique de première grandeur, à savoir passer à la dissidence, relancer dans la bataille les Forces françaises d'Afrique et faire l'union de tous les Français combattants. Ce faisant il avait des vues très claires sur les problèmes qui se posaient à lui :

 

- en Politique Extérieure il s'agissait de gagner la guerre et de rendre à la France sa place traditionnelle sur l'échiquier européen. Seule l'Amérique pouvait nous aider dans cette double tâche - sans abandon de souveraineté de notre part. Le texte des accords Giraud-Murphy, signés le 2 novembre 1942, soit avant le débarquement allié en A.F.N., prouve que le général en avait nettement conscience ;

- en Politique Intérieure il lui fallait réagir contre la propagande de Vichy et rétablir la confiance dans les destinées de la France. Pour y parvenir il choisit de faire oeuvre de réformiste plutôt que de révolutionnaire ;

- en Politique Économique et Financière, le problème qui se posait à lui était immense. Il fallait faire vivre l'A.F.N. et l'A.O.F. coupées de la Métropole et, de plus, les faire participer à l'effort de guerre. C'est ainsi qu'il mit en place une politique des céréales et des carburants et qu'un programme de grands travaux fut lancé. Le Trésor fit face à tous ses paiements, et grâce aux accords d'ANFA et au bénéfice de la loi Prêt-bail, Giraud sut garantir à la France des conditions économiques particulièrement avantageuses ;

- enfin en Politique Sociale, Giraud , dès le 1er Mars 1943, préconisait pour la première fois dans la vie politique française un système de participation en remplacement du régime capitaliste.

 

En ce qui concerne la deuxième interrogation : celle de la nature et des conséquences de la rivalité Giraud - de Gaulle, l'orateur s'élève contre la thèse habituelle d'un affrontement aboutissant à une défaite du premier nommé. Se basant sur une série d'arguments irréfutables, il démontre magistralement que pour réaliser l'union de tous les Français, le Général Giraud avait choisi de s'effacer, accomplissant par là un -geste conforme aux antiques vertus stoïciennes.

 

Ceci amène le Capitaine de Corvette Giraud à tracer un parallèle entre les deux généraux, en faisant ressortir les différences fondamentales qui les caractérisaient.

La première de ces différences concernait la perception de la situation et des priorités du moment :

- pour Giraud les considérations militaires devaient prendre le pas sur les ambitions politiques ;

- pour de Gaulle l'essentiel était de se trouver en situation politique favorable à la fin des hostilités.

 

La deuxième différence concernait l'Armée :

- Giraud pensait que, dans la situation dramatique où se trouvait le pays, l'Armée était le seul atout de la France et qu'il convenait d'oeuvrer à son perfectionnement. C'est ainsi qu'il s'attachera à la réunifier et à la réarmer - sans considération d'appartenance.

- pour de Gaulle, il importait de se poser en symbole de la résistance. D'où une honteuse entreprise de débauchage au sein de l'Armée d'Afrique visant à la fois à se procurer des effectifs et à saper le prestige de Giraud.

 

La troisième différence était de nature philosophique.

Giraud était un homme d'union, prêt à tous les sacrifices pour la réaliser. De Gaulle, lui, n'admettait l'union que sous son égide.

 

La quatrième différence concernait d'une part les intentions respectives des deux hommes pour le gouvernement de la France et, d'autre part, les rapports entre le Pouvoir Central et le Commandement.

 

Pour avoir commis l'erreur de s'allier politiquement avec le parti communiste, de Gaulle finira par être balayé par un système dont il avait pourtant soigné la mise en place.

Giraud, au contraire, estimait que s'il était possible de traiter militairement avec le parti communiste - ce qu'il avait fait sans arrière pensée pour libérer la Corse -, il était tout différent, et pour tout dire suicidaire, de traiter politiquement avec lui.

 

Pour l'orateur le système préconisé par son grand-père, fondé sur un retour à la Constitution de 1875, n'aurait pas donné de moins bons résultats que ceux de la IVe République.

 

A propos des rapports entre le Pouvoir Central et le Commandement, il fait remarquer avec humour que de Gaulle avait utilisé en Avril 1944 - pour cumuler les fonctions militaires et politiques, la même loi du 11 juillet 1938 sur la Nation en temps de guerre qu'il avait invoquée contre Giraud quelques mois plus tôt - de peur de le voir cumuler tous les pouvoirs.

 

L'affaire eût été risible si, à la clef, ne s'était décidée la suppression, en pleine guerre, du poste de Commandant en Chef, geste tragique dont aujourd'hui encore nous mesurons les conséquences.

 

Le Capitaine de Corvette Giraud évoque ensuite le triste épisode de la querelle des Services spéciaux dont l'épilogue intervint le 17 novembre 1944 avec la décision funeste de scinder les services du CE-DSM et la démission de leur chef, le Commandant Paillole.

 

La cinquième et ultime différence concernait les hommes eux-mêmes. Conflit de génération et également heurt de deux ambitions. De Gaulle voulait être la voix de la France ; Giraud voulait en être l'épée et le destin voulut que cette épée se brisât.

Après avoir ensuite évoqué les mesures de rétorsion prises par l'occupant contre la famille Giraud - dont la fille aînée devait mourir en Allemagne, l'orateur rappelle que si Hitler avait donné l'ordre formel d'abattre le général Giraud - et non son rival, dans la tentative d'assassinat dont fut victime son grand-père, la balle était française. Il fustige alors avec indignation les commanditaires de ce crime honteux dont certains, affirme-t-il, vivent encore.

 

En conclusion le Capitaine de Corvette Giraud fait remarquer combien cette querelle de généraux avait été néfaste aux intérêts de la France, et cela en de nombreux domaines. Il termine son exposé par la péroraison suivante :

«  - La mort n'a emporté ni les actes, ni les leçons du Général Giraud qui a sa place parmi les libérateurs du territoire.

 

- La postérité jugera mieux que nous tous les services que ce héros a rendus à sa Patrie ;

- le moindre ne fut pas d'avoir conservée vivante, au cœur d'un pays torturé, une certaine forme de vaillance jeune, d'enthousiasme aventureux, une flamme romanesque et généreuse qui s'est toujours retrouvée au cours des siècles passés dans l'âme de notre pays et qui ne s'éteindra pas tant qu'il y aura pour nos enfants des exemples comme le sien, lui qui avait fait sienne la magnifique devise du Maréchal de Fabert :

 

« Si pour empêcher qu'une place que le Roi m'a confiée ne tombât aux mains de l'ennemi il fallait mettre sur la brèche ma personne, ma famille et mon bien, je ne balancerais pas un seul instant à le faire ».

 

 

 
Haut de page
 

 

Article paru dans le Bulletin N° 118

Dépot légal - Copyright

Enregistrer pour lecture hors connexion.

Toute exploitation, de toute nature, sans accords préalables, pourra faire l'objet de poursuites.

Lire l'Article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle. - Code non exclusif des autres Droits et dispositions légales....