par le Colonel Michel GARDER

( A l’occasion de l’Assemblée générale de l’Amicale qui s’est tenue à Chamalières en mai 1982 )

A l’issue du déjeuner le colonel Garder procède à son traditionnel tour d’horizon de la situation mondiale. Celui-ci complète et élargit le bref entrefilet de notre camarade publié sous le titre de « Un tournant décisif » dans le BL 113.

Maintenant son diagnostic relatif à la lutte pour le pouvoir qui est entrée depuis la fin janvier 1982 dans une phase probablement décisive au Kremlin, Michel GARDER y voit l'explication majeure de la curieuse inaction actuelle de l'oligarchie moscovite. Enlisés en Afghanistan, déroutés par l'échec de l'expérience JARUSELSKI en Pologne, les dirigeants soviétiques ont à faire face simultanément à une situation mondiale qu'ils ne peuvent plus exploiter et à une crise intérieure qui mine le monolithisme de leur empire et sape les fondements mêmes de leur pouvoir.

Sur le théâtre extérieur de sa stratégie totale, l'U.R.S.S. en est toujours au schéma entériné par le 26e Congrès du Parti Communiste Soviétique de février 1981, à savoir:

- la direction principale d'effort portant sur l'Asie avec une branche appliquée sur la Chine en vue de dissocier le binôme sino-nippon et une autre visant le sous-continent indien et la région du Golfe ;

- une attitude défensive-offensive face aux Occidentaux, ayant pour but de neutraliser et de disloquer l'Alliance Atlantique par une combinaison de « campagnes de paix », de négociations sur le désarmement et d'actions psycho-politiques;

- le maintien des positions acquises au Moyen-Orient et en Afrique.

C'est ce schéma qui explique en particulier le fait que le Kremlin n'a pas été en mesure d'exploiter à son profit la guerre argentino-britannique des Malouines. Cette guerre est depuis hier, c'est-à-dire le 21 mai, dans sa phase décisive. Il est difficile de dire combien celle-ci durera, mais d'ores et déjà les « professionnels » britanniques ont gagné.

Ceci dit, pour en revenir à l'inaction mentionnée plus haut, il est à noter qu'en Asie aucun résultat n'a été obtenu depuis le début de l'année ; que face aux Occidentaux la campagne contre les « Euromissiles » s'est enlisée ; qu'au Moyen-Orient le Kremlin n'a pas été en mesure d'exploiter le conflit irako-iranien et que l'allié syrien se trouve en position de faiblesse face à Israël au cas où celui-ci déciderait une offensive contre le Sud-Liban. Quant à la poussée sur l'Afrique des années 1976-1980, celle-ci s'est réduite au maintien des positions acquises en Éthiopie, au Mozambique et en Angola, l'allié libyen ayant été invité à soutenir la Syrie et l'O.L.P. au Moyen-Orient et à ne plus pousser au Tchad.

C'est néanmoins sur le théâtre intérieur que la situation est actuellement la plus difficile pour l'oligarchie moscovite, divisée en son sein par les remous d'une lutte pour le pouvoir feutrée mais implacable. Il serait bien étonnant que la succession de Leonid BREJNEV s'effectue pacifiquement.

Aussi Michel GARDER place-t-il en première place l'hypothèse d'une révolution de palais amenant au pouvoir une équipe nouvelle ou pour le moins sensiblement renouvelée. Celle-ci aurait alors à résoudre tous les problèmes que l'actuel pouvoir pléthorique, gérontocratique, anachronique et médiocre a accumulés sans le moindre espoir de solution. Certes une orientation catastrophique du régime totalitaire soviétique n'est pas à exclure, ne serait-ce que pour résoudre par la force, en une fuite en avant irrésistible, l'impasse polonaise ou l'enlisement en Afghanistan, mais on peut tout aussi bien s'accrocher à l'espoir d'un changement révolutionnaire radical au Kremlin.

De toutes façons les clés de notre avenir à tous se trouvent avant tout à Moscou, et pour Michel Garder la réponse à nos interrogations anxieuses ne saurait tarder…..