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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
POURQUOI JE ME SUIS ÉCHAPPÉ D'ALLEMAGNE EN FÉVRIER 1941 ET COMMENT J'AI REJOINT LA SÉCURITÉ MILITAIRE EN SEPTEMBRE 1943
 

L'un de nos camarades qui veut garder l'anonymat nous confie ses souve­nirs. En toute simplicité, c'est le récit des réactions d'un bon français face au sort pitoyable de son pays. Une conception exemplaire du Devoir et de l'Honneur.

LA DRÔLE DE GUERRE. JE SUIS FAIT PRISONNIER.

Jeune engagé volontaire de 18 ans en 1937 dans un régiment d'infanterie de forteresse du secteur défensif de la Sarre, je bouillais d'impatience tout au long de cet hiver 39-40...

 

Certes, nous ne manquions pas d'occupations à proprement parler, mais nous ne nous battions pas ! Entretien des armes, organisation du terrain, exercices divers, telles étaient nos tâches quotidiennes.

Notre dispositif était inclus dans la fameuse « Ligne Maginot ». A la différence des deux secteurs défensifs voisins, le nôtre ne comportait pas d'ouvrages très importants à l'exception d'un seul :« Le Haut Poirier ».

 

Notre dispositif consistait en points d'appui, constitués par des casemates et blockhaus peu importants, abritant parfois seulement trois hommes armés soit de mitrailleuses, soit de canons de 47 ou de 65 (anciens canons de marine qui se révélèrent d'excellents canons anti-chars).

Les exercices d'alerte en temps de paix étaient fréquents : il fallait pouvoir occuper nos positions en un temps record, de jour comme de nuit. La mobilisation de 1938 - s'achevant comme l'on sait par les accords de Munich - fut l'occasion pour nous de tester nos capacités.

 

Pour quelles raisons, allez-vous demander, l'authentique Ligne Maginot avec ses canons escamotables sous tourelles, ses hôpitaux souterrains, ses kilomètres de galeries parcourues par un petit train électrique, ses immenses réserves de vivres et de munitions, avaient été en quelque sorte « oubliés » dans notre secteur, entre Bitche et Forbach ?

La réponse en est simple : le sol et le sous-sol ne se prêtaient pas dans leur ensemble, à des fondations aussi spéciales. Ce vide devait être comblé en surface par des troupes dites « d'intervalle », disposant de casemates ou simplement d'épaulement organisés. Des lacs artificiels inondaient des zones importantes, des « champs de rails » s'étendaient à perte de vue ainsi que des fossés anti-chars.

 

Et c'est ainsi que s'écoulèrent les mois de septembre 39 à mars 40, pendant lesquels nous fûmes employés à enfoncer de nouveaux rails, à couler du béton, à scier des troncs d'arbres pour aménager de nouveaux abris.

 

Il est à noter que 11 divisions allemandes percèrent cette brèche insuffisamment défendue et pulvérisèrent ce dispositif entre le 15 et le 19 juin 1940, surprenant nos troupes sur l'arrière même de la Ligne Maginot, contournant Sedan comme en 1914, en violant le territoire belge.

 

Personnellement, dès mars 40, je demandais mon affectation pour une unité en contact avec l'ennemi - le 291e R.I. - et me portais aussitôt volontaire dès la formation du corps-franc de mon bataillon (secteur attribué : secteur de la rivière Blies (Moselle), bien connue des communiqués de l'époque).

J'avais enfin le sentiment d'être utile à ma patrie et non plus de demeurer « passif », comme dans ma casemate !

 

Reconnaissances, embuscades, coups de main se succédèrent jour après jour, ou plutôt nuit après nuit. Munis d'un équipement léger, couverts de la fameuse « peau de bouc » les jours de grand froid, couvre-casque de toile pour éviter les reflets, brassard blanc à tête de mort pour nous reconnaître dans l'obscurité, le ceinturon garni de grenades et d'un poignard, mousqueton à la main, nous pénétrions quotidiennement dans le « no man's land » et plus avant encore en territoire ennemi.

 

A partir du 27 mai 1940, chargés de mission retardatrice pour permettre le repli en bon ordre du bataillon, faisant sauter derrière nous ponts ou points de passage obligés (le Pont des Alliés), nous combattions le jour, décrochant à la nuit.

 

Le 17 juin 1940, à une heure du matin, au carrefour des routes de Dieuze à Moyen-Vic (Moselle) à bout de munitions, nous livrons notre dernier combat et sommes finalement encerclés, les armes à la main... Le 22 juin 1940 je suis interné au stalag de Moosburg (Bavière).

 

JE M'ÉVADE.

En raison de mes connaissances en allemand et des origines alsaciennes de ma mère, je réussis en février 1941 à me faire considérer comme alsacien-lorrain. Je fus dirigé sur le camp spécial d'Oflenburg et libéré sous condition expresse de résider dans l'un des départements d'Alsace déjà annexé par le Reich.

 

Je jurais... rejoignis Strasbourg où je pointais à la Gestapo et filais de passeurs en passeurs, vers la zone « non-occupée ».

 

Ma famille résidant dans le sud-est, c'est vers Nice que je me suis dirigé. Une fois rétabli, ayant repris des forces - j'avais été blessé lors de ma capture - je décide de rejoindre l'Afrique du Nord, soucieux tout d'abord de mettre une certaine distance entre l'Allemand et moi, persuadé d'autre part que la lutte reprendrait depuis notre empire.

 

Mon souci majeur est tout d'abord de me faire établir des pièces militaires - état signalétique, livret militaire - faisant abstraction de mon évasion et, pour plus de précaution, sous un nom d'emprunt, ceci en cas de nouvelle capture, car le sort qui m'attend dans cette éventualité est sans nul doute une condamnation à mort.

 

Je n'ai aucune difficulté à me procurer ces pièces et rends hommage à ces patriotes de l'Intendance Militaire d'Hyères (Var) qui me facilitèrent la tâche.

 

Honneur à eux, comme à mes courageux passeurs de Strasbourg, de Nancy, de Dombasles-sur-Meurthe, de Vincey (Vosges), de Besançon, de Champagnole, de Cizes (Jura). Vers eux va ma reconnaissance profonde pour leur aide précieuse et désintéressée, au mépris de tous les dangers et qui coûta la déportation à certains...

 

Mais il me faut ruser encore avec les membres de la Commission d'Armistice (allemands et italiens) qui président à Marseille à l'embarquement des militaires pour l'A.F.N., dont le nombre est strictement limité.

 

Aussi, est-ce en qualité de « jeune engagé » dans l'Armée de l'Armistice que je monte le 30 juin 1941, à bord du Sidi-Mabrouck à destination d'Alger. J'ai en réalité à cette date déjà quatre années de service et le grade de sergent.

 

Le 1er juillet au matin, c'est « Alger-la-Blanche »- une révélation pour le petit métropolitain que je suis - qui se détache à l'horizon, au-dessus d'une mer d'un bleu turquoise. Pour la première fois, je mets le pied sur cette terre d'Afrique d'où partira la reconquête du pays. Quelques heures plus tard je me présente à mon chef de corps commandant le 1er Régiment de Tirailleurs Algériens à Blida.

 

L'ARMÉE DE L'ARMISTICE EN A.F.N.

Je suis immédiatement affecté au 1er Bataillon à Cherchell, département d'Alger.

Nos chefs militaires, dont je ne saurais louer assez pour l'immense majorité, la foi profonde, le patriotisme éclairé, ne cessent de nous entretenir dans cet esprit de revanche, de reconquête de notre pays sous la botte allemande.

 

Aussi, manoeuvres de jour comme de nuit, alertes, exercices de tir par tous les temps, se succèdent dans les djebels, comme aux confins du Sahara, pour faire de nous des hommes rompus à toutes les formes de combat.

 

Pour la petite histoire, je me trouve être déjà, à cette époque, sous les ordres d'un chef, qui fit parler de lui en Italie, puis à la libération de Marseille notamment : le général GOISLARD de MONTSABERT.

 

Une de nos préoccupations majeures est le camouflage du matériel et de l'armement.

 

Les mêmes commission d’armistice qui sévissaient en zone non-occupée, ont un certain droit de regard sur nos effectifs comme sur notre armement en A.F.N. Aussi, utilisons-nous la vaste étendue de l'Algérie et principalement le sud - le territoire des Oasis - pour y stocker et entretenir pièces d'artillerie, armement individuel et collectif, munitions, camions, etc., et présenter lors des contrôles aux représentants de l'Axe des états fictifs, totalement truqués, où ces derniers n'y voient que du feu!

 

Bien nous en prend, car en novembre 42, avec quelle joie allons-nous récupérer et extraire des caches et grottes, où ils sont entreposés, canons de 25 mm, mortiers, mitrailleuses et F.M. (fusil-mitrailleur), grenades et caisses de munitions, etc., qui nous furent d'un précieux secours dès les premiers jours de la campagne de Tunisie contre l'Allemagne et l'Italie.

 

LA CAMPAGNE DE TUNISIE, NOVEMBRE 1942-MAI 1943.

Il n'y a pas de méprise possible au sein de notre division, mon unité, le 1er R.T.A. Dès le débarquement, notre colonel reçoit l'ordre de nous placer en position de couverture pour faciliter le débarquement, afin d'éviter tout incident tragique, comme ce fut le cas, hélas, ailleurs. Tout se passe donc pour le mieux dans notre secteur.

 

Et le 24 novembre 1942, la Division de Marche d'Alger dont fait partie mon unité, s'élance d'ouest en est, à travers le Constantinois et passe la frontière algéro-tunisienne à hauteur de Tebessa.

 

Enfin, nous allons pouvoir en découdre et affronter ceux qui, depuis deux ans, tiennent notre patrie sous le joug, en compagnie de leur allié de dernière minute !

 

Au cours de cette campagne qui débute par un rude hiver dans les djebels tous, officiers et tirailleurs, européens et indigènes, tous connaissent bien des misères : placés le plus souvent aux postes les plus délicats sinon les plus exposés, parce que connaissant le mieux la nature du pays.

 

L'Armée française, dépouillée de tout par l'armistice - il n'y a pas d'arsenaux en A.F.N. : ordre est donné d'économiser les munitions - se bat héroïquement, mais avec des armes insuffisantes et désuètes.

 

Dès le milieu du mois de novembre, les 30.000 hommes qui ont pu être amenés soit de Tunisie, soit d'Algérie, tiennent un front de 450 kilomètres. Sans l'héroïsme de cette petite armée, on se demande où se seraient arrêtés les progrès allemands en A.F.N.

 

Le général GIRAUD avait désigné le général JUIN pour commander toutes les troupes françaises sur le front de Tunisie. Lorsque les contingents alliés eurent atteint une grande importance numérique, certains secteurs sont confiés aux français : dans la région qui s'étend au sud du Kef où l'on supposait qu'ils ne pourraient pas tenir plus de six semaines, ils combattent en fait pendant trois mois !

 

Venues du Tchad, les troupes du général LECLERC jouent un rôle très important dans le sud, par l'occupation des oasis de Ghat et de Ghadamès. Le 12 mars, la colonne LECLERC effectue sa liaison avec les troupes du général JUIN.

 

N'oublions pas la puissante attaque allemande qui menace Tebessa et Thala du 14 au 20 février 1943.

 

Le 22 février ROMMEL est battu à Thala. Dans les six jours qui suivent, les alliés reprennent Kasserine, Sbeitla et Sidi-Bou-Sid.

 

Le 27 du même mois, forte attaque allemande à Medjez-el-Bab : cette attaque est repoussée.

 

Le 11 mars, les troupes françaises reprennent Metlaoui. Le 28 mars, après 7 jours de combat, la 8em armée britannique enfonce la Ligne Mareth. Sont successivement reprises les villes de Gabès, Sfax, Kairouan et Sousse.

 

Le 5 avril, nous nous emparons du Djebel Mansour et de Pichon, cette dernière inscrite à notre drapeau du 1er R.T.A. Le 8 mai, combats du Zagouan.

 

Le 11 mai, le général allemand PEIFFER et le général italien YELICH se rendent aux Français avec 25.000 hommes.

 

Le 12 mai, entrée triomphale du général GIRAUD dans Tunis délivrée. Le général italien MESSE se rend aux Alliés. Le général allemand von ARNIM, commandant en chef des troupes de l'Axe en Afrique, est fait prisonnier.

 

Le 13 mai, à 11 heures, les derniers éléments de l'Axe cessent toute résistance. C'est la victoire.

Ils n'ont pas lutté jusqu'au dernier homme : ils ont capitulé !

 

Au nord, au centre, au sud, on a vu combattre la vaillante armée française qui de 30.000 compte à présent 60.000 hommes en ligne au 1er avril 1943. Pendant les premiers mois, elle avait très peu de matériel. Dès le mois de décembre 42, nos troupes reçoivent plusieurs milliers de camions, des armes anti-chars, des mines, quelques chasseurs, de l'artillerie et du menu matériel. Le 11 janvier 43, l'escadrille française "La Fayette" prend son vol.

 

Si je me suis étendu sur le déroulement de cette campagne de Tunisie, c'est bien intentionnellement pour honorer ceux qui, français et alliés, ont fait le sacrifice suprême au cours de ces combats. C'est aussi parce que ces mêmes combats n'ont pas fait l'objet de la même « publicité » que ceux d'Italie, de France ou d'Allemagne.

 

Mais il faut que l'histoire retienne ces premiers faits d'armes de notre petite armée, levée en hâte en A.F.N. pour contenir la poussée des éléments de l'Axe avec un effectif de 30.000 hommes seulement, dans des conditions particulièrement difficiles.

 

Ils méritent le même respect, la même reconnaissance de la Nation, les mêmes honneurs que ceux livrés par les Français Libres à Bir-Hakeim en 41, le même respect, la même reconnaissance de la Nation que ceux livrés plus tard avec des moyens nettement supérieurs. J'ajouterais à ce propos : ils méritent les mêmes honneurs que ceux livrés par leurs camarades malchanceux de 1940. Le poids de la malédiction sur l'honneur des guerriers vaincus demeure un vieux fait historique... Honneur leur soit rendu !

 

Bien qu'il ne se soit pas agi du territoire national, ces six mois de combats livrés sur le sol tunisien dont nous avions la garde, ont permis d'infliger aux troupes hitlériennes un sérieux revers.

 

JE SUIS AFFECTÉ A LA D.S.M.

Durement éprouvé, mon bataillon, le II/1er R.T.A. est de retour dans ses quartiers à Blida. En ce qui me concerne, sérieusement commotionné lors des derniers combats du Zagouan, par éclatements d'obus de mortiers, je ne suis plus apte à faire campagne.

 

Versé sur ma demande, en septembre 1943, au 5e Bureau de l'E.M. du général commandant en chef, me voici en fonction à la D.S.M.-S.R. (Direction de la Sécurité militaire et des Services de Renseignements) à El-Biar (Alger).

 

Le chef en est le commandant PAILLOLE.

 

Je n'aurai donc pas la joie de libérer mon pays les armes à la main ! Le travail obscur, mais ô combien important auquel je contribue, m'apporte néanmoins une grande satisfaction : celle de continuer à servir utilement mon pays d'une autre façon certes, que celle du combattant, mais dont je n'ai pas à rougir. Ces « Services Spéciaux » auxquels je collabore sont un peu comme le cerveau électronique de la grande machine que sont les États-majors des Armées en temps de guerre.

 

Je suis affecté à la section T de la D.S.M. sous les ordres d'un chef truculent et fort compétent : le capitaine CAILLOT.

 

Mon travail très particulier, consiste au chiffrement et au décryptement des messages avec nos agents en France, en Italie, à Londres, en Espagne, en Union Française, etc. A la préparation des opérations du débarquement en Métropole, au parachutage d'agents, d'armes et de matériel.

 

Je suis affecté sur ma demande à un détachement de la Sécurité Militaire en Italie, sous les ordres du commandant TUPINIER. J'espère bien participer aux opérations de débarquement en France.

 

Le 31 juillet 1944, j'embarque du port d'Eckmuhl (Oran) à destination de Naples. La traversée est mouvementée. Nous naviguons en convoi. Alerte aux U-Boots !

 

Le 28 août 1944, détaché auprès de l'E.M. de la 7th U.S. Army - C.I.C. (Counter Intelligence Corps) - j'embarque à destination de la métropole. Enfin, je vais remettre le pied sur la terre de France !

 

Suis débarqué à Saint-Tropez où la côte est truffée de blockhaus. Progression via Cogolin, Hyères et Toulon. Arrivée dans les faubourgs de Marseille : la ville a été libérée par le général de MONSABERT. Ses tabors marocains se sont emparés de la colline de Notre-Dame de la Garde.

J'ai la charge à présent du Bureau du Chiffre et de son fonctionnement. Nous installons nos services dans les locaux abandonnés par ces messieurs de la Gestapo, 425, rue Paradis à Marseille, où ils occupaient une splendide villa.

 

8 Mai 1945 ! Le temps de paix succède au temps de guerre. Le 19 octobre 1945, je suis démobilisé comme chargé de mission de 3em classe. Je continue à servir à titre civil au S.D.E.C.E. jusqu'en juillet 1947.

 

Une nouvelle voie m'offrant des perspectives d'avenir je postule pour les fonctions d'inspecteur de la Surveillance du Territoire et commence une nouvelle carrière à Marseille, où je suis maintenant retiré, à la retraite, avec ma famille.

 

QUELQUES COMMENTAIRES.

« ... Ma pensée reconnaissante va au général WEYGAND qui a constitué cette armée en lui forgeant une âme et me l'a léguée au moment de l'employer. L'Armée d'Afrique a marqué la renaissance des armes française »...

Général Juin.

 

« Vous êtes parmi les meilleurs, vous avez fait plus que ce qu'on demandait aux autres », déclarait le général d'armée Henri GIRAUD en parlant des évadés de guerre.

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 113

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