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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
UN AVIS AUTORISÉ
 

Le professeur Léon PAPELEUX de l'Université de Liège a publié dans une revue spécialisée belge une critique de l'ouvrage d'Henri Navarre et d’un groupe d'anciens du SR : Le Service de Renseignements, 1871-1944 ». Nous en reproduisons ci-après de larges extraits

par le Professeur Léon PAPELEUX

« Une quarantaine de pages sont consacrées à la période qui va de 1871 à 1939. Le reste est réservé à la deuxième guerre mondiale. Il s'agit de l’histoire des services secrets militaires français - et plus spécialement de celle du S.R. - écrite par un technicien du renseignement. Le rôle joué par le général Navarre, dans la guerre clandestine, le prédestinait à écrire l’histoire de  ces services secrets : leur organigramme, leur évolution sous des dénominations variées. Cette évocation, complétée par l'exposé de nombreux cas concrets, s'adresse autant aux spécialistes des services secrets qu'aux historiens de l'histoire militaire. Si l'auteur fait une place importante aux réussites de ces services, il ne manque pas de signaler leurs échecs. Son étude exempte de tout esprit cocardier est d'une grande objectivité.

 

Parmi les succès obtenus par le S.R. français, un certain nombre - et des plus importants - furent dus à des sources allemandes. L'une de celles-ci que Churchill appelait « la source miracle » et dont Eisenhower a dit que son rôle avait été décisif, a été la reconstitution et l'utilisation de la machine allemande à chiffrer mécaniquement qui est connue sous le nom d'Enigma. Les plus grands cryptologues du camp adverse avaient conclu à l'herméticité des documents chiffrés par cet engin. La paternité de la reconstruction d'Enigma est encore aujourd'hui un sujet de polémiques entre les anciens Alliés. Navarre apporte, à ce propos, le son de cloche français. Le S.R. français a obtenu d'un fonctionnaire de la Chiffrierstelle les éléments nécessaires au déchiffrement : manière d'utilisation et de déchiffrement, tableau mensuel des clés changeant quotidiennement, etc. Partant de ces données, le S.R. polonais reconstitua Enigma et ses modèles successifs. Ce qui permit aux Alliés de lire presque toute la guerre à livre ouvert dans les intentions stratégiques allemandes.

 

Ces renseignements capitaux se virent valorisés par une autre réussite du S.R. : pendant de nombreux mois celui-ci exploita les données que lui fournissait un appareil d'interception qu'il avait installé sur une ligne téléphonique souterraine reliant Paris à Metz et Berlin et qui était réservée aux seuls services des occupants.

 

Mais la source allemande de loin la plus précieuse fut celle d'un officier supérieur de l'Abwehr : le colonel Edler von Vivremont Lahousen qui jusqu'en 1942 correspondit avec une dame française qui travaillait pour le S.R. Les Français furent avertis à l'avance de l'imminence des invasions de la Pologne, de la Tchécoslovaquie, du Danemark. Dès l'automne 1940, Lahousen leur signala les premiers craquements dans l'entente germano-soviétique. A diverses reprises, il leur décrivit l'inexorable dégradation de la machine de guerre de HITLER, tant sur le front intérieur que sur les fronts extérieurs. Un de ses derniers messages, daté du 4 novembre 1942, disait déjà : « Allemagne perdue. Ressources encore grandes, mais impossible pour Hitler d'atteindre ses objectifs ».

 

Navarre avance plusieurs hypothèses pour expliquer le comportement du chef de l'Abwehr II : nostalgie de la patrie autri­chienne, hostilité pour le nazisme, atmosphère qui régnait dans l'entourage de Canaris.

 

Lahousen ne fut pas la seule personnalité allemande à renseigner le S.R. français. Un officier général dont Navarre ne donne pas le nom, mais dont il dit qu'il exerçait un important commandement en France, rencontra à plusieurs reprises Navarre. Tout en ne lui donnant pas des renseignements d'ordre militaire, il lui demanda de transmettre à Londres un projet de renversement des alliances contre l'U.R.S.S. Navarre ne précise malheureusement pas si son interlocuteur parlait au nom de l'opposition allemande ou au nom de Hitler ou de Himmler. Un diplomate autrichien, mobilisé à l'O.K.W., livra à la fois des informations politiques et des documents provenant du Haut Commandement allemand.

 

Toute la moisson récoltée par le S.R. ne fut pas utilisée soit par les responsables militaires, soit par les responsables politiques des divers milieux successifs ou rivaux. D'après Navarre, en 1940, le Haut Commandement français avait, avant le 10 mai, été mis au courant de tous les élément nécessaires concernant les possibilités de l'armée allemande, mais il n'en tint aucun compte. Les interrogatoires d'un certain nombre d'officiers polonais réfugiés en France après la défaite de leur pays, avaient permis au S.R d'attirer l'attention sur les méthodes tactiques de la Blitzkrieg. Ces renseignements furent accueillis avec scepticisme par les responsables militaire, dont les conceptions étaient en retard d'une guerre. Le même scepticisme accueillit les avertissements précis que donna le S.R. sur le principal point d'application de l'offensive allemande au travers des Ardennes. Les responsables politiques - et particulièrement ceux du ministère des Affaires Étrangères - s'opposèrent aux mesures que les services secrets militaires proposaient pour combattre les entreprises de démoralisation de l'armée et des populations françaises.

 

Dès août 1940, le S.R. français était en possession de documents qui prouvaient que Hitler avait l'intention d'envahir la Russie. Mais Staline se montra aussi incrédule que l'avaient été un an auparavant les généraux français. Si pendant les quatre années d'occupation de la France les Anglo­Américains accordèrent la plus grande attention à l'abondante documentation que leur livra le S.R. français, celui-ci ne réussit pas à convaincre ni Darlan, ni Laval du caractère inéluctable de la défaite allemande, alors qu'il appuyait ses dires sur des renseignements de valeur.

 

La plus grande déception du S.R. vint de de GAULLE. Toute la guerre, celui-ci se méfia des services secrets militaires parce que ceux-ci camouflaient leur activité clandestine sous des dehors d'organismes vichystes. Fin 1942, quand, en Afrique du Nord libérée, de GAULLE manoeuvrait pour restreindre les attributions du général GIRAUD et arriver à lui enlever toute influence, il essaya de soumettre les services secrets militaires à ses propres services qui avaient avant tout des objectifs politiques.

 

Rivet, chef du S.R. et Paillole, chef du C.E., opposés à cette politisation de leurs services, n'eurent d'autres ressources que de démissionner. L'amalgame des services secrets militaires et des services spéciaux gaullistes, incompétents en matière de lutte clandestine, fut à l'origine de nombreuses erreurs. Ce qui n'empêcha pas les ouvriers de la onzième heure de tenir le haut du pavé, tandis que les véritables spécialistes se voyaient mis sur des voies de garage. Le S.R. français ne défila pas sous l'Arc de Triomphe. Il inaugura discrètement un monument à ses morts dans une petite localité du midi de la France.

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 105

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