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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
LE PELERINAGE A L' HÔTEL SAINT-MART
 

Une fois de plus, comme en 1971, le Congrès annuel de l'A.A.S.S.D.N. a connu, à quelques mois d'intervalle, son épilogue en Auvergne. Il y a un an, notre Congrès d'Alsace a eu son prolongement à ISSOIRE avec l'émouvante cérémonie à la mémoire du Commandant de Gendarmerie KERHERVE. Cette année, quatre mois à peine après le Congrès de Bretagne, nous nous sommes retrouvés à CHAMALIERES à l'occasion de l'inauguration de la plaque commémorative apposée sur la façade de l'hôtel Saint-Mart, siège du P.C. des Services Spéciaux Français clandestins d'Août 1940 à Novembre 1942.

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INSCRIPTION FIGURANT SUR LA PLAQUE COMMEMORATIVE INAUGUREE A L'HÔTEL SAINT-MART,

LE 11 SEPTEMBRE 1972 Du 1er Août 1940 au 8 Novembre 1942, l'Etat-Major des Services Spéciaux de la Défense Nationale, sous le commandement du Général Louis RIVET, a dirigé de l'Hôtel SAINT-MART à CHAMALIERES, l'action clandestine contre l'occupant des Services de renseignements et de contre-espionnage français et assuré les liaisons avec les Armées alliées.

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Allocution du Général NAVARRE

" La Plaque qui vient d'être dévoilée devant vous commémore, ainsi que l'indique son inscription, le fait qu'après l'armistice de 1940 et jusqu'à l’invasion de la zone sud, le commandement des Services Spéciaux Français fonctionna ici même, à l'hôtel SAINT-MART.

Le Conseil d'Administration de l'Amicale des anciens membres de ces Services m'a demandé de faire, à l'occasion de la cérémonie d'aujourd'hui, l’Historique de leur action clandestine, action qui est restée jusqu'ici mal connue et souvent même méconnue.

Ce n'est pas en quelques minutes que l'on peut traiter un sujet aussi vaste. Je n'en retracerai donc que les très grandes lignes.

Reportons-nous à cette époque sinistre de Juin 40, alors que venait d’être signé un armistice qui impliquait la cessation complète de nos activités et la dissolution de nos services.

Notre Chef, le Colonel RIVET, se trouvait alors, avec ses principaux collaborateurs, le Lieutenant-colonel MALRAISON, le Commandant PERRUCHE, le Commandant d'ALES, le Capitaine PAILLOLE et moi-même, au Séminaire de Bon-Encontre près d'Agen, où nous avaient conduits des replis successifs pendant lesquels nous étions restés à peu près en liaison avec le Gouvernement et le Commandement des Armées.

Le 25 Juin matin, le Colonel RIVET nous réunit et nous donne ses ordres. Ils se résument ainsi : " La mission continue et demeure orientée sur ceux qui restent nos ennemis : l'Allemagne et l'Italie ".

Mais cet ordre ne faisait en réalité que confirmer ceux que le Colonel RIVET avait déjà donnés depuis une semaine à chacun de nous et qui étaient dès alors en pleine exécution. Nos postes du temps de paix, établis le long des frontières et qui y étaient demeurés pendant " la drôle de guerre " avaient suivi le repli des armées sans jamais cesser leur action et s'étaient déjà implantés, sous des couvertures diverses, le long de la ligne de démarcation, poussant leurs antennes en zone occupée et jusqu'à PARIS où l'une d'elles se proposait de s'installer dès la fin Juin.

Quant à nos postes à l'étranger, ils continuaient à travailler comme par le passé ou à peu près.

Mais tout cela n'avait pu se faire que dans l'illégalité la plus complète puisque, officiellement, nous n'existions plus. Nous n'avions bien entendu, aucune directive du Gouvernement, sinon celle d'arrêter tout travail. Mais nous avions une simple phrase du Général WEYGAND, alors Ministre de la Défense Nationale - et qui nous suffisait :

" Faites l'impossible, avait-il dit au Colonel RIVET, pour que vos Services continuent leur tâche. "

Nous n'avions plus aucun crédit de fonctionnement et ne pouvions nous procurer les fonds nécessaires que grâce à des tours de passe-passe et à des irrégularités de tous genres que facilitait heureusement la complicités de certains services de l'Armée ainsi que le désordre régnant.

Cette situation ne pouvait évidemment pas se prolonger. Il fallait, pour que notre activité puisse continuer, trouver une couverture sérieuse.

Le Colonel RIVET proposa au Gouvernement la création d'un service nouveau, qui serait toléré par les Allemands et chargé officiellement de la lutte contre les " menées antinationales ", terme vague qui permettrait tous les camouflages.

Il exposa au Général WEYGAND quel serait le rôle réel de ce service et obtint de lui qu'il en soutint la création.

En attendant la décision, la Direction de nos Services suivit le Gouvernement qui s'installait dans la région VICHY-CLERMONT-FERRAND.

C'est ce qui nous amena, le Colonel RIVET et son Etat-Major, ici même, à l'hôtel SAINT-MART, le Service de renseignements à VICHY, aux Bains Callou, le Contre-espionnage à CLERMONT-FERRAND, 52, avenue d'Italie, le S.R. Air à CUSSET

. Le 25 Août, le " service des menées antinationales ", en abrégé " Service M.A.", fut officiellement créé. Le Colonel RIVET, à titre civil en restait le Chef.

Il maintint son P.C. à l'hôtel SAINT-MART et c'est donc d'ici que partirent toutes les directives pour la création et l'organisation des nouveaux Services Secrets. Ce fut une tâche terriblement difficile, au cours de laquelle le Colonel RIVET et ses deux principaux adjoints, le Commandant d’ALES et le Commandant de VILLENEUVE, aidés d'un petit nombre de collaborateurs discrets et efficaces, se heurtèrent sans cesse à de multiples obstacles risquant à tout moment de tout remettre en question : les soupçons des Allemands, la pusillanimité de certains ministères et de certains services, la mauvaise volonté et même l'hostilité de certains autres.

L'opiniâtreté et le courage du Colonel RIVET et de son entourage finirent par triompher de tout cela.

Comme un iceberg, pour prendre une comparaison bien connue, le Service qu'ils réussirent à mettre sur pied comportait une petite partie visible et une grosse partie cachée.

La partie visible, c'est-à-dire celle connue des Allemands et des Italiens était le " Service M.A. " officiel et aussi une section de renseignement théoriquement destinée à travailler sur l'Angleterre.

En fait, cette section s'occupa beaucoup plus de renseigner les Anglais que de se renseigner sur eux.

 

La personnalité de celui qui en était le Chef suffit à indiquer dans quel esprit on y travaillait. C'était le Capitaine LUIZET qui, à la Libération, devait rentrer à PARIS comme préfet de police.

Quant au " Service M.A." officiel, dirigé par le Commandant d'ALES, il était chargé - je l'ai dit tout à l'heure - de déceler et de réprimer ce que l'on appelait les " menées antinationales ".

Dans l'esprit des Allemands, il s'agissait, bien entendu, uniquement d'une mission de maintien de l'ordre de caractère général, dans le cadre de l'Armée d'Armistice et c'est pourquoi ils avaient admis la création d'un tel service.

Celui-ci comportait, dans chaque région militaire, un " Bureau des menées antinationales " dit B.M.A.

Le rôle de ces bureaux était évidemment très difficile car ils étaient écartelés entre leur rôle officiel dont ils devaient maintenir l'apparence et leurs consignes secrètes qui étaient d'aider discrètement - autant qu'ils pouvaient - la lutte contre l'occupant, sous toutes ses formes.

Ils ont été, bien entendu, très critiqués par la suite - souvent même par ceux qu'ils avaient protégés, à leur insu ou non. Mais, si l'on fait le bilan objectif de leur action, il n'est pas douteux qu'il a été très largement bénéfique à la Résistance.

Venons-en maintenant à la partie clandestine de nos Services, la plus importante de beaucoup.

La direction comprenait essentiellement les organismes suivants :

En ce qui concerne le Renseignement, deux sections de recherche camouflées travaillaient, l'une sur l'Allemagne sous les ordres du Capitaine MERCIER, l'autre sur l'Italie avec le Capitaine LE TROTER. Elles étaient installées à VICHY, Villa des Songes.

En ce qui concerne le contre-espionnage, la direction en fonctionnait à Marseille où le Capitaine PAILLOLE s’était installé, Villa Eole, sous le camouflage d’une soi-disant " Entreprise des Travaux Ruraux " - en abrégé T.R. - couverture qui lui avait été donnée par une Direction du Ministère de l'Agriculture de VICHY. Le Capitaine PAILLOLE y était bientôt rejoint par le Commandant LAFONT, bien connu depuis sous son pseudonyme de VERNEUIL.

Quant aux organes d'exécution, aussi bien S.R. que C.E., voici leur dispositif général.

Nous disposions d'abord de tous ceux de nos postes à l'étranger qui avaient pu continuer leur activité, c'est-à-dire la très grande majorité.

Pour le travail sur l'Allemagne, nos anciens postes frontières s'étaient réinstallés, celui de Lille (Cdt DARBOU) à Limoges, celui de Metz (Cne SIMONEAU) à VICHY, celui de Belfort (Cdt LOMBARD) à Lyon.

Tous avaient le long de la ligne de démarcation une chaîne d'annexes qu'il serait trop long d'énumérer ici et qui créèrent elles-mêmes des antennes de plus en plus nombreuses dans la zone occupée.

Quant au dispositif sur l'Italie, il comportait un poste à Marseille (Cdt BARBARO) avec annexe à Nice, un poste à Tunis (Cdt NIEL) et un poste à Alger (Cdt DELOR).

Un poste installé à TOULOUSE travaillait de plus, par l'Espagne, à la fois sur l'Allemagne et l'Italie.

Le dispositif du contre-espionnage était parallèle et étroitement adapté à celui du S.R. * Abordons maintenant la question des résultats.

Ceux du contre-espionnage sont les plus faciles à définir, car ils peuvent se chiffrer. Et ces chiffres sont spectaculaires.

Entre l'Armistice de 40 et l'invasion de la zone sud, ils se résument comme suit :

- Plusieurs dizaines de milliers de suspects ont été fichés. Parmi ces suspects, 4.300 agents de l'Axe ont été identifiés et suivis.

- Plusieurs centaines d'agents allemands et italiens ont été arrêtés, dont 250 transférés en Afrique du Nord et 156 déférés aux Tribunaux Militaires.

- 32 agents ennemis, dont certains avaient réussi à pénétrer des réseaux gaullistes, ont été exécutés officiellement.

- J'insiste sur le mot " En zone libre ".

- Il a été mis en place en Afrique du Nord un Service de C.E. qui, après l'invasion de la zone libre jouera un rôle essentiel.

 

Le double de toutes les archives de C.E. a été progressivement transféré en Afrique, ce qui permettra, dès Novembre 1942, un travail efficace - et le seul efficace à cette époque - sur la France entièrement occupée.

Quant aux résultats obtenus dans le domaine du renseignement, en voici l'essentiel.

- A peu près tous les mouvements, de troupes en France ont été décelés ; en particulier, pendant l'été 1940, les préparatifs d'invasion de la Grande-Bretagne (opération " Lion de Mer ") ont été détectés et leur arrêt signalé ;

- Des tables d'écoute ont été établies sur les transmissions allemandes et italiennes en France et notamment sur le câble opérationnel allemand PARIS-METZ-BERLIN ;

- De très nombreux décryptements ont été effectués sur les communications radio de l'armée et de police allemandes ;

- Les transports de troupes allemandes et italiennes entre l'Italie et l'armée ROMMEL ont été suivis régulièrement. Ces renseignements, communiqués aux Anglais, leur ont permis, concurremment avec ceux d'un réseau local fonctionnant en Tunisie, de couler une importante partie de ces transports et notamment ceux de la 15ème Panzer. Division.

Tout ce qui, dans les informations recueillies, pouvait intéresser les Anglais leur fut régulièrement transmis et cela dès Juin 1940.

Cette information des Anglais se fit par les voies les plus diverses.

  A l'échelon de la Direction de nos Services, les informations passèrent soit par l'Ambassade du Canada à VICHY, soit par celle des U.S.A.

La valise diplomatique de Lisbonne était également utilisée et aboutissait à deux officiers de liaison, l'une par le S.R., l'autre par le C.E., spécialement chargés du contact direct avec les Anglais.

A Washington, un officier de liaison avait été aussi envoyé dans le même but.

Enfin, à Marseille même, auprès du Cne PAILLOLE, un officier anglais et sa secrétaire s'étaient installés clandestinement et recevaient directement toutes les informations utiles.

De plus, beaucoup des renseignements obtenus par nos Services sont allés aux Anglais par l'intermédiaire conscient ou non de la France Libre.

Dans les débuts, en effet, nombre de membres des réseaux qui se créaient ont été aidés par nos agents locaux et beaucoup des renseignements transmis à cette époque au B.C.R.A., qui était encore dans les limbes, avaient en fait nos Services comme origine.

Certains de ceux dont nous avons ainsi soutenu les premiers pas dans la Résistance l'ont d'ailleurs loyalement reconnu.

Quant aux Services de Renseignements Anglais, ils étaient parfaitement conscients de l'étendue et de la qualité de l'aide que nous leur apportions et ils ont manifesté à certains d'entre nous leur reconnaissance.

S'il m'est permis d'évoquer à ce sujet un souvenir personnel, je puis dire que, rencontrant après la guerre un officier Général britannique, ancien membre du War Office à l'époque où l'Angleterre se battait seule, il m'a dit textuellement : " Les informations que vous nous avez fait parvenir pendant l’été et l’automne 1940 ont été presque la source la plus précieuse et ont beaucoup contribué au Salut de l’Angleterre. " * J'ai dit en commençant que l'action des Services Spéciaux dans les semaines et les mois qui ont suivi l'armistice de 1940 était restée jusqu'ici presque inconnue, sinon méconnue.

Il y a à cela plusieurs raisons.

La première est que nous n'avons à peu près rien fait pour faire connaître notre action, car nous sommes restés fidèles à la tradition de discrétion, d'anonymat et de désintéressement dans laquelle nous avons été formés et qui, jadis, était la règle d'or des Services Secrets.

Une autre raison qui a fait méconnaître notre action et l'a même fait contester par certains historiens de la Résistance - ou se prétendant tels - est que nous avons travaillé jusqu'en Novembre 1942 dans le cadre officiel. Nous n'en éprouvons aucun regret, bien au contraire.

Ce n'est en effet que dans ce cadre que nous pouvions avoir l'efficacité que nous avons eue. Car seul il nous procurait les couvertures, les possibilités de liaisons (valises diplomatiques, par exemple), les transmissions, l'appui conscient ou non de certains services gouvernementaux et bien d'autres avantages auxquels nous ne pouvions renoncer sans cesser d'être efficaces.

Un dernier grief, enfin, qui nous a été fait par certains, est d'avoir été en rapport direct avec les Anglais. En cela aussi, seul le souci de l'efficacité nous a guidés. Le Renseignement n'a de valeur, en effet, que s'il est transmis dans les délais voulus à ceux qui sont en mesure d'en tirer parti. Or, les seuls à être dans ce cas, pendant l'été et l'automne 1940, étaient les Services Anglais, avec lesquels d'ailleurs, nous avions depuis la guerre de 14-18, des rapports étroits et confiants. C'est donc à eux que sont allés, sans intermédiaires inutiles, nos informations.

Voici donc, très succinctement résumé, quelle fut l'action de nos Services. Elle nous a coûté plus de 300 morts dont les noms sont inscrits sur le Mémorial de RAMATUELLE et auxquels, tout à l'heure, nous avons rendu hommage.

Si les anciens membres des Services Spéciaux sont fiers de ce qu'ils ont fait, ils n'en tirent cependant aucune gloriole, car il eut été honteux que nous n'agissions pas comme nous avons agi et que nous n'obtenions pas les résultats que nous avons obtenus.

La lutte secrète contre l'Allemagne et l'Italie était en effet notre métier et nous n'avons fait que le continuer. Aussi avions-nous très, normalement sur les premiers réseaux qui, partant de zéro, se créaient spontanément en France ou y étaient créés par Londres, une très grande avance.

 

Nous avions notre expérience, notre connaissance des armées ennemies, de nombreuses sources de renseignements existantes que, malgré la défaite, nous pouvions continuer à exploiter, des ateliers de décryptement qui continuaient à travailler, des possibilités de liaisons et de transmissions qui, elles aussi, avaient survécu à la défaite, des archives que nous avions pu conserver, des contacts anciens et confiants avec les Services Secrets de certains pays étrangers, neutres ou belligérants.

C'est pourquoi nous pouvons être certains que le jour où une véritable Histoire de la Résistance pourra être écrite - c'est-à-dire une Histoire à peu près débarrassée des racontars, des vantardises et des parti pris qui l'encombrent encore actuellement - cette Histoire mettra l'action de nos anciens Services à sa vraie place.

Cette place sera sans aucun doute l'une des premières quant aux résultats obtenus et elle sera incontestablement la toute première quant à la date d'entrée dans la lutte contre l'occupant, puisque, cette lutte, nous ne l'avons jamais cessée. Des applaudissements nourris et prolongés saluent la fin de cette remarquable allocution de notre Président d'Honneur.  

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Allocution du Colonel PAILLOLE

Monsieur le Maire Adjoint, Vous avez autour de vous des camarades venus de tous les coins de France : du Nord, du Midi, de la Bretagne, de l'Alsace... et de l'Auvergne bien sûr.

Certains retrouvent cet hôtel SAINT-MART où, il y a plus de 30 ans, ils exercèrent leur activité. D'autres ont voulu découvrir ce mystérieux Poste de Commandement qui, de loin, les animait, les protégeait et où aboutissaient les fruits de leurs efforts.

Tous, comme moi-même, n'ont d'autre but que de marquer par ce pèlerinage leur fidélité à l'idéal patriotique qui les unissait.

Votre accueil si compréhensif et si amical nous touche profondément.

IL nous rappelle l'accueil de 1940 qui - au-delà d'une réconfortante hospitalité - nous fit entrevoir les inépuisables ressources d'une province meurtrie par la défaite, mais résolue à lutter contre l'envahisseur.

Certains ont regretté que la cérémonie qui nous réunit n'ait pas eu lieu plus tôt. Nous aurions, certes, souhaité que les plus méritants d'entre nous, et qui ne sont plus, reçoivent l'hommage que vous nous réservez et que nous avons voulu nous-même réserver à ceux qui prirent l'initiative et la responsabilité de lancer en Juillet 1940, nos Services en entier dans la lutte contre l'occupant.

Tâche d'autant plus difficile qu'elle avait l'ambition d'entraîner dans une résistance désormais interdite, un organisme d'Etat, un corps constitué, avec son personnel, ses moyens matériels, ses techniciens et ses archives.

Oeuvre obscure, ingrate, qui exposait ses artisans aux coups de l'ennemi mais aussi, hélas, à l'incompréhension, au mauvais esprit de certains français.

Combien de fois ai-je trouvé dans cette maison, au cours des missions qui m'amenaient ici, RIVET et d'ALES, les deux responsables accablés par les difficultés de leurs tâches, mais toujours résolus.

Rempart stoïque entre un ennemi furieux, un gouvernement aux abois et une mission sacrée qu'il fallait poursuivre.

Un jour de l'automne 1941, je demandai à d'ALES ce qu'il faisait des réclamations que provoquait immanquablement notre action contre l'occupant :

- " Libérez les 153 personnes dont la liste est jointe "

- " Un microphone a été découvert dans l'appartement de GEISSLER, chef de la gestapo à VICHY. Faire connaître le responsable "

- " Un certain D... a été fusillé à LYON. Communiquer le dossier de cette affaire. "

- " Plusieurs personnes dont les noms suivent ont été arrêtées en zone occupée par les autorités allemandes. Elles travaillaient pour un Docteur SEJOURNE et un Ingénieur RICHEPIN du 2ème Bureau. "

Dix questions de ce genre s'abattaient chaque jour sur d'ALES et RIVET. D'ALES voûté, le regard lourd, me désigne du doigt une boîte à chaussures juchée sur le sommet d’une armoire. Je l’ouvris, elle éclata littéralement sous l'effet de la masse libérée de demandes et de réclamations, en tous genres, restées sans réponses.

- " Vous pouvez constater, me dit d'ALES, qu'il n'y a plus rien d'urgent et que mon classement résout bien des problèmes. "

Ainsi étions-nous protégés des tempêtes par cette inoffensive plaque de " l'Office Privé du Retour à la Terre " que remplace désormais la plaque du souvenir.

A ce jeu, que seuls les imbéciles ou les ignorants pourraient qualifier de " DOUBLE ", RIVET et d'ALES, tout comme BARIL, le Chef du 2ème Bureau, finirent par s'user.

L'un rejoignit ALGER, l'autre le maquis. Plusieurs de leurs collaborateurs qui honorèrent ces lieux de leur courage tranquille, furent arrêtés et moururent en déportation : ainsi le Colonel BONOTEAUX, les capitaines HELIOT et DELMAS.

 

D'autres eurent la chance d'échapper à l'ennemi, ou de revenir vivant des camps nazis. Certains sont là, avec les veuves de nos morts. Bouleversés, j'en suis sûr, comme moi-même, par la masse des souvenirs que fait revivre cette cérémonie.

Je crois, en définitive, qu'elle vient à son heure, car il n'est pas possible que tant d'efforts et de sacrifices tombent dans l'oubli, ou, ce qui serait pire, qu'ils soient déformés ou usurpés par les manipulateurs d'une prétendue Histoire. L'attention portée par M. GISCARD D'ESTAING, lui-même, à l'initiative si louable de notre éminent Délégué Régional, votre présence, M. le Préfet représentant M. A. BORD, Ministre des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, la présence de MM. les Elus locaux et des représentants de l'Armée, témoignent de l'intérêt des Pouvoirs Publics pour les Services Spéciaux de la Défense Nationale, pour l'oeuvre qu'ils ont accomplie dans ces temps difficiles et déjà si lointains.

Je les remercie, comme je vous remercie vous-même, de ce précieux témoignage d'estime.

Je n'ai garde d'oublier la propriétaire de ces lieux, Mme COUSTEIX, qui nous reçoit et nous a toujours reçus avec tant de compréhension et de générosité.

Permettez-moi, Monsieur le Maire, d'exprimer à CHAMALIERES et aussi par leurs représentants à ROYAT, à CLERMONT, à l'AUVERGNE, la gratitude d'un Service National qui a dû une grande part de son efficacité pendant l'occupation, au patriotisme et au dévouement de leurs populations. Je voudrais enfin achever mon propos par une prière :

- " Au moment où l'on se penche si opportunément sur le sort de nos concitoyens les plus défavorisés, que parmi eux, ne soient plus oubliée cette catégorie de Français qui ne réclame, elle, que pour sa Dignité et le respect qu'impose un Passé consacré au service exclusif de la France. " Un tonnerre d'applaudissements salue cette péroraison.

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C'est ensuite l'agréable moment de détente du Vin d'honneur. Un télégramme est entre temps apporté au Président National, Il émane de Madame la Maréchale de LATTRE DE TASSIGNY, Présidente d’Honneur de l' A.A.S.S.D.N., laquelle tout en regrettant de ne pas pouvoir être là, forme des voeux pour la réussite de cette exceptionnelle cérémonie du souvenir.

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Article paru dans le Bulletin N° 75

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