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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
EXPOSE AU CONGRES A.A.S.S.D.N. ( 1971 ) DE STRASBOURG
 

Par le Colonel DOUDOT

Après avoir rappelé qu'entré au C.L.F. du Colonel MANGES à AIX-LA-CHAPELLE en 1922 il a servi à DUSSELDORF, MAYENCE, DIETZ jusqu'en 1939, fait la guerre dans nos Services en France, en Angleterre, au Maroc, puis, en 1944 en Normandie pour finir en 1945 dans le Tyrol et achever le tout en 1963 à Baden, le Colonel DOUDOT, ce " vétéran " va égrener quelques souvenirs à propos de STRASBOURG.

 

Le Poste S.R. de STRASBOURG

Le Poste S.R. de Strasbourg, dépendant du S.C.H. de BELFORT, lequel avant la guerre opérait surtout par la Suisse, était installé rue de Zurich, c'est normal, au n° 10 je crois.

 

Notre S.R. Marine opérait souvent ici, non pas parce que " l'Amiral " est du Bas-Rhin, mais parce qu'il pouvait compter sur la collaboration des inspecteurs du Port du Rhin, qui recrutaient des informateurs parmi les bateliers et aussi des policiers du contrôle des frontières.

 

Je pense à Jeanjean, Léonard, Kempf, et j'en oublie.

 

Ceux de l'ancienne Sûreté de l'Armée du Rhin, repliés en 1930 en Alsace, avaient appris à connaître nos Services en Rhénanie.

 

Ici, ils devaient nous rendre d'énormes services, non seulement dans le domaine du C.E. répressif, mais également comme recruteurs d'agents, boîtes aux lettres, etc.

 

Même les différents directeurs de la Police, dont les Services se trouvaient rue de la Nuée Bleue, nous étaient très favorables. Citons en passant MM. SEBILLE, MALLET et MONVARD, le barbu au savoureux accent provençal !...

En évoquant STRASBOURG de l'époque, il me revient en mémoire un épisode de 1935.

Au pont de Kehl avait lieu un échange d'espions condamnés.

 

Du côté allemand on accueillait, au son de marches militaires, RATHKE et son Secrétaire FRISCHMANN, condamnés quelques mois auparavant à 5 ans, à METZ et échangés contre l'ingénieur alsacien SCHNEIDER. Ce dernier avait été condamné à 20 ans de réclusion et avait déjà payé 5 ans.

 

Mon adjoint du B.R.E.M., M. KLEIN, venu assister à l'échange avait dû ravager le jardinet du Commissaire spécial du pont de Kehl, pour pouvoir accueillir avec des fleurs notre compatriote.

 

A propos de RATHKE, ancien officier allemand, aveugle de guerre et néanmoins espion il y aurait un roman à raconter.

 

Le cas de deux provocateurs

Grâce aux relations excellentes que nous entretenions avec la Sûreté Publique belge, nous apprîmes au printemps de 1937 par le Commissaire Principal Jef BLERO de ce service, qu'un de ces indicateurs avait été recruté par un " espion " allemand.

 

Ce dernier lui avait fixé rendez-vous le lendemain matin à 11 heures devant le poste de la place de la Gare à Strasbourg.

 

Nous décidâmes de nous rendre également à ce rendez-vous, KLEIN, BLERO et moi-même.

 

Retardés par une panne sur le trajet METZ-STRASBOURG, nous arrivâmes trop tard pour pouvoir alerter les policiers C.E. de la rue de la Nuée Bleue avant l'heure du rendez-vous.

 

Nous nous rendîmes tous seuls place de la Gare, où à la terrasse d'un café j'aperçus subitement deux inspecteurs de la police spéciale que je connaissais bien.

 

Eux aussi surveillaient " discrètement " le lieu du rendez-vous.

 

Finalement, les deux groupes de " chasseurs " à l'affût du même " gibier " purent s'expliquer.

 

Ils avaient affaire à deux provocateurs, indicateurs de la police l'un et l'autre, qui s'étaient " recrutés " mutuellement comme agents allemands, chacun dénonçant ensuite son complice le premier à Bruxelles, et le second à Strasbourg.

Cette " grosse affaire " devait évidemment se terminer en queue de poisson.

 

Le cas du règlement allemand

A l'origine de la deuxième histoire qui devait trouver son épilogue à Strasbourg, il y avait eu la fourniture au B.R.E.M. à Metz en 1936 par un agent de la section S.R. d'un règlement militaire allemand.

 

Celui-ci avait été photocopié, mais avant de le rendre à l'agent, la Poste avait pris la précaution, à la suite d'une initiative du Commandant du CREST de VILLENEUVE, de porter sur une douzaine de pages de l'original des signes imperceptibles au crayon, tout en notant sur une feuille à part la localisation exacte de ces signes.

 

Il faut dire qu'à l'époque nous ne manquions pas de documents allemands.

 

Le S.R. français disposait d'un nombre impressionnant d'agents au sein de la Reichwehr et nos " sources " coulaient sans arrêt.

 

Aussi tenions-nous à ne pas " acheter " deux fois la même " marchandise ".

Environ un an plus tard, un Allemand vint offrir ses services à l'Attaché Militaire français à Prague, dont l'adjoint le Commandant GOUYOU était un ancien du C.L.F. de Dusseldorf.

 

L'homme proposait de fournir des documents de la Wehrmacht et citait comme première livraison le règlement militaire dont il a été question plus haut.

 

La Centrale de Paris, alertée, chargea le poste S.R. de Metz d'étudier cette offre.

 

Je convoquai par lettre le candidat-agent en lui fixant rendez-vous à l'hôtel des Vosges, près de la gare de Strasbourg.

 

Il vint à la date prévue porteur du document promis.

 

Il me suffit d'y jeter un coup d'oeil pour y découvrir nos signes.

 

Cependant notre homme réclamait une prime de mille marks pour sa livraison.

 

Je l'emmenai immédiatement à la Direction de la Police, au lieu de la prime demandée, je lui fis entrevoir une peine de 2 ans d'emprisonnement.

 

Avant d'être interrogé officiellement par la police l'homme avait perdu de son assurance.

 

Je n'avais pas un instant eu le règlement en main en dehors de sa présence, aussi pus-je lui asséner le coup décisif. " Vous êtes un escroc et un espion provocateur allemand. Nous avons des hommes de confiance en Allemagne, même dans les services de l'Abwehr. Un de nos agents nous a signalé que précisément ce Règlement devait nous être vendu sur ordre des services d'espionnage allemands, mais pas tout à fait aussi cher.

Cet agent a fait à notre intention des signes au crayon sur certaines pages de ces documents. Vérifiez vous-même » ! A l'aide de ma feuille, apportée de Metz, je lui fis vérifier mes dires.

 

Il était effondré, se sentant volé et vendu par son patron allemand.

 

Le Commissaire LEONARD, témoin de la scène, était tout aussi étonné et le 2ème Bureau monta sérieusement dans son estime. L' Allemand dût avouer avoir reçu de l'Abwehr III f de Dresde (IV éme Région Militaire) la mission de vérifier à Prague si un poste S. R. français fonctionnait au sein de l'Ambassade de France et de se faire recruter comme acent d'intoxication.

 

L'Abwehr savait d'ailleurs déjà que le règlement en question était en possession du poste S.R. de Metz.

 

Je ne me souviens plus si le premier fournisseur avait été arrêté en Allemagne et reconnu la livraison du premier document, ou s'il s'était agi d'un " double " du S.R. allemand. Je ne me souviens pas davantage de la peine infligée au deuxième fournisseur par le Tribunal de Strasbourg.

 

L'Agent 258

Parmi les nombreux agents qui fournissaient des documents allemands à nos Services avant la guerre " 258 " a été un des plus intéressants. Il a travaillé à notre profit pendant plus de dix ans sans que nous ayons su son vrai nom, et nous a livré systématiquement des comptes rendus d'audiences et autres documents secrets émanant des Tribunaux allemands traitant des procès d'espionnage.

 

Grâce à lui les Services français étaient mis régulièrement au courant du sort de certains de leurs agents démasqués par les Allemands, de l'organisation des diverses sections de l'Abwehr, etc. " 258 " se faisait d'ailleurs payer fort cher les livraisons, mais n'apportait à chacune de ses livraisons que des documents de grand intérêt. Il avait été recruté en 1922 après qu'il eut tenté d'offrir ses services par l'intermédiaire du qérant du fover militaire français de la Gare de Coblence.

 

Alerté, le Poste S.R. de MAYENCE, dirigé par le Colonel SCHUZ, chargea le Capitaine LOMBARD de prendre contact avec l'homme qui avait donné une adresse à LEIPZIG.

 

Le rendez-vous eut lieu en la gare de WIESBADEN d'où le Capitaine LOMBARD conduisit le " candidat agent " à RUDESHEIM et c'est finalement au pied de l'immense " Germania " que furent jetées les bases d'une longue et fructueuse collaboration. Jusqu'en Juin 1930, époque de l'évacuation de la Rhénanie par les troupes françaises, les entrevues avec " 258 " eurent lieu tous les trois à quatre mois en territoire allemand.

 

Ensuite, jusqu'au plébiscite en Sarre (Mars 1935) l'ancien poste S.R. de Mayence, replié à Metz, où il avait pris les initiales de B.R.E.M. put avoir des entrevues avec cet agent en territoire Sarrois ou en Lorraine.

 

Par la suite les contacts devinrent plus difficiles, mais " 258 " se débrouillait toujours, sous divers prétextes, de se rendre à l'étranger en s'affiliant à une société touristique allemande. Le volume et la diversité des documents qu'il nous fournissait nécessitaient un grand effort d'exploitation. Le S.R. et le C.E. y trouvaient leur pâture.

Cette fructueuse collaboration devait cesser en Septembre 1939 avec le début de la guerre.

 

Après celle-ci je devais apprendre que notre brave " 258 " avait passé sous la hache du bourreau du III ème Reich.

 

Nous ignorons la façon dont il avait été démasqué par la Gestapo.

 

Selon certains son arrestation aurait été l'aboutissement de l'exploitation par les Allemands de dossiers découverts en France, en particulier de ceux du train transportant les archives du Ministère de la Guerre et abandonné en gare de La Charité-sur-Loire.

Pour ma part, je pense plutôt à une trahison de L..., un ancien employé civil, d'origine belge, marié à une Allemande qui se trouvait à l'antenne S.R. de Coblence, au moment où " 258 " était venu faire des offres de service.

 

L... devait " retourner sa veste " en été 1940 lorsque le service l'a plus ou moins laissé tomber à TOULOUSE.

 

Arrêté par la Gestapo en Belgique, où il était rentré il a acheté sa liberté en dévoilant aux Allemands tout ce qu'il savait de nos services.

 

Il a notamment dénoncé notre camarade Charles GROSS et a fourni les quelques précisions qu'il pouvait avoir sur ma propre activité dans le S.R. de Mayence et de Metz.

 

J'ai donc tout lieu d'admettre que c'est lui qui a également dénoncé l'agent " 258 ".

Démasqué après la guerre, L... devait décéder à la prison de Forest où il se trouvait sous l'inculpation d'espionnage avant d'être passé en justice.

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 71

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