logofb

 

 
 
line decor
Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
line decor
 

 


 
 
 

 
 
PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
LES FONDEMENTS DE LA RESISTANCE WEYGAND ET NOUS
 

Par le Colonel Paul PAILLOLE

C'était au début de janvier, quelques jours après ses obsèques à Saint-Philippe-du-Roule.

Un petit cinéma de Genève projetait dans ses actualités quelques images de la vie de Weygand et un interview de lui, enregistré peu de temps avant sa mort.

J'entrai.

L'alerte vieillard s'exprimait clairement, sans la moindre hésitation, sans indice de faiblesse.

J'écoutais, bouleversé, désolé qu'un tel témoignage, entendu par les Suisses, n'ait pas été porté à la connaissance des Français.

" ... Je savais la situation militaire sans espoir. J'acceptai la charge qui m'était offerte... Je dus demander l'Armistice... CE FUT L' ÉPREUVE LA PLUS CRUELLE DE MA VIE ... Je la supportai, car j'avais conscience qu'il n'existait aucune autre solution, pour mettre un terme aux souffrances intolérables des Français, limiter l'invasion, sauvegarder l'Afrique du Nord, préparer et permettre un jour la reprise de la lutte aux côtés des Alliés...". Elle apparaît anachronique et singulièrement dépassée cette sempiternelle polémique qui fait dire aux uns : " Weygand avait raison ", et aux autres : " ... il fallait transférer le Gouvernement en Algérie et poursuivre la guerre... ".

Elle est aussi oiseuse que celle qui oppose dans les amphithéâtres les partisans de la manoeuvre par la gauche à ceux de la manoeuvre par la droite.

N'est-il pas significatif au surplus que la plupart de ceux qui donnent tort à Weygand, sont précisément ceux qui de tout temps - ou plus récemment - on fait aisément leur deuil de l'Algérie française.

Au vrai, seul compte le résultat.

Le 8 novembre 1942, l'A.F.N. était libre, et l'Armée française prête à reprendre le combat. Ainsi, hors des discussions stériles, le Chef de 1940 que des Français crurent bon d'inculper en 1945 à son retour de déportation, avait manoeuvré l'ennemi et atteint son objectif.

Si la " Justice de Dieu n'est pas celle des hommes ", celle de ces Français fut sans doute moins informée que celle de ces Allemands qui, dès 1941, conscients de l'importance de l'oeuvre de Weygand, le vouaient à la mort.

La France hors de combat, il fallait soutenir l'Angleterre. Il fallait empêcher l'ennemi de voir, de comprendre, entraver ses desseins, lutter contre la trahison. Il fallait surtout renseigner, renseigner encore, renseigner toujours.

En fait nous devions poursuivre notre mission avec des moyens différents, avec une organisation nouvelle, clandestine, couverte et appuyée par tout ce que la Nation et l'Armée comptaient d'éléments sains et soucieux de leurs Devoirs.

Fin juin 1940, RIVET, d'ALES et moi (Ndlr: P. PAILLOLE), nous nous interrogions dans la Cour du Séminaire de Bon Encontre près d'AGEN.

Nous nous interrogions, non pas sur ce que nous devions faire : notre détermination était arrêtée et conforme à nos missions.

Nous nous interrogions sur la façon de faire. SUR QUOI, SUR QUI nous appuyer ? Pourrait-on disposer d'une implantation en zone libre capable de servir de base à nos efforts de recherches, à l'exploitation de nos renseignements, notamment de nos renseignements de Contre-espionnage ? Pourrait-on donner à notre personnel la quiétude morale et matérielle qu'il souhaitait pour poursuivre une guerre que nous savions tous devoir être désormais SANS MERCI.

Tout naturellement nos regards se tournaient vers le haut... vers le CHEF.

Le Ministre de la Défense Nationale était WEYGAND. Que pensait WEYGAND ?

RIVET anxieux, impatient, se rendait à Vichy. Il voyait GASSER et avec lui parlait à WEYGAND.

Tous les deux exposaient nos états d'âme, nos idées, nos solutions. C'était en juillet 1940 et soudain notre ciel s'éclairait.

WEYGAND bâtissait l'Armée de l'Armistice dans un esprit de résistance et demandait aux Services Spéciaux de poursuivre clandestinement leurs missions contre l'ennemi.

Voir plus loin dans ce Bulletin, l'extrait de la déposition du Témoin LAHOUSEN de l'Abwehr, devant le Tribunal Militaire International de Nuremberg.

Il attendait de nous des projets d'organisation. Il nous donnait des moyens pour agir. Par dessus tout il approuvait !

Quelques semaines plus tard il couvrait de sa haute autorité nos projets les plus hardis.

Ainsi cette douloureuse phase de notre existence s'achevait par la naissance heureuse d'une organisation nouvelle.

Il ne tenait qu'à nous de la rendre efficace.

Approuvés par WEYGAND, les Bureaux des Menées Antinationales (B.M.A.) devenaient les supports militaires de nos réseaux, les soutenaient, exploitaient leurs informations.

La Justice Militaire rouvrait les dossiers de trahison, entamait de nouvelles procédures pour " intelligences " avec l'Occupant.

Quelques semaines plus tard les premiers espions à la solde des vainqueurs s'écroulaient sous les balles des pelotons de l'Armée de l'Armistice.

Tandis qu'à Londres MENZIES, DUNDERDALE, GREENE dépouillaient nos renseignements tout comme autrefois.

C'était trop !

Trois mois plus tard WEYGAND était " exilé " à ALGER.

Grâce à lui notre organisation s'était développée et fortifiée avec une incroyable rapidité.

Son départ pour l'Afrique marquait pour nous le début d'une ère mouvementée qui devait s'achever au début de 1942 par le " limogeage " progressif de nos Chefs et de nos Amis.

Parallèlement s'établissaient certaines compromissions d'autorités militaires avec l'ennemi, et s'achevait tout espoir de voir l'Armée de l'Armistice reprendre en tant que telle la lutte contre l'envahisseur.

Du moins jusqu'en 1941 il nous restait WEYGAND et au-delà, l'Armée d'Afrique.

Notre Président d'Honneur, le Général H. NAVARRE a exposé dans le Bulletin précédent ce que fut son rôle sous l'autorité du Général Commandant en Chef en Afrique française.

  Nous, avertis de ce qui allait advenir de la France Métropolitaine, nous nous hâtions de profiter de la présence providentielle de WEYGAND à Alger pour implanter en A.F.N. l'ossature des services nécessaires aux Armées Françaises et Alliées, qui s'élanceraient un jour vers l'Europe.

Un matin de mars 1941, d'ALES et moi, introduits par GASSER chez WEYGAND, nous exposions notre désir de transférer sur l'Algérie avec nos hommes et nos archives, les espions ennemis arrêtés en Métropole et réclamés par l'Allemagne. " ... Faites ce qu'il faut et revenez me voir si vous avez des difficultés... ".

Il n'y en eut pas.

Le pli était pris. L'exemple venait de haut.

Partout l'armée d'Afrique résistait et offrait ses concours.

Le 8 novembre 1942, nos services organisés étaient présents aux côtés des Alliés. Peu après, avec des moyens comparables à ceux de 1939 le S.R. et le C.E. Français avaient repris leur place au combat. Dans le désarroi de la défaite, des hommes politiques et des chefs militaires ont fait le procès des autres et cherché ailleurs qu'en eux-mêmes les causes du désastre.

Des idées commodes furent semées. La crédulité de l'opinion émoustillée par d'habiles propagandes les firent germer. " ... Nous n'étions pas renseignés... " " ... Nous étions trahis par la 5e Colonne... "

De tous ces grands hommes aux sentences sans appel, il en fut un qui respecta toujours la vérité : WEYGAND.

" ... Rien dans les évènements survenus en Allemagne et dans les informations reçues de notre excellent Service de Renseignements ne nous permettait de nous départir de notre vigilance ".

Profondément impressionnés par la netteté et la loyauté de tels témoignages, conscients de l'impulsion décisive donnée par lui à l'Armée, à l'heure de sa détresse, témoins de son oeuvre résistante, nous n'avons jamais cessé d'exprimer au Général WEYGAND notre profonde et déférente gratitude.

Pour la dernière fois le 3 décembre 1962, il était à nos côtés à la Chapelle de Saint-François-Xavier et priait avec ferveur, à genoux, pour nos morts.

J'essayais timidement de limiter ses fatigues et l'invitai à s'asseoir. Il me répondit doucement à l'oreille : "... J'ai bien le temps de me reposer plus tard ... ". "... On ne témoignera jamais trop de respect à vos morts et de reconnaissance à vos Services...".

 

 

 

 
Haut de page
 

 

Article paru dans le Bulletin N° 46

Dépot légal - Copyright

Enregistrer pour lecture hors connexion.

Toute exploitation, de toute nature, sans accords préalables, pourra faire l'objet de poursuites.

Lire l'Article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle. - Code non exclusif des autres Droits et dispositions légales....