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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
TELS QU'ILS ETAIENT .... LE COMMANDANT MARANDET
 

Par le Général Louis RIVET

Il était entré sans bruit dans cette Maison en "point d'interrogation" qu'on appelait le S.R. Il avait beaucoup hésité à en franchir le seuil, surpris des précautions qui avaient entouré une convocation insolite. Quelle épreuve l'attendait là ?

Quelle qu'elle fût, il n'avait pour l'affronter que les armes des purs ; conscience droite, démarche timide. Il n'avait été jusqu'ici que le serviteur intègre, irréprochable, secrètement passionné de son Pays - sa religion.

Le Commandant MARANDET -c'était lui- avait pris place en silence, mais tous yeux ouverts, dans la ruche humaine dont le seul murmure dissipait les doutes et trempait la Foi, écho de cet orgueil sans faconde qui habitait les hommes du Renseignement, sûrs de leurs certitudes.

Volonté docile à l'esprit des lieux, MARANDET allait, en un temps étonnamment court, s'y intégrer par le cerveau et par le coeur, comme si une divinité complice avait présidé à son choix.

Il sut bientôt tout de ce chantier en sourde rumeur, Il sut, non seulement parce qu'on l'avait placé à cet observatoire idéal dénommé "Section du Personnel", mais surtout parce qu'une sensibilité aiguë lui donnait l'intelligence des hommes et de leurs mouvements.

Rien de cet étrange milieu ne lui échappa. Et l'on s'aperçut qu'il était là, quand déjà il avait reconnu les autres et jaugé les hommes.

Les services qu'il prodiguait à son entourage, plus immédiatement perceptibles, achevèrent la révélation. MARANDET, servi par son aménité, sa gentillesse et son robuste bon sens, fut bientôt le confident de chacun et l'ami de tous.

A ce poste délicat où le Chef prend le pouls de son équipe et en suppute les promesses, il fut un auxiliaire exemplaire. Que de services discrets il sut rendre à tous, et dont il fut payé d'affection.

Que de soucis et d'ennuis inutiles il sut épargner à l'élément moteur, absorbé par les impératifs de la "recherche" à la veille d'une guerre annoncée par tant de signes.

Et il vint vite, ce jour néfaste. Le drame français commença, sur notre sol. Le service depuis longtemps alerté fit face à l'épreuve, celle que MARANDET attendait d'un coeur ferme.

Ce fut le repli -d'odieuse mémoire- qui faillit désarticuler le S.R. et menacer sa vocation offensive.

Ce fut l'armistice -le S.R. le méprisa- . Ce fut l'implantation en Auvergne, un nouvel ordre de bataille : la guerre continuait. Une vie administrative s'instaura, qui défiait règles et coutumes, mais qui maintint le SERVICE et nourrit son souffle ; MARANDET en fut l’animateur.

Cela dura deux ans. Mais un jour de novembre 1942, l'Allemand fut partout.

La dispersion, acte salutaire, mit dans la clandestinité totale les hommes du S.R. La tragédie de ceux qui continuaient la lutte entra dans sa phase aiguë.

MARANDET fut dans la tragédie, avec simplicité : cela allait de soi. Comme il n'était pas causant, ses proches n'en surent rien, sinon d'intuition aux heures ou la catastrophe rôdait à bruit de bottes sur ses traces solitaires.

Les consignes étaient sommaires, les initiatives firent le reste, et beaucoup plus. On vit cet homme réputé prudent agir avec une audace dont seule une parfaite maîtrise de soi dosait les excès.

Réempoignant sa jeunesse, il s'assigna des missions proprement démesurées, qui allèrent bien au-delà des devoirs de sa fonction et du devoir tout court .

- Soustraire aux recherches de la Gestapo les archives de la Direction et les fonds -(importants)­- destinés à alimenter l’actif des éléments du SERVICE dispersé;

- Tenir le contact de ces cellules mouvantes et assurer entre elles une liaison continue;

- Veiller sur la sécurité des isolés, alerter, et recueillir souvent, les membres du SERVICE serrés de près par la police allemande.

Cela est vite dit. Mais les initiés, mais les hommes magnifiques que le Chef du S.R, avait laissés en France pour y poursuivre un tête à tête meurtrier avec l'Allemand et renseigner, savent ce que repré­sentait de charge et de péril la tâche "résistante" ainsi comprise et assumée.

Plus de domicile fixe, plus de tranquillité d'esprit, plus de détente sous l'orme.

Des limiers implacables aux trousses de ceux dont ils finissaient par obtenir les noms et dont ils cherchaient les visages.

Des jours d'obsession suivis de nuits d'angoisse.

Une famille, une épouse qui comprenaient tout sans savoir et s'épuisaient de craintes.

Des dénonciations .. hélas ! Oui, tout cela, nous le savons, mais la vérité fut sans doute plus terrible que le souvenir que nous en avons.

Tout cela fut surmonté, mais hérissé d'alertes et d'accidents.

Un jour de janvier 1943, MARANDET échappait de justesse, à Chamaillère, à une action de la Gestapo dirigée sur son gîte : l'homme et son précieux dépôt étaient déjà ailleurs, pas loin, MARANDET quitta ces lieux inhospitaliers pour gagner, entre Rhône et Loire, un terrain plus propice à ses mouvements.

Il y perdit son nom patronymique mais y gagna des appuis, la Gestapo, elle, y perdit son latin : venue à Renaison, munie d'une adresse sûre, elle manqua, par une aberration de l'esprit, la porte du fugitif.

Elle n'y eut d'ailleurs rien trouvé : MARANDET chevauchant une bicyclette archaïque, roulait dans les chemins creux de la campagne proche. Quelques instants auparavant, aidé de son vaillant second GAVINI, il était encore à trier et à enfouir le lot, riche d'aventures, de ses délictueux papiers ….  Ceci se passait dans les premiers mois de 1944, le fantôme de la défaite se profilait à l'horizon de l'Allemagne dont la police exaspérée ruait à contretemps.

EPIL0GUE

Décembre 1944, Le Commandant MARANDET, mission remplie, est rentré à PARIS. A-t-il retrouvé sa sérénité des jours paisibles ? Pas tout à fait. Il s'est remis à la disposition des chefs qui voudront 1’employer. Mais le connaissent-ils ? Sa réserve ombrageuse n'a que faire des clairons de la renommée …

Il estime, en tous cas, qu'il doit des comptes au Chef dont il avait reçu sa mission. Celui-ci vient justement d'apparaître dans la Capitale. Tous deux se retrouvent :

… Mon Général, dit MARANDET, j'ai cru devoir remettre au nouveau SERVICE les archives que vous m’aviez confiées, elles leur sont indispensables. -Bien sûr, c'est dans l'ordre, -Mais je détiens encore les "fonds de mobilisation" (1)  . Que dois-je en faire ?

- C'est simple, remettez-les, comme les archives, à mes successeurs,

- Oui, cela aussi, c'est normal. Mais … je suis "très embêté",

- Pourquoi ?

- Et bien, voilà, cette réserve d'or, qui s'élevait à X millions, je l'ai comptée et recomptée, et.. elle n'est pas complète.

- Diable !

- J'en perds le sommeil : il manque un louis.

Tel fut le Commandant MARANDET, ancien Chef du Personnel du S.R.  obscur et obstiné combattant de deux affreuses guerres, dédaigneux des fanfares de la gloire, et mort, au soir de son effort, d'avoir trop aimé la France.

(1) Ces fonds, qui constituaient la réserve des postes extérieurs, avaient été rendus par leurs détenteurs, après Juin 1940, au Service Central. Ils furent conservés avec les fonds courants, par MARANDET, à partir de 1942.

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 11

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